En faveur d’un accord différencié
- Opinión
"Tout dialogue entre les régions est positif. C'est un dialogue dans lequel l’Amérique latine doit faire connaître ses différentes voix ". Tel est l'avis Pablo Solón, Ambassadeur pour les sujets d'intégration et de commerce de la Bolivie, sur le prochain Sommet de l'Amérique Latine, des Caraïbes et de l'Union Européenne (ALC-UE). Dans l’interview avec ALAI, Solón souligne l’importance d'arriver à que l'Union Européenne reconnaisse que ALC est une région avec une variété de modèles, où plusieurs des pays interlocuteurs se trouvent dans un processus "de ce que nous appelons des démocraties libératrices émergentes, qui commencent à proposer une autre approche".
"La réalité latino-américaine et andine se compose de différentes visions, c’est-à-dire qu'un dialogue de bloc à bloc ou de région à région doit avoir des caractéristiques atypiques, dans le sens de permettre cette diversité d'approches économiques et de visions du développement émergentes", souligne l'ambassadeur bolivien. Au moins sur ce point il existe un consensus entre les pays de la Communauté Andine des Nations - CAN - : on espère que le Sommet de Lima permette un positionnement commun européen et andin, au sens qu'un Accord d'Association (AdA) entre les deux régions doit considérer ces différences, et qu'elles doivent être reflétées "dans une architecture innovatrice qui permettrait tant la conclusion de la négociation comme le renforcement du processus d'intégration andine". C’est pourquoi Solón insiste : "Nous ne croyons pas qu'il s'agit de fixer une position commune face à l'UE, ceci serait peu réaliste, ça n’a rien à faire avec la réalité".
Tout de même il reconnaît que sur quelques sujets il y a déjà des positions communes entre les pays latino-américains et des Caraïbes. Entre eux est la migration. "Il y a une proposition andine, mais aussi régionale, qui est en train d’être articulée, dans laquelle la reconnaissance des droits humains économiques, sociaux et culturels des migrants est fondamentale; il s’agit de ne pas les traiter comme des migrants illégaux - parce qu’á notre avis, il n'y a pas d’êtres humains illégaux - et d’un ensemble de dispositions qui permettent l'accomplissement de leurs droits ".
D'autres aspects où il y a des positions conjointes, au moins jusqu’à un certain degré, sont le désarmement et quelques sujets politiques. "Notre position est non seulement la non-prolifération des armes de destruction massive, mais encore le désarmement, et que les deux éléments doivent être combinés - indique Solón -. En ce qui concerne les matières politiques générales et les droits, je crois qu'il y a la possibilité des propositions conjointes. Là où il y a une claire diversité de positions qui ne convergent pas nécessairement, c’est dans l'aspect économique- commercial ".
Pour Pablo Solón, les négociations CAN-UE, dont la troisième ronde s’est réalisée à Quito vers la fin d’avril, représentent un exemple á petite échelle des changements qui se produisent dans le monde, puisque pour la première fois, les changements au niveau des idées sur les négociations commerciales se reflètent au plus haut niveau. Il s'agit de considérer non seulement les différents niveaux de développement économique, mais aussi les différentes approches économiques. "Dans quelques pays, l’objectif central du gouvernement est la libéralisation du commerce et l’augmentation des exportations. Puis il y a des pays comme la Bolivie, où on dit Non. Pour nous le thème fondamental est un développement économique qui s’oriente vers les intérêts de notre peuple, qui garantit sa souveraineté alimentaire, et où l’exportation commence une fois que la souveraineté alimentaire de notre population soit garantie".
L'ambassadeur bolivien trouve que le libre commerce est un problème pour la sécurité alimentaire, "parce qu'aux grandes entreprises ce qui les intéresse est de vendre au prix le plus haut possible et d’obtenir un profit maximal. Et cela mène à une hausse des prix des aliments qui est au détriment d'un peuple qui se trouve déjà dans une situation absolument précaire, avec 20 mille personnes qui meurent de faim au jour dans le monde. Il faut dire, attendez! Si on continue comme ça, nous arriverons à une situation indéfendable. Pour nous, ça c’est un sujet essentiel".
La position de la Bolivie
Mais la Bolivie ne rejette pas en avance la signature d'un accord de commerce. "Ça dépend toujours des termes - insiste Solón -. Nous avons clairement exprimé qu'un accord de libre commerce ne convient pas à la Bolivie. Mais un accord commercial qui prend en considération les asymétries et les différentes approches et visions économiques et qui permet d'assurer et de consolider les préférences envers les tarifs qui existent aujourd'hui dans l'accord SGTP +, et qui ne force pas de compromis sur les sujets de services, achats publics, investissements et propriété intellectuelle, nous semble favorable ", reconnaît-il. La Bolivie a déterminé quelques paramètres pour la négociation. "Par exemple, nous ne partageons pas la vision de dégrèvement et d’élimination automatique des tarifs et avec un certain délai de temps. Nous croyons qu'un pays doit dégrever ou réduire ses tarifs dans la mesure où il augmente aussi ses exportations à l'autre pays. Parce qu’autrement, on ne peut pas garantir le principal objectif d'un accord d'association ou d'un accord de commerce, qui est le développement économique, social et humain de toutes les parties. Parce qu'à la fin il peut arriver qu'un pays ne profite pas seulement des libéralisations établies dans un accord, mais il peut aussi être touché négativement par les importations de l’autre partie ".
Quant à si l'UE acceptera de négocier un accord qui ne soit pas égal pour tous les pays de la CAN, Solón informe que c'est un processus qui vient de commencer dans la troisième ronde de négociations, où "il a été clairement mis sur la table comment les différentes visions sont traduites dans des différentes propositions au niveau commercial. Et l’UE commence récemment à s’assimiler à cela, parce que dans cette ronde ils ont été confrontés avec le fait qu’il ne va effectivement pas y avoir un accord unique pour tous les pays... Il y aura des sujets où en effet nous allons avoir une position unique, ce qui est déjà le cas, mais il y a des thèmes où ce ne sera pas le cas".
La participation des citoyens
Pablo Solón reconnaît l'importance de la participation de la société civile dans le processus des négociations des AdA, mais il admet que le manque de transparence a été un obstacle. Toutefois, il croit que les sociétés civiles "doivent travailler avec leurs gouvernements pour être chaque fois plus informées. Il y a des différentes façons d'informer. Nous le faisons en Bolivie et je crois que dans d'autres pays aussi, un processus d'information est en train de se développer ". Il reconnaît que ce n'est pas du tout facile, parce que c'est un processus différent à celui dans la ZLEA, où la position des mouvements sociaux était celle de faire pression sur les gouvernements pour qu'ils le rejettent complètement. Mais dans la négociation actuelle "il y a des positions de certains gouvernements qui utilisent une approche différente par rapport aux négociations de commerce. Alors dans quelques cas la société civile prend une position contestante, et dans d'autres cas elle mantient une position d'incidence ".
Pour avoir une incidence, obtenir de l'information et des connaissances en détail se rend beaucoup plus important. Un exemple est la proposition de la Bolivie qui suggère que, pour baisser les tarifs, il faut y avoir un accroissement d'un tiers des exportations durant une année. "Nous informons pleinement notre société civile et le public que celle-ci est notre proposition, et nous voulons qu'ils la connaissent pour qu’ils nous rendent un maximum de contributions. Quels sont les produits fondamentaux qui devraient faire partie de cet ensemble de produits que nous attendons monter à un tiers chaque année?" Un autre package serait celui des produits qui feraient partie d'un processus de dégrèvement parce que nous voulons les protéger pour un futur développement d'industries naissantes. "Alors, les négociations contiennent une série de détails qui doivent être connus, surtout quand on cherche l’inclusion de la société civile. Et ça, c'est ce que nous faisons ", conclut Solón. (Traduction: ALAI)
* Cet article a été publié dans la revue "América Latina en Movimiento", Non. 431-432, mai 2008.
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