Argentine : Procès sur la Prison de Coronda pour crimes contre l’humanité

La présence des « absents »

19/04/2018
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Des témoignages personnalisés, des vécus, des sentiments, des souvenirs réactualisés alimentent comme des semences imprescriptibles le jugement des responsables de la prison de Coronda, Santa Fe, Argentine, depuis le 14 décembre 2017.

 

Le marathon des déclarations accusatrices a fait revivre plus particulièrement des visages et des noms. Apparaissent à maintes reprises – grâce à la force de l’amour collectif – tous ceux qui ont habitué une fois derrière ces murs de l’infamie et qui ne sont plus.

 

Je voudrais rendre hommage à l’un d’entre eux, mon frère Claudio*.

 

Et faire apparaître son intelligence adolescente débordante de lectures adultes, d’Albert Camus à Miguel de Unamuno, en passant par Immanuel Kant et Jorge Luis Borges. La grande sensibilité éternelle d’un être bon et rebelle. Et sa précoce politisation, qui l’a mené à une militance exemplaire et multiplicatrice, sans mesurer les risques et les sacrifices.

 

Actualiser les souffrances déchirantes de la prison et la vaillance de celui qui disait : « Plutôt que de trahir un seul camarade, je préfère mourir ». Et il a tenté – sans y réussir – lors d’une nuit chaude de janvier 1978, de s’évader de Coronda par le chemin le plus complexe, par le raccourci du suicide.

 

Plus tard, l’exil déchirant, la dégradation personnelle accentuée, la chute dans l’enfer de ce « cancer de l’âme » - comme il le définissait – de la profonde dépression qui a marqué sa maturité accélérée et sa mort précoce à l’âge de 51 ans à peine.

 

Et finalement, son adieu anticipé, le 11 août 2001, en emportant avec lui les traces irréparables de la souffrance humaine, qu’il n’a jamais cessé d’associer à ce qu’il avait vécu à Coronda.

 

La présence de Claudio – ainsi que celle de tous nos « absents » - confère encore davantage de dignité au jugement actuel de Coronda.

 

Aujourd’hui, sur le banc des accusés, sont assis ceux qui ont réussi à t’arracher, derrière ces murs, ta joie de vivre. Sois tranquille, Claudito ! Sans attendre le verdict, nous, tes frères, et l’histoire, nous les avons déjà condamnés… D’ici peu, justice sera faite…

 

 

- Sergio Ferrari

Santa Fe, Argentine, 17 avril 2018

Traduction Hans-Peter Renk

 

*Note : La dénonciation des souffrances de Claudio Ferrari à Coronda et les conséquences irréparables de la prison furent le point central du témoignage de Sergio, lors de l’audience du 13 avril dans le jugement contre les commandants de gendarmerie, ayant dirigé la prison de Coronda, de 1976 à 1979, durant la dernière dictature. Le 11 mai, les juges prononceront la sentence de ce procès.

 

https://www.alainet.org/de/node/192377
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