Climat : faire de Paris un Seattle de la finance carbone et des fausses solutions

01/10/2014
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Du 30 novembre au 11 décembre 2015, l’aéroport du Bourget, près de Paris, va accueillir la 21e conférence de l’ONU sur les dérèglements climatiques, la COP21. Six ans après le sommet de Copenhague, l’attention des médias internationaux devrait à nouveau se tourner vers le climat à l’occasion de cette nouvelle conférence qui est supposée aboutir, selon Laurent Fabius, à « un accord applicable à tous, juridiquement contraignant et ambitieux, c’est-à-dire permettant de respecter la limite des 2 °C » [1].
 
 
C’est mal parti. Si un accord est possible, il ne sera ni juridiquement contraignant, ni à la hauteur des enjeux. Barack Obama ne veut pas d’accord juridiquement contraignant. Il l’a clairement affirmé à la fin de l’été [2]. Ni François Hollande ni Laurent Fabius ne l’ont contredit.
 
Pour être à la hauteur des enjeux, un tel accord devrait imposer d’importantes réductions d’émissions d’ici 2020 – or ce n’est même pas à l’ordre du jour – et des objectifs pour 2030 largement supérieurs aux 40 % envisagés par l’Union européenne. Par ailleurs, il n’y a pas de financements sur la table. Les 100 milliards de dollars publics et additionnels qui doivent financer la lutte contre le réchauffement climatique, l’adaptation et les conséquences des phénomènes climatiques extrêmes restent un mirage.
 
Pourtant les nouveaux rapports du GIEC sont extrêmement alarmants. Et il ne se passe pas un mois sans qu’un nouveau record d’émissions de gaz à effet de serre ou de chaleur ne soit battu, comme le montrent les dernières données publiées par l’Organisation météorologique mondiale [3]. Si les données et les rapports s’empilent, ils ne déclenchent aucune véritable politique de transition écologique et sociale. Informer les classes dirigeantes des dernières données disponibles n’a, finalement, pour seule conséquence que d’avoir des classes dirigeantes informées des dernières données disponibles, mais toujours opposées, hélas, à engager la transition vers d’autres modèles de société.
 
Que font nos « classes dirigeantes informées », désormais ?
 
Il semblerait qu’elles utilisent les dernières données et rapports publiés pour promouvoir n’importe quelles actions, pourvu que celles-ci renforcent l’emprise de la finance et des multinationales sur nos économies, sur nos vies et sur la nature. Le récent sommet sur le climat organisé par Ban Ki-moon à New York en est un exemple frappant [4]. L’important serait ici de « passer à l’action », sans même que le contenu de l’action n’ait encore été précisé. Ainsi, pour optimiser le captage et le stockage du carbone dans les sols et les forêts, on proposera de financer et expérimenter de nouvelles pratiques et techniques agro-forestières – y compris le développement de nouvelles cultures OGM – à l’aide de nouveaux dispositifs de finance carbone. Pour que les paysans puissent faire face aux conséquences des dérèglements climatiques, on leur vendra des outils de prévision météorologique et des polices d’assurance. Les énergies renouvelables ? Des programmes d’investissements seront lancés en grande pompe, comme en Afrique, et la réalisation de mégainfrastructures, souvent inutiles et inadaptés aux besoins des populations, sera confiée à des multinationales et financée à travers les marchés financiers.
 
À ces fausses solutions – auxquelles il faudrait ajouter les projets de géo-ingéniérie –, nous opposons la mobilisation des énergies citoyennes pour reprendre le contrôle sur nos vies, sur nos économies, sur nos sociétés, et amorcer un profond changement de système. Nous avons besoin d’un « système qui vise l’harmonie entre les humains et la nature, et non le maintien d’un modèle de croissance sans fin », « un nouveau système qui réponde aux besoins de la majorité et non de quelques-uns » [5].
 
C’est l’enjeu des quinze mois qui nous restent d’ici la COP21. Serons-nous capables de nous appuyer sur la vitalité des alternatives citoyennes et les exigences populaires pour faire de Paris2015 un Seattle de la finance carbone et des fausses solutions ? C’est-à-dire faire de Paris2015 un moment fondateur du mouvement pour la justice climatique comme Seattle le fut pour le mouvement altermondialiste, marquant un coup d’arrêt à l’extension de la mainmise des multinationales, des investissements privés et des mécanismes de marché. Attac France, avec ses moyens, ses partenaires et l’implication de chacun-e s’y emploiera de toutes ses forces.
 
P.-S.
 
 
Notes
 
[1] Discours de Laurent Fabius - Présentation du rapport du GIEC (30 septembre 2013) - http://attac.org/l/46h
 
 
 
[4] Voir nos analyses et réactions sur le site www.france.attac.org
 
[5] Voir la déclaration signée par Attac France sur www.france.attac.org
 
30 septembre 2014
https://www.alainet.org/en/node/103854?language=en
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