Pour un audit public et intégral de la dette argentine

20/12/2007
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Buenos Aires, le 11 décembre 2007.

Présentation :

Avant les premières réunions de la nouvelle Présidente argentine, Cristina Kichner, avec le Directeur du FMI et avec François Fillon, le premier Ministre de la France, pays du siège du Club de Paris, Adolfo Pérez Esquivel, le président de « Dialogue 2000 » et Beverly Keen, la Coordinatrice de cet organisme, ont signé aujourd'hui une Lettre Ouverte envoyée à Cristina Kirchner. Ils lui rappellent la prochaine échéance des nouveaux accords et lui proposent de réaliser tout d'abord un Audit public et intégral de la dette dont le remboursement est réclamé par l'ensemble des pays prestataires, et ceci, avant de se lancer dans toute nouvelle négociation. Ils lui disent dans cette Lettre Ouverte «de garder bien présente à l'esprit la nécessité de privilégier le paiement des Dettes Sociales, Historiques et Ecologiques envers le peuple argentin, plutôt que le remboursement d'une certaine dette extérieure immorale et illégitime ». Voici le texte de cette Lettre Ouverte.

Madame la Présidente de la Nation Argentine,

Dr Cristina Fernandez Kirchner,

Avec toute notre considération.

Recevez d'abord nos fraternelles salutations et l'expression de nos meilleurs voux pour votre gestion du pays, avec l'espoir que vous obteniez une meilleure qualité de vie pour toute la population argentine et, en particulier, pour les millions d'hommes et de femmes, de garçons et de filles, pour lesquels la réalisation de leurs droits humains de base continuent à rester jusqu'à présent au niveau du rêve.

Nous nous adressons à vous aujourd'hui avec une certaine urgence pour vous exprimer notre préoccupation et nos interrogations avant le prochain accord entre le Gouvernement que vous venez tout juste d'assumer, et ce qu'on appelle le Club de Paris. De même, nous voulons manifester notre mécontentement devant les déclarations du titulaire du FMI avec lequel vous allez avoir une réunion aujourd'hui, et qui veut vous pousser à signer un nouvel accord avec cette institution, avant même que vous ayez pu prendre une quelconque décision.

Hier, devant le Parlement National, dans votre discours d'investiture, vous avez défendu le paiement de la dette par anticipation au FMI qu'a effectué le gouvernement précédent. Vous avez déclaré que c'était une mesure qui nous avait restitué notre souveraineté et notre autonomie. C'est pourquoi nous nous permettons de vous demander à présent : Comment est-il possible, puisque ce paiement nous a donné une grande autonomie pour décider de notre politique financière, que nous soyons encore aujourd'hui sur le point de signer un nouvel accord avec le FMI ?... Quels seront les coûts et quels sont les possibles bénéfices d'un tel accord ?... Nous avons pourtant eu l'expérience des trente dernières années de relations avec cet organisme. Ces années ont commencé avec le soutien du FMI à la dictature civile et militaire , puis ont continué avec les politiques de réajustement et de libéralisation de l'économie qui ont été si tragiques pour le pays. Après tout cela, comment est-il possible que le gouvernement argentin puisse envisager un nouvel accord avec ceux qui n'ont pas encore assumé leurs responsabilités criminelles et administratives après tous ces ravages provoqués dans notre peuple et dans tout notre pays ?...

Nous pensons que le peuple argentin ne doit pas continuer à payer des dettes sans savoir de quoi il s'agit, à qui est-on supposé devoir de l'argent et combien, sans savoir aussi qui a bénéficié de ces prêts et combien on a déjà payé. Nous pensons enfin, qu'il n'est pas possible de solder une dette qui porte atteinte aux droits humains et dont la Justice argentine elle-même a démontré les irrégularités.

Sur ce chemin de Vérité et de Justice, que vous-même avez bien défendu hier au Parlement National, il est nécessaire que le peuple argentin sache qu'est-ce qu'on nous demande de payer, et ceci, avant même de commencer les négociations sur le paiement de cette dette que nous réclame le Club de Paris. C'est pour ce motif que nous proposons d'effectuer un Audit public et intégral de ces crédits, avec la nécessaire participation du Parlement National et des organisations sociales de la société argentine qui se préoccupent de ce sujet. Cet Audit permettrait au peuple et au gouvernement argentin, à tous les pays qui ont prêté l'argent et à tous ceux qui sont concernés, de comprendre que cette proposition est en accord avec le droit et surtout, avec le respect des tous les droits humains qui doivent avoir la priorité sur toute autre réclamation dans la mise en oeuvre des politiques publiques. On doit aussi avoir présent à l'esprit qu'il faut absolument privilégier le paiement de la Dette Sociale, Historique et Ecologique de notre peuple, plutôt que cette Dette Extérieure immorale et illégitime.

Nous espérons votre appui dans ce sens et nous restons à votre disposition pour ensemble prendre les mesures nécessaires.

Avec un fraternel salut de Paix et de Bien,

Adolfo Pérez Esquivel
Prix Nobel de la Paix

Beverly Keene
Coordinatrice de Diálogue 2000.
https://www.alainet.org/es/node/124864
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