Cuba entre l'amour et la haine ... des intellectuels

11/02/2004
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Je ne sais pas comment définir les intellectuels. Cela m'a toujours posé problème. C'est peut-être parce que je ne me suis jamais considéré comme faisant partie de cette espèce privilégiée. Ce que je sais très bien, c'est que toute homme, qu'il soit ou non « intellectuel », doit garder le « sens commun », ce sens qu'on a pu définir comme « le moins commun des sens », mais qui vous avertit tout de même quand vous prenez des chemins erronés dans vos façons de penser ou d'agir et qui détecte les utilisations ou les abus. Je crois que certains intellectuels ont perdu la sagesse. Peut-être même ne l'ont-ils jamais trouvée. De plus, ils développent leur mode de pensée sans tenir aucun compte des sentiments. C'est d'ailleurs une des grandes tragédies de notre temps. C'est une chose de voir et une autre de savoir regarder. Pour savoir regarder, on a besoin de le faire avec son cœur. Cuba reste toujours un défi entre la raison et les sentiments. Il s'agit d'un processus révolutionnaire qui a depuis toujours engendré des tensions et des résistances entre l'amour et la haine. N'importe quelles actions, n'importe quelles choses, bonnes ou moins bonnes, que Cuba puisse faire, provoqueront des réactions favorables ou défavorables. Fidel vient tout juste de dénoncer publiquement à La Havane au cours de la Rencontre de l'Hémisphère Sud contre la Zone de libre échange des Amériques (ALCA), le fait que l'Empereur Georges Bush veille détruire Cuba et le faire assassiner. Il veut détruire la Révolution qui a coûté tant de sacrifices au peuple cubain et que les Cubains sont prêts à défendre et à donner leur vie pour garder la liberté et la souveraineté du pays. C'est alors que cinq intellectuels argentins écrivent une lettre intitulée : « Lettre de soutien au mouvement civique cubain ». Parmi eux se trouve Marcos Aguinis, écrivain prestigieux et reconnu comme intellectuel qui s'est manifesté avec agressivité contre la Révolution cubaine. Evidemment, ces faits ne sont pas sans signification ; ils ont pour objectif de provoquer des réactions en chaîne et d'être utilisés par ceux qui veulent soumettre Cuba à l'empire tout en alléguant qu'ils défendent la démocratie, la liberté, les droits de l'homme, les libertés civiques et bien d'autres choses semblables exprimées avec beaucoup de mots vides de tout contenu. La réponse a été immédiate de la part de nombreux autres intellectuels, des organisations et de bien des gens qui ont gardé le sens commun et qui luttent et travaillent pour des idéaux de société plus juste et plus fraternelle pour tous. Comme aussi de la part du peuple cubain qui cherche à préserver et à approfondir les acquis obtenus pendant plus de 40 ans de révolution et de lutte contre le blocus et les agressions de l'empire. Ce même peuple cubain qui a réussi à survivre et à réaliser des objectifs sociaux, culturels et politiques que beaucoup de nos pays sont encore loin d'avoir obtenus. Il est sans doute important qu'un intellectuel comme Marcos Aguinis se préoccupe du bien-être des peuples, mais je voudrais signaler qu'il n'a pas condamné les agressions et les massacres en Irak et en Afghanistan par les Etats-Unis et la Grande Bretagne. Non seulement il ne condamne pas la politique d'agression et l'expansionnisme d'Israël contre le peuple palestinien, mais il ne condamne pas non plus le mur de l'infamie qui jour après jour s'étend pour séparer les Palestiniens, ni la politique d'agression de Sharon, ni les exécutions à mort sur la chaise électrique aux Etats-Unis, même pour les mineurs ! Combien de silences complices se cachent derrière les mots ! Nous sommes nombreux à élever la voix contre la peine de mort à Cuba mais aussi aux Etats-Unis et dans tous les pays qui gardent dans leurs lois cette application de la peine capitale, et nous continuerons à réclamer qu'elle soit éliminée dans le monde entier. De même nous réclamons l'arrêt de la peine de mort non légalisée qui chaque jour condamne plus de 35 000 enfants à mourir de faim et de maladies évitables, bien plus que tous les attentats terroristes d'où qu'ils viennent. Marcos Aguinis prétend établir un parallèle entre la Révolution cubaine et la dictature militaire qui a provoqué en Argentine plus de 30 000 morts et disparus. Rien n'est plus faux ni plus mal intentionné que cette affirmation. La Révolution cubaine a eu lieu pour libérer un peuple et lui rendre sa dignité, et tout le monde doit reconnaître les avancées sociales réalisées dans la vie du peuple cubain. Cette Révolution a obtenu de grandes réussites mais a commis aussi ses propres erreurs qu'elle essaye de corriger. Elle doit construire de nouvelles façons de vivre tout en consolidant ses conquêtes. La dictature militaire, elle, avait pour objectif de soumettre et de détruire le peuple argentin et les peuples de toute l'Amérique Latine. Aujourd'hui encore nous souffrons des conséquences de la Doctrine de Sécurité nationale imposée depuis Washington. L'empire continue toujours sa campagne d'agression contre Cuba en utilisant ceux qui lui conviennent. Il serait bien qu'ils commencent à avoir un peu de « sens commun » et de conscience critique en ce qui concerne la Révolution cubaine et ses réussites et qu'ils l'aident plutôt à corriger ses erreurs. Il n'existe pas de société parfaite, mais toute société est perfectible et disposée aux changements. Cuba est un exemple pour tous les peuples du continent et du monde. Il est nécessaire que nous ayons le courage de soutenir le peuple cubain qui doit rester une lumière dans tous les défis de notre continent. Marcos Aguinis connaît très bien l'histoire biblique de David et Goliath. David a dû apprendre à trouver la sagesse pour servir son peuple. C'est un long chemin que nous devons tous parcourir, plein d'imprévus, de chutes et de remises en route pour pouvoir continuer à construire. (Risal)
https://www.alainet.org/es/node/109479
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