Les Zapatistes changent de stratégie
Des Aguascalientes aux Caracoles
11/08/2003
- Opinión
Par cette initiative, le mouvement zapatiste fait à nouveau
irruption sur la scène politique mexicaine, mettant en
pratique, sans demander l'autorisation à personne, les Accords
de San Andrés signés avec le gouvernement fédéral en 1996. Ces
derniers reconnaissent la libre détermination et l'autonomie
des peuples indigènes, ainsi que leurs propres formes
d'élection de leurs autorités. L'application de ces accords a
constamment été évitée par les autorités gouvernementales.
Lors d'une cérémonie dans la communauté de Oventic -un des
cinq caracoles, avec Morelia, La Garrucha, La Realidad et
Roberto Barrios-, le commandant Javier, membre du Comité
clandestin révolutionnaire indigène, officialisa l'événement
devant quelque 20 mille personnes et les représentants des 33
municipalités autonomes du Chiapas.
La création des caracoles signifie la fin de l'exercice du
pouvoir de l'EZLN sur les communautés. Le contrôle passe
désormais aux civils indigènes élus par leur communauté. Ces
instances coexisteront en parallèle avec les municipalités
formées constitutionnellement, mais agiront indépendamment du
gouvernement de l'État du Chiapas. Des « impôts fraternels »
(impuestos hermanos) seront prélevés et répartis de manière
équitable.
La réponse gouvernementale
La réponse du gouvernement fédéral a été conciliatrice,
reconnaissant notamment que les « conseils de bon
gouvernement » pourraient être compatibles avec la
Constitution. Il a qualifié positivement le fait que l'EZLN
promeuve au sein de ses communautés sympathisantes « une
nouvelle forme d'organisation politique, en démilitarisant sa
structure ». Par un « appel respectueux », le gouvernement a
invité l'EZLN à reprendre le dialogue afin d'avancer dans la
construction d'une paix juste et digne. Et d'ajouter qu'il
« évaluera les signaux émis par l'armée zapatiste, considérant
que cela puisse être la base pour rechercher des mécanismes
rétablissant le processus de négociation ».
L'attitude du gouvernement a été interprétée comme une
tentative d'amoindrir le coût politique d'un événement qu'il a
été incapable d'empêcher. D'aucuns l'accusent de favoriser le
chaos et le démembrement du pays. Mais de nombreuses voix ont
accueilli favorablement l'événement et le reconnaissent comme
inévitable après le rejet par le Congrès national et la Cour
suprême de justice de l'essence des propositions indigènes
pour la réforme constitutionnelle de 2001.
Magdalena Gómez, vice-présidente de l'Académie mexicaine des
droits de l'Homme, a affirmé que les nouvelles formes de
gouvernement zapatiste ont leur fondement au niveau du droit
international, notamment dans la Convention 169 de
l'Organisation internationale du travail (OIT).
Les représentants du Congrès national indigène (CNI), qui
participèrent à l'inauguration des caracoles et des « conseils
de bon gouvernement », ont annoncé qu'ils se joignent à
l'initiative de promouvoir l'autonomie indigène dans tout le
pays et, de cette manière, à la mise en application, dans la
pratique, des droits des peuples indiens.
Dans un communiqué, les délégations indigènes ont affirmé qu'
« avec l'appel de nos frères de l'EZLN, une période de
renforcement et d'approfondissement de nos processus
d'autonomie indigène a commencé dans les différents domaines
et aux différents niveaux ». De son côté, la commission de
suivi du CNI a manifesté qu'avec le processus qui s'ouvre,
« nous pourrons donner plus de vie à nos peuples et freiner
les mécanismes néocoloniaux qui prétendent nous soumettre à
leurs desseins. Aujourd'hui, la résistance ancestrale de nos
peuples prend du sens et devra transiter vers leur
reconstitution intégrale avec l'exercice pratique de
l'autonomie ». La commission ajoute qu'il s'agit d'« une
importante contribution à la défense de la souveraineté
nationale qui, jour après jour, est cédée par l'État, dans la
pratique et légalement, à des intérêts de la globalisation
néolibérale ».
Le Plan La Realidad-Tijuana
Le Sous-commandant Marcos était le grand absent des
cérémonies. Il s'adressa cependant à la population par un
message préenregistré, transmis le 9 août à l'occasion du
programme de lancement de Radio Insurgente : « La voix des
sans voix ». Marcos anticipa l'apparition de nouveaux
caracoles dans le pays et dans le monde, maintenant que
« nous, les Zapatistes, nous faisons un pied de nez au
gouvernement ». Il affirma que « l'armée zapatiste ne peut
être la voix de ceux qui commandent, même s'ils le font bien
et en obéissant. L'EZLN est la voix de ceux d'en bas ». Il
garantit que les forces zapatistes maintiendront leurs
positions, « prêtes à défendre les peuples ».
Lors des célébrations, la commandante Esther de l'EZLN appela
les peuples indigènes du Mexique à défendre leur droit à être
Mexicains. « Nous ne pouvons cesser d'être Indiens pour être
reconnus en tant que Mexicains », dit-elle.
Le commandant David, de son côté,et au nom du Comité
clandestin révolutionnaire indigène de l'EZLN, s'adressa aux
non indigènes et non zapatistes de la région : « Il n'est pas
nécessaire d'être zapatiste pour que les « conseils de bon
gouvernement » des municipalités autonomes vous prêtent
attention et vous respectent. Tout membre d'une communauté a
le droit d'être entendu », souligna-il.
L'EZLN a convoqué la population à soutenir le Plan dit de La
Realidad-Tijuana, qui naît comme une « réponse aux plans que
la classe politique prétend mettre en œuvre dans le pays »
(allusion au Plan Puebla-Panamá).
Ce plan comprend sept accords et sept requêtes. Parmi les
accords proposés, on trouve le respect de l'autonomie et
l'indépendance des organisations sociales ; la promotion de
formes d'autogouvernement et d'autogestion sur tout le
territoire national, et l'appel à la rébellion et à la
résistance civile et pacifique face aux dispositions du « mal
gobierno » (mauvais gouvernement) et des partis politiques.
Ce plan propose également la formation d' « un réseau de
commerce de base » entre les communautés et la promotion de
« la consommation des produits de base dans les commerces
locaux et nationaux ». Il appelle aussi à « former un réseau
d'information et culturel » pour exiger des médias une
information véritable et équilibrée et organiser la défense et
la promotion de la culture locale et des arts et sciences
universels.
Les sept requêtes du plan englobent la défense de la propriété
communautaire (ejidal) et communale de la terre et la
protection et la défense des ressources naturelles ; un
travail digne et un salaire juste pour tous ; un logement
digne ; une santé publique gratuite ; une alimentation et des
vêtements pour tous ; ainsi qu'une éducation laïque et
gratuite pour les enfants et les adolescents ; le respect de
la dignité de la femme, des enfants et des personnes âgées.
Les Zapatistes ont confirmé leur participation aux journées
mondiales contre la réunion de l'Organisation Mondiale du
Commerce (OMC) en septembre.
Traduction de l'espagnol : Frédéric Lévêque, pour RISAL.
Article en espagnol : « México : de Aguascalientes a
Caracoles, Agencia Latinoamericana de Información - ALAI, 12
août 2003.
© COPYLEFT Agencia Latinoamericana de Información - ALAI 2003
https://www.alainet.org/es/node/108104
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