« Méchanceté de la communauté internationale (...), irresponsabilité des hommes qui nous dirigent »

Haiti - Elections

11/01/2006
  • Español
  • English
  • Français
  • Deutsch
  • Português
  • Opinión
-A +A
Depuis le départ des Duvalier, Haïti est devenue un véritable laboratoire diplomatique pour la communauté internationale. Ce n’est pas un hommage au duvaliérisme, mais la franche reconnaissance d’un fait. De 1986 jusqu’à la réalisation effective des élections de 2006, on y aura quasiment tout expérimenté. Quoiqu’on en dise et quoiqu’on en pense les résultats sont là pour témoigner de l’efficacité ou non des formules appliquées : l’insécurité et la violence politique ont décuplé, l’économie est devenue moribonde, la société est émiettée, la classe politique baigne dans l’indignité la plus sordide et la diplomatie du bol bleu remplace le projet de construire une diplomatie autonome et répondant aux nobles ambitions du pays. Bref, toutes ces données témoignent de la nullité des classes dirigeantes nationales et mettent aussi en évidence la singulière méchanceté de la communauté internationale qui manipule tous les acteurs qui se sont succédés au pouvoir au cours des 20 dernières années. Haïti n’est plus ce qu’elle était au début des années 80, le pays détenteur de l’économie la plus dynamique de la caraïbe, mais un pays honni, avili et exposé à la risée du reste du monde. Trop affairées à récupérer ripaille financière et économique découlant du faste train de vie que mènent les occupants, les élites haïtiennes ont mis en veilleuse leur droit de protestation et s’abstiennent d’opposer une certaine résistance à la diplomatie rascistoïde pratiquée par la communauté internationale en Haïti. En ces temps de “time is money”, l’essentiel semble se rimer à rien d’autre que de tout faire pour tirer son épingle du jeu. Et, quel jeu ? Des manœuvres pour mettre le pays sous tutelle pendant vingt ans. Et Quelle tutelle ? Une parodie de coopération sud-sud sous “remote control” de la France et des USA où les maladresses des apprentis-diplomates délégués sur place sont présentées comme prouesses. N’est-ce pas contre toute attente que les Nations Unies et l’OEA viennent d’accorder tour à tour un satisfecit à Juan Gabriel Valdés et à Louise Brunet pour le « bon travail » effectué en Haïti en matière électorale. Mine de rien, c’était comme si l’ignorance était science. Nos spécialistes en relations internationales n’ont pas pipé mot sur l’ultimatum lancé au CEP et au gouvernement par les organisations internationales sus-mentionnées. Leur fonction critique d’intellectuel est comme sclérosée. Et, ce ne serait pas exagéré de dire que, désormais, l’intelligentsia haïtienne est en coma. Car c’est dans ces conjonctures difficiles qu’elle devrait assumer ses responsabilités face à la nation, en jouant pleinement son rôle d’éclaireur. Il était aussi de son devoir de prévoir que les choses pourraient se détériorer jusqu’à ce point et promouvoir la conception d’une stratégie adéquate pour contrer les insolentes immixtions de la communauté internationales dans des affaires intimes du pays. Faut-il le rappeler pour la énième fois, les élections constituent un acte de souveraineté nationale et tout devrait être mis en oeuvre pour qu’elles soient financées en grande partie par l’Etat haïtien. Accepter qu’elles soient planifiées, financées et exécutées par des étrangers est une honte et un mépris caractérisé pour les sacrifices que nos ancêtres ont consenti. Est-ce pourquoi, tout en dénonçant la méchanceté de la communauté internationale, nous crions haro sur l’irresponsabilité des hommes qui nous dirigent. Du bas-fond de leur ridicule politique, ils ont inventé, sans pudeur, le concept de « souveraineté surveillée » pour livrer le pays pieds et mains lies aux forces des ténèbres que sont les puissances impérialistes et des pays émergents en quête de suprématie et de coins appropriés comme Haïti pour assouvir leur désir de puissance. L’ONU et l’OEA se liguent maintenant pour faire comprendre aux hommes qui sont au pouvoir en Haïti actuellement, que l’étiquette de technocrate que la communauté internationale leur avait octroyée n’était qu’un habillage circonstancié pour réduire au silence les GNBistes trop pressés d’occuper les avenues du pouvoir politique après le départ de Jean-Bertrand Aristide. Comme de fieffés crétins, ils sont là pour recevoir des directives, via les envoyés, et de les exécuter comme elles leur sont dictées. Dans leur mimétisme diplomatique, les pays de l’Amérique Latine, comme le Brésil et le Chili qui vivent aussi des miettes qui tombent de la bouche des pays du Nord, ont vite fait d’apporter leur quote-part dans l’exercice d’une pression maximale sur le régime actuel pour lui porter à livrer la marchandise électorale. Advienne que pourra...le vin est déjà tiré, il faut le boire. Latortue a beau tenté de demander une chance de s’exprimer en vue de pourvoir bénéficier d’un sursis, on a fait peu de cas de sa requête et on lui a signifié sans ambages que...wè pa wè antèman pou katrè. Oui, par ces élections c’est l’arrêt de mort d’Haïti qui sera signé. Les anti-types d’Iscariote qui ont collaboré à ce projet sortiront la tête baissée ; car ils se seront rendus compte qu’ils ont joué l’apprenti-sorcier en faisant beaucoup plus que leurs patrons leur ont demandé et qu’ils ont aussi travaillé à leur propre détriment. Impuissants, ils constateront comment la communauté internationale, les a roulés dans la farine et leur a attribué la totalité des responsabilités de cette débâcle électorale planifiée, laquelle servira à consacrer « l’incapacité des haïtiens » à se diriger eux-mêmes. À l’ONU comme à l’OEA, on sait pertinemment qu’il est impossible au CEP de réaliser en un mois ce qu’il n’a pas pu réaliser en un an ; mais la vérité est que ces Organisations internationales veulent imposer une logique d’extrême urgence à cette étape du déroulement du processus électoral, laquelle ouvrira la voie à deux éventualités possibles : ou bien les choses se font à une vitesse grand V, ce qui facilitera toutes les formes de manipulations (hors de toute possibilité de contestation par les perdants), ou bien les élections se réalisent dans la confusion la plus totale avec toutes les irrégularités imaginables, auquel cas la presse internationale répercutera l’information jusqu’aux confins de la planète. Dans ce cas de figure, l’ONU, l’OEA, la France, les USA, le CANADA etc...en prendront acte et y trouveront matière pour échafauder tout un justificatif politico-diplomatique en vue de mettre en oeuvre leur vrai projet. Alors là, notre laideur aura, une nouvelle fois, fait le tour du monde. Mais du reste, pendant combien de temps cette communauté internationale sera en mesure de dissimuler sa diplomatie rascistoïde et son indicible méchanceté, dans son rapport avec la première république noire du monde... ? - Gary Olius, Ancien cadre du Conseil Electoral Provisoire AlterPresse, mercredi 11 janvier 2006, http://www.alterpresse.org/article.php3?id_article=3907
https://www.alainet.org/es/node/114072
Suscribirse a America Latina en Movimiento - RSS