Emploi digne, oui; 65 heures, non

13/10/2008
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Les ministres du travail de l’Union Européenne se sont mis d’accord en juin dernier sur une proposition de modification de la directive européenne actuelle sur le temps de travail. Celle-ci, en attente d’approbation par le Parlement Européen, engendrera un pas supplémentaire dans le processus de flexibilisation du temps de travail et l’érosion des garanties sociales des travailleurs européens. Afin de dénoncer ce grave recul, le 7 octobre a eu lieu une journée de mobilisation dans divers pays de l’Union Européenne.

 

La nouvelle “directive des 65 heures” permet d’allonger le temps de travail à 60 voir 65 heures par semaine, accentue la flexibilisation du temps de travail et favorise les contrats individuels entre entreprise et travailleur pour fixer la durée du travail, négligeant les négociations collectives et favorisant l´individualisation des relations de travail. Augmenter le temps de travail est synonyme également d’augmentation des risques d’accident du travail, des problèmes de santé et de problèmes à concilier vie professionnelle et vie familiale.

 

Son contenu s’apparente à la logique neo-libérale de l’intégration européenne, à la politique d’emploi dérivée de la stratégie de Lisbonne approuvée en 2000 et à l’esprit de

la constitution européenne et du traité de Lisbonne postérieur, lequel, pour sûr, inclut l’essentiel du contenu de cette dernière. Les mesures prévues affecteront très certainement en premier lieu les segments plus faibles de la population, c’est à dire les salariés précaires et les immigrants. Un marché du travail avec un taux de chômage  et de précarité élevé, comme celui de l’Etat espagnol, souffrira particulièrement de l’application de la directive.

 

Les systèmes de protection sociale et la régulation du marché du travail qui existent dans les pays de l’UE sont un obstacle pour les classes dominantes qui luttent pour une position hégémonique et compétitive dans l´économie globale. Ces dernières cherchant la réduction des coûts, le démantèlement du système de protection social et la sur-exploitation des travailleurs tentent de mettre en place des réformes néo-libérales et à faire pression sur le monde du travail et sur les bases du modèle social européen. Le contexte actuel de crise économique ne fait qu’accélérer cette dynamique. La Directive de Retour, celle « de la honte», qui pénalise la population immigrée en est un exemple clair.

 

La journée de mobilisation du 7 octobre, avec des arrêts de 5 à 10 minutes dans les centres de travail a été à l´initiative de la Confédération Européenne des Syndicats (CES) dans le cadre de la journée mondiale pour un travail décent, impulsée par la Confédération Syndicale Internationale (CSI). La CES, qui regroupe les grands syndicats du continent, a maintenu une frustrante position “de soutien critique” à la logique de l´intégration européenne, comme fut montré lors du dernier débat sur le projet de la “Constitution Européenne”. Elle s’est opposée uniquement à des initiatives concrètes jugées “excessives” comme le premier projet de la Directive Bolkestein, de libéralisation des services publiques. Néanmoins, la décision de la CES de s’opposer à la directive des 65 heures et de mettre en place une journée de mobilisation est positive bien qu’insuffisante. Ce devrait être seulement le début d’une campagne réelle durable contre la Directive et pas seulement une journée symbolique sans continuité. Néanmoins pour cela, il faudra faire pression pour en bas, comme le sait une grande partie des mouvements sociaux et syndicaux qui sont descendus dans la rue le 7 octobre.

 

Le combat contre les 65 heures est un combat défensif qui tente de bloquer un recul et une réduction des droits conquis. Par ailleurs, il convient de rappeler que, loin d´une journée plus longue, ce dont ont besoin les travailleurs européens est la réduction du temps de travail. Nous ne voulons pas 65 heures mais 35, voir moins!

 

Peu nombreuses sont les directives régressives qui ont pu être bloquées dans l´histoire de l´UE. C’est le cas de, par exemple, de celle de la libéralisation des services portuaires rejetée par le Parlement Europén après une mobilisation intense des travailleurs du secteur, incluant une grève européenne en janvier 2003 avec plus de 20000 travailleurs portuaires et une manifestation européenne devant le Parlement de Strasbourg en mars de la même année. La nouvelle version révisée de cette directive fut bloquée à nouveau en janvier 2006 faute d´appui du Parlement européen, suite à quoi se regroupèrent à nouveau des milliers de travailleurs qui accompagnèrent leur protestation d´arrêts dans les principaux ports de l’UE. Le message qui ressorti du succès des travailleurs portuaires est clair: résister et donner une réponse mobilisatrice coordonnée à échelle européenne contre les reformes neo-libérales est le chemin à tracer et approfondir. Au contraire, se résigner et s´adapter aux mesures libérales conduit uniquement à une perte continue de droits.

 

Au cours du récent Forum Social Européen célébré à Malmö (Suède), malgré les limites et les impasses auxquels il a été confronté, s’approuvèrent de nouvelles initiatives de coordination des mouvements sociaux opposés à la globalisation néolibérale et entre autre la volonté de réaliser une rencontre alternative en mars 2009 à Bruxelles, à l’occasion du sommet des chefs d’Etat. Nous espérons que ces campagnes aideront à avancer vers une autre Europe, une Europe allégée des intérêts patronaux.

 

Josep Maria Antentas enseigne sociologie à la Universitat Autònoma de Barcelona (UAB) et est membre de la rédaction de la revue Viento Sur.

 

Esther Vivas est auteur de "En campagne contre la dette” (Syllepse, 2008), co-coordinatrice des livres en espagnole "Supermarchés, non merci" et "Où va le commerce équitable?" et membre de la rédaction de la revue Viento Sur (www.vientosur.info).

 

Article paru au quotidien de l’État espagnol Público 7/10/2008. Traduit par Laure Doucelance.

https://www.alainet.org/en/node/130243
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