Venezuela : une puissante mise en accusation contre le gouvernement Trudeau… Pourtant, un rameau d’olivier était tendu

03/09/2020
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Jorge Arreaza
Foto: St. Lucia News Online
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La conférence Zoom du 20 août avec le ministre vénézuélien des Affaires étrangères du Pouvoir populaire, Jorge Arreaza, a présenté, entre autres, son analyse dévastatrice de l’ingérence du gouvernement Trudeau dans les affaires intérieures du Venezuela au nom de Trump. Tout Canadien épris de justice peut penser que Simon Bolívar, le héros de l’indépendance vénézuélienne du XIXe siècle, avait raison dans une déclaration devenue célèbre : « Les États-Unis semblent destinés par la Providence à accabler l’Amérique de misère au nom de la liberté. » Cependant, nous pouvons maintenant y ajouter le Canada sous le gouvernement de Justin Trudeau; les Canadiens qui souscrivent aux principes de souveraineté, sans parler du droit international, doivent le reconnaître.

 

À un certain moment de la longue conférence, Arreaza a demandé :

 

« Pourquoi le Canada a-t-il suivi les États-Unis? Pourquoi le Canada a-t-il même subi les critiques, pour faire des déclarations impossibles à faire par les États-Unis à cause de leur exécrable réputation dans les pays d’Amérique latine? Ainsi, le Canada a commencé à se placer sur la ligne de front dans l’agression contre le Venezuela. Et nous n’avions vraiment aucune idée de ce qui allait se passer.

 

« Pourquoi le Canada? Nous avons toujours vu le Canada comme un pont, comme un acteur avec lequel nous pourrions rechercher un dialogue et établir des pourparlers avec les États-Unis et même d’autres parties du monde. Mais ce n’était pas le cas, et [le Canada] utilise toujours le cadre de la « défense des droits de la personne. » Donc, vous savez que le premier ministre du Canada, M. Trudeau a eu, et je dois dire qu’il n’est pas comme son père, des différends avec l’administration Trump, surtout en ce qui concerne les changements climatiques, les accords commerciaux et autres. Et ce que nous croyons vraiment et concluons, c’est qu’ils ont ces différences importantes, donc le Venezuela était une carte facile à accepter, et c’est ce que qu’ils ont fait. Ils ont dit, soit, nous avons ces mésententes, mais mettons-nous d’accord sur le Venezuela. Nous ferons ce qu’il vous est impossible de faire. Organisons le Groupe de Lima. Ce ne sera pas vous qui interviendrez directement, monsieur Pompeo. Ce sera Chrystia [Freeland], ce sera Trudeau. Ce sera plus facile si nous procédons de cette façon, car si les États-Unis sont membres du Groupe de Lima, personne n’accordera de crédibilité à ce groupe, parce que l’on croira que ce sont les États-Unis, avec leur politique de changement de régime, qui tentent d’attaquer le Venezuela.

 

« Et nous devons aussi mentionner un deuxième motif ou mobile qui motive cette agression du Canada contre le Venezuela. Il est lié aux intérêts pétroliers, ces grandes entreprises de l’Alberta, cette province du Canada où vous produisez du pétrole lourd tout comme le pétrole vénézuélien. Le pétrole lourd et vos raffineries, notamment dans le sud des États-Unis, au Texas, en Floride et ailleurs, sont conçus pour le pétrole vénézuélien, pour le pétrole lourd. Car traditionnellement, c’était le Venezuela qui fournissait ce pétrole aux raffineries. Et maintenant, à cause de cette agression contre le Venezuela, à cause de ces sanctions contre le Venezuela, le pétrole du Canada se substitue à celui du Venezuela.

 

« Il y avait une motivation claire, mais il y avait aussi un certain intérêt de la part de plusieurs entreprises, comme Crystallex, une société minière au Venezuela, une sorte d’entreprise fantôme, qui n’a jamais vraiment existé. En fait, son nom est Crystallex parce qu’elle a été créée pour une région du Venezuela qui possédait d’importantes mines d’or appelées cristinas, d’où le nom Crystallex. […] Mais, à un moment donné, le président Chávez a décidé de nationaliser toutes les industries aurifères, et ces entreprises ont été invitées à quitter le Venezuela. Crystallex est alors allée en arbitrage et soudain, au cours de ces dernières années, nous avons perdu cet arbitrage et cet argent que l’État du Venezuela, la République bolivarienne du Venezuela, doit payer à cette soi-disant société Crystallex.

 

« Mais c’est associé au Canada, c’est une entreprise canadienne qui a des liens avec ce député, Juan Guaidó. Je dois dire que personne ne connaissait Juan Guaidó avant qu’il ne lève la main au milieu d’une manifestation de rue et s’autoproclame président de notre pays, et de nombreux Vénézuéliens ont oublié son nom. Ils ont, avec quelques difficultés, appris à l’orthographier et maintenant ils l’ont même oublié. Donc, tout cet intérêt commercial fait partie de ce nouveau jeu d’échecs et le Canada a été à l’avant-garde de cette agression contre le Venezuela.

 

« Il faut se rappeler que ce Groupe de Lima a été créé parce que les États-Unis n’ont pas réussi à obtenir tous les votes dont ils avaient besoin à l’OEA, l’Organisation des États américains, pour expulser le Venezuela ou appliquer la Charte démocratique des Amériques et intervenir au Venezuela. Et surtout parce qu’ils n’ont pas réussi à convaincre les pays de l’ALBA, l’Alliance bolivarienne pour les Amériques, et les pays de la CARICOM, la communauté des Caraïbes. Ils n’ont jamais eu les 24 voix dont ils avaient besoin, ils n’avaient même pas obtenu les 18 voix nécessaires au début. Ils ont alors créé ce Groupe de Lima, un groupe informel. Il ne s’agit pas d’un groupe légalement constitué, il n’est enregistré dans aucune organisation internationale et il se réunit pour attaquer le Venezuela; et généralement, le président de ce groupe est le Pérou, mais c’est une formalité. Les vraies consignes et les directives sont données par le Canada, mais surtout par les États-Unis, à partir de Washington vers le Canada jusqu’au Groupe de Lima. Et lors de l’une des dernières réunions du Groupe, ils ont même participé à des vidéoconférences avec Pompeo. Les États-Unis ne font pas partie du Groupe, mais Pompeo leur dit quoi faire. »

 

Lors d’une première rencontre avec Elliot Abrams (l’envoyé spécial de Trump pour le Venezuela) à l’ONU, Arreaza a rappelé lui avoir dit que tous les plans et prévisions de renversement de Maduro ne se concrétiseraient pas. Il a raconté :

 

« Enfin, après cette première réunion, nous nous sommes rencontrés et je lui ai dit : “vous voyez, monsieur Abrams, que rien ne s’est passé, que nos militaires ont respecté notre Constitution et notre gouvernement, et que votre coup d’État a échoué.” Et il a répondu : “D’accord, si cela a échoué, je dois l’accepter, du moins jusqu’à maintenant. Ensuite, nous appliquerons une stratégie de pression maximale. Et nous avons beaucoup d’alliés.” Et le Canada a toujours été le premier sur sa liste. »

 

Cependant, malgré le soutien abusif et cynique du gouvernement Trudeau aux sanctions pour le changement de régime de Trump/Pompeo et aux tentatives de coup d’État, Arreaza a présenté un rameau d’olivier :

 

« Et je veux vous informer [le public canadien], j’insiste, que si M. Champagne, le ministre des Affaires étrangères du Canada, souhaite avoir une conversation avec le ministre des Affaires étrangères de la République bolivarienne du Venezuela, je peux l’appeler, et nous pouvons avoir une conversation téléphonique sur-le-champ. S’il veut me rencontrer à Ottawa, à Caracas, à Mexico, à Beijing ou ailleurs, je peux voyager. Quand vous le souhaiterez, parce que nous croyons devoir respecter le Canada et que le Canada doit respecter en retour le Venezuela en évitant, entre autres, de s’ingérer dans les affaires intérieures du Venezuela. »

 

Encore une fois, dans le contexte de la période de questions et réponses des journalistes concernant les plans d’une autre intervention militaire dirigée par les États-Unis, Arreaza a répété :

 

« Peut-être qu’ils [les représentants du gouvernement canadien] écoutent cette conférence. Je suis sûr (je ne sais pas pour le ministre) que si les gens du ministère des Affaires étrangères du Canada écoutent cette conférence, cet échange, et qu’ils prennent des notes, j’espère qu’ils rectifieront leur point de vue, et qu’ils ne soutiendront jamais plus, ni maintenant ni à l’avenir, une opération militaire contre le Venezuela. »

 

Le gouvernement canadien est demeuré silencieux. Cependant, le 21 août, un article publié dans le National Post par l’un des journalistes ayant participé à la conférence citait abondamment le faux ambassadeur de Guaidó, en faisant essentiellement deux remarques :

  1. Les difficultés économiques qui affligent le Venezuela sont la faute du gouvernement Maduro et non des sanctions américaines/canadiennes.

  2. Le Canada et le Groupe de Lima agissent pour sauver le Venezuela d’une « catastrophe humanitaire », des « violations des droits de la personne », et pour mener à bien une « transition démocratique. »

 

Dans un article de suivi publié le 26 août dans le National Post, le même journaliste, plutôt que de prendre en compte les objections soulevées dans les médias sociaux (et une lettre de l’auteur de ces lignes pour rectifier certains faits), est allé encore plus loin. Il a continué plus vigoureusement à présenter le gouvernement Trudeau et le Groupe de Lima comme une force pour « une transition pacifique vers la démocratie au Venezuela ».

 

Entre-temps, tout indique qu’une invasion militaire au Venezuela est actuellement organisée par les États-Unis et leurs alliés pour le mois d’octobre, juste avant les élections présidentielles du 4 novembre. Pourquoi le gouvernement Trudeau et les médias canadiens ignorent-ils cela?

 

À la lumière de cette violation colossale du droit international, les Canadiens peuvent-ils demeurer silencieux? Au contraire, les parlementaires, les syndicats, les organisations sociales, politiques et les intellectuels au Canada et ailleurs dans le monde doivent s’exprimer dès maintenant!

 

Voir ici, grâce à Canadian Dimension, l’intégralité de la conférence du ministre des Affaires étrangères Jorge Arreaza et la discussion qui a eu lieu le 20 août (en anglais).

 

 

https://www.alainet.org/de/node/208762?language=es
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