Constat d’échec pour Macri

07/12/2016
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Manifestacion opositora en Buenos Aires
Sergio Ferrari
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Au pouvoir depuis un an, l’Argentin Mauricio Macri n’obtient pas les résultats économiques escomptés. En revanche, il a réussi à remobiliser gauche et syndicats.

 

Les promesses faites lors de la campagne électorale qui menèrent à la présidence, en décembre 2015, l’entrepreneur Mauricio Macri, se sont diluées en une sorte d’«amnésie politique». Mauricio Macri et son alliance Cambiemos (Changeons) ont supplanté douze ans de kirchnérisme en promettant zéro pauvreté, stabilité et améliorations salariales, baisse des impôts, contrôle des prix, plan économique graduel et sans ajustements.

 

Douze mois plus tard, les statistiques les plus sérieuses et le diagnostic émanant non seulement de l’opposition, mais aussi de quelques ex-alliés du président, montrent clairement l’échec de l’actuel programme économique. Le gouvernement justifie ses carences par le «lourd héritage» laissé par les administrations antérieures. L’opposition actuelle accuse M. Macri d’avoir instauré un «gouvernement des entreprises et en faveur des riches». La polarisation politique et sociale est une réalité quotidienne.

 

Le cheval de bataille pré-électoral enfourché par le nouveau gouvernement était d’arriver à zéro pauvreté. «Néanmoins, durant ces douze mois, nous avons constaté l’augmentation de la pauvreté. Elle a passé, selon diverses analyses, de 29% à 32%», souligne l’ex-gouverneur de la province de Santa Fe, Antonio Bonfatti, actuel président du Parlement régional et leader du Parti socialiste, qui avait soutenu l’arrivée de Mauricio Macri à la Casa Rosada.

 

Endettement à la hausse

 

«Son plan économique est préjudiciable à la majorité de la population, principalement pour les travailleurs, bien qu’il frappe aussi les petites et moyennes entreprises qui souffrent de la libéralisation du marché», explique M. Bonfatti, qui n’avait guère épargné les prédécesseurs de M. Macri.

 

Pour le dirigeant social-démocrate, «l’ouverture indiscriminée aux importations» a provoqué «la chute de l’industrie nationale et une baisse significative du pouvoir d’achat, l’augmentation du chômage et celle de l’endettement extérieur». Celui-ci atteint le chiffre le plus élevé dans l’histoire contemporaine du pays: 50 milliards de dollars, et dépasse même la dette contractée par la dictature militaire dans les années 1970.

 

«Macri et son équipe n’ont pas honoré leurs promesses électorales», estime M. Bonfatti. Qui prévoit que «l’augmentation des tensions sociales» sera inévitable, si l’actuelle tendance à la récession économique, sans signes de croissance, se maintient.

 

Environ 200 000 personnes se sont rassemblées, le 18 novembre, dans la capitale argentine pour exiger du Parlement le vote de la loi d’urgence sociale: celle-ci permettrait de prendre des mesures à court terme pour pallier la crise et en contenir l’impact pour les secteurs les plus vulnérables. Cette manifestation, convoquée par les cinq centrales syndicales et les principaux mouvements sociaux, fut la dernière d’une série constante de mobilisations durant cette première année de «macrisme».

 

400 000 licenciements

 

Ainsi, Hugo Yasky, secrétaire général de la Centrale des travailleurs d’Argentine (CTA), l’une des cinq confédérations d’ampleur nationale avec 800 000 affiliés, rappelle que la traditionnelle manifestation contre le coup d’Etat de 1976, le 24 mars, fut la plus fournie depuis longtemps. De même, la marche fédérale contre la pauvreté, en septembre, ou la mobilisation pour la loi anti-licenciements, contre laquelle Macri opposa ensuite son veto, furent d’immenses succès. Enfin, le syndicaliste souligne l’unité retrouvée des syndicats, notamment lors du rassemblement du 29 avril, commémorant le jour des travailleurs. «En 2016, le peuple ne s’est pas endormi, il a exprimé son mécontentement et a exercé dans la rue l’expérience de participation accumulée durant le kirchnérisme», analyse-t-il.

 

M. Yasky insiste sur ce point: le bilan de cette première année est «absolument négatif». Plus de 400 000 travailleurs, formels et indépendants, de l’Etat ou du secteur privé, ont été condamnés au chômage. Ces derniers douze mois, la perte salariale accumulée oscille entre 12 000 et 14 000 pesos (800 à 950 francs), que le gouvernement tente de compenser par un bon de 2000 pesos (130 francs) en fin d’année.

 

Le dirigeant syndical dénonce ceux qui «veulent refroidir l’économie pour baisser l’inflation, mais par des mesures anti-populaires et dangereuses. Un choc qui équivaut à tenter de soigner la pression artérielle d’un malade en le mettant dans un frigo. Ils réussiront peut-être à la réduire, mais au prix de son agonie et y compris de sa mort.»

 

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«Une démocratie de basse intensité»

 

 

L’actuelle bataille entre le gouvernement de Mauricio Macri et l’opposition ne concerne pas seulement leur projet politique, mais le concept même de ce que sont la démocratie et la politique. Un point de vue soutenu par Agustín Rossi, aujourd’hui député au Parlement du Mercosur. Il a été député du Frente para la victoria (FPV) au Parlement argentin et ministre de la Défense, de 2013 à 2015, dans le gouvernement de Cristina Kirchner.

 

Quel est le concept politique du gouvernement actuel ?

 

Agustin Rossi: Il a un profond mépris pour la politique. Dès le début, le discours officiel a tenté d’identifier les militants politiques comme des «profiteurs», au sein de l’appareil d’Etat. Une critique conceptuelle qui vient d’un gouvernement où les principaux ministres et de nombreux fonctionnaires sont ou ont été PDG de grandes entreprises multinationales. Le modèle «macriste» n’imagine pas la politique comme un outil de transformation de la société. Pratiquement, il promeut une démocratie de basse intensité, c’est-à-dire avec une très faible participation citoyenne. Il mise sur les pouvoirs corporatifs et patronaux. En clair, l’intérêt patronal l’emporte sur l’intérêt général.

 

Mais tant pour Mauricio Macri que pour l’opposition, le vote est un élément très important…

 

Sans aucun doute. Les élections intermédiaires de 2017, où seront élus une partie des députés et des sénateurs, constitueront un moment-clé pour évaluer la dynamique politique. Si le gouvernement obtient 30% des suffrages, il aura 70% d’opinions défavorables. S’il approche les 40%, ce pourrait déjà être un résultat acceptable. Un problème actuel de l’opposition est la dispersion. Le gouvernement pourrait perdre dans plusieurs provinces, mais contre des forces différentes.

 

Je me permets d’introduire ici un autre élément déformant de la démocratie et de la politique pour le gouvernement actuel. Selon sa conception, existent l’officialisme (le parti gouvernant, ndlr) et ce qu’il dénomme «l’opposition responsable», c’est-à-dire des forces politiques et syndicales, acceptant le cadre global du modèle actuel. Il essaie de discréditer, ou même de détruire, tout ce qui se trouve hors de ce cadre restreint: le kirchnérisme, et en particulier l’ex-présidente Cristina Fernández de Kircher, plusieurs mouvements sociaux et syndicalistes combatifs, certaines organisations patronales, des initiatives sociales importantes multisectorielles (contre le tarifazo, augmentation énorme du prix du gaz et l’électricité), ainsi que les organisations de défense des droits humains.

 

Le point comparatif pour les élections de l’an prochain, ce sont les résultats des dernières élections présidentielles en 2015?

 

Elles sont une référence, bien que nous devrions faire une lecture plus de fonds. En 2015, Cambiemos l’emporte avec 51,4% des suffrages contre 48,6% pour le Front pour la victoire (FPV). On aurait pu penser alors que les responsables politiques se situaient aussi dans ces pourcentages. Néanmoins, aujourd’hui 80% des responsables politiques sont officialistes ou néoofficialistes, et seulement 20% d’entre eux sont dans l’opposition. Cela ne correspond pas à ce qui se passe dans la société.

 

Un des handicaps de l’opposition sont les cas de corruption présumée impliquant des fonctionnaires de l’ancienne administration ou des entrepreneurs proches du gouvernement Kirchner…

 

C’est une diversion pour éviter de parler des salaires. Je relève que dans le scandale des Panamá Papers, les noms de Cristina et Néstor Kirchner ne sont pas apparus. Contrairement à celui du président Mauricio Macri et de ses proches, avec de nombreuses entreprises offshore à l’étranger.

 

Propos recueillis par Sergio Ferrari à Rosario

 

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Lors d’un récent sondage, sur dix personnes interrogées, six reconnaissent que l’économie se porte mal ou très mal. Le gouvernement, qui se voit attribuer la note de 3,98 sur 10, serait le principal responsable de la situation économique pour 57,35% des personnes interrogées contre 34,6% au kirchnérisme. L’enquête, publiée dans le journal de gauche Pagina 12, introduit aussi l’indice de satisfaction citoyenne, mesuré sur la base de la politique, de l’économie et du social: 64% sont absolument insatisfaits, alors que 18% manifestent leur satisfaction envers les réalisations de Mauricio Macri. (SFI)

 

https://www.alainet.org/en/node/182206
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