Martelly : Un an à faire du surplace

13/05/2012
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P-au-P, 14 mai 2012 --- Ce quatorze mai 2012 boucle la première année du quinquennat du président Michel Joseph Martelly et les premiers constats indiquent surtout une stagnation quant aux objectifs qu’il s’était fixés au départ, selon des personnalités de la vie politique haïtienne interrogées par AlterPresse.

Pour la première année de gouvernance de Martelly - qui se donne un satisfecit - son premier faux pas « c’est qu’il n’a pas de gouvernement », considère le responsable du Grand rassemblement pour l’évolution d’Haïti (Greh), Himler Rébu.

Le président a déjà désigné 4 premiers ministres : l’homme d’affaire Gérard Daniel Rouzier, un ancien ministre de la justice Bernard Honorat Gousse, un ancien fonctionnaire des Nations Unies Garry Conille et l’entrepreneur Laurent Salvador Lamothe.

Les deux premiers ont été disqualifiés d’office par les parlementaires, à cause d’un manque de négociation entre l’exécutif et le législatif.

Le choix de Garry Conille a été accepté par le parlement en octobre 2011, mais ce dernier a été obligé de démissionner 4 mois plus tard (le 24 février 2012) suite à des rapports controversés avec le chef de l’État.

Actuellement, Laurent Lamothe, ministre (sortant) des affaires étrangères sous le gouvernement de Conille, n’attend que la bénédiction de la chambre des députés pour entrer en fonction.

Entre-temps les quatre « e » (État de droit, éducation, emploi et environnement), principaux axes établis par Michel Martelly comme marche à suivre pour son quinquennat, continuent de rester un rêve, un vœu ou un acte de grande volonté.

« Aujourd’hui, le président Martelly n’a que la bonne volonté et le discours », estime Rébu, qui ajoute que tout ce que Martelly aura accompli au cours de sa première année au pouvoir (du 14 mai 2011 au 15 mai 2012) n’est que du « saupoudrage » politique .

Pour tuer le temps, « le président Martelly est en train de sceller des petits projets » en se déplaçant à tout bout de champ pour inaugurer une petite école, un bâtiment ou un chantier, déplore l’ancien colonel des Forces Armées d’Haïti (FAd’H).

« Il n’a pas mis en branle la normalisation institutionnelle », constate Sauveur Pierre Étienne, coordonnateur de l’Organisation du Peuple en Lutte (Opl).

Martelly « réagit sans retenue et ce n’est pas ce qui va lui donner les résultats qu’il escompte », critique-t-il.

La presse est appelée à se « taire » le 27 juillet 2011, des journalistes sont injuriés.

Un député en fonction a été arrêté le 27 octobre 2011.

Aucun conseil électoral n’est mis sur pied, et les élections, pour remplacer les élus municipaux, n’ont pas été organisées.

La présidence a même participé à la nomination des maires, notamment ceux de Port-au-Prince le 23 février 2012, pour assurer la gestion des communes, soutient Étienne.

Une pratique contraire à la constitution du 29 mars 1987 et qui constitue, selon le principal dirigeant de l’Opl, une « expression de la tentation autoritaire du régime en place ».

Quant à l’éducation, le président raconte « une sorte de conte de fée, destiné à faire dormir débout les enfants », déclare Sauveur Pierre Étienne.

Martelly affirme avoir envoyé 903 mille enfants à l’école pour l’année académique 2011-2012. Un chiffre contesté par des secteurs de la vie nationale.

La notion d’éducation pour tous, qu’il prône depuis sa campagne, « n’est pas une simple question d’envoyer des enfants à l’école. C’est surtout une question de performance et de formation des maîtres », ajoute Sauveur Pierre Étienne.

Aucune rencontre officielle n’a été tenue avec les secteurs concernés.

« Or, pour passer de la parole aux actes, c’est-à- dire la matérialisation de cette bonne intention, il faudrait le support de catégories socio-politiques », juge Pierre Étienne.

Le 26 mai 2011, le président Martelly a lancé le Fonds national pour l’éducation (Fne).

Avec la mise en place de cette structure, l’objectif poursuivi consiste à prélever de l’argent sur les transferts et sur les appels téléphoniques internationaux, en provenance (de) ou vers Haïti.

Le fonds a été créé sans aucun cadre légal, tandis que le parlement n’a, jusqu’à date (14 mai 2012), aucun contrôle là-dessus.

Martelly peut bien avoir de la bonne volonté de scolariser les petits Haïtiens « mais entre un vœu pieux et des dispositions administratives à prendre pour permettre la scolarisation de tous les enfants, il y a tout un monde de différence. Le problème est structurel, car le système éducatif est dysfonctionnel et obsolète », avance Pierre Étienne.

Quant à l’emploi, le président n’a pas cessé de marteler tout au long de sa première année qu’Haïti est ouverte aux affaires (Haïti is opened for business).

Mais, l’élan devrait être donné de l’intérieur, avec l’investissement de certains capitaux privés et publics. Ceci entraînerait alors les investissements étrangers, analyse Himler Rébu.

Au cours de sa première année au pouvoir, Martelly « a pris beaucoup d’énergie pour parler de choses qui n’ont rien à voir avec ce qu’il a envie de faire », croit Rébu.

Aucun pas n’est fait dans la mise en place des systèmes répressifs (la police, l’armée, de véritables forces de sécurité, les tribunaux, les prisons, l’appareil judiciaire) et administratifs (administration publique moderne et efficace où l’on devrait y être recruté sur concours), voire dans l’établissement d’un cadre de protection juridique et la sécurité environnementale, constate Sauveur Pierre Étienne.

Rien n’est enclenché pour assurer la protection des vies et des biens, analyse le principal dirigeant de l’Opl.

En dehors des investisseurs étrangers, rien n’est lancé pour la création de « micros, petites et moyennes entreprises », lesquelles sont des leviers de création de travail, ajoute-t-il.

D’autre part, nul changement n’est annoncé dans le système de crédit.

Il faut « la création de vrais systèmes de crédits, qui donnent accès aux jeunes et qui sont porteurs de projets viables », précise le dirigeant de l’Opl.

Le président a promis de créer 500 mille emplois, mais il devra sans doute songer qu’ « on ne peut pas faire de l’investissement avec de la parole (seulement) », souligne Himler Rébu.

L’environnement n’a pas été pris en compte lors de la première année au pouvoir du président. Tout le monde semble l’avoir « loupé », suivant les propos de Rébu.

Aucune grande rencontre officielle, aucun vrai débat n’a été organisé sur le « réaménagement du territoire ».

La "République de Port-au-Prince", qui constitue le malheur du pays, est toujours en vogue et aucun signe de décentralisation ne se présente à l’horizon, d’après les idées du responsable de l’Opl.

Une année vient de s’écouler.

« Au-delà des bonnes intentions (du président), il (lui) faut « la méthode », un angle d’approche de la réalité de misère de la population haïtienne qu’il est appelé à changer, conclut Rébu.

La définition « d’un cadre étatique, condition sine qua non pour le démarrage du pays et pour l’efficacité de l’aide internationale au développement », est nécessaire, avance, de son coté, Sauveur Pierre Étienne.

http://www.alterpresse.org/spip.php?article12847

 

https://www.alainet.org/en/node/157923
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