Miguel Palacín à l'ONU:

La CAOI dénonce massacre d'indigènes a l'ONU

12/08/2009
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Le massacre de Bagua (Amazonie du Pérou) qui a ému la communauté internationale le 5 juin passé, a représenté un des points les plus forts de la systématique politique de discrimination et criminalisation des peuples indigènes que met en place l’Etat péruvien avec l’objectif de faciliter les opérations des entreprises multinationales extractives (minière, pétrolière, de gaz, forestière).

Durant la conférence de presse d’aujourd’hui, Miguel Palacín Quispe, Coordinateur Général de la Coordination Andine d’Organisations Indigènes (CAOI), a expliqué qu’au Pérou les droits des peuples indigènes, déjà assez relégués pendant des siècles, s’étaient encore plus réduits à partir des années 90, quand la dictature d’Alberto Fujimori modifia la Constitution et les lois afin d’imposer le néolibéralisme dans le pays andin.

Depuis 1991, l’amplification des activités minières ont été favorisées dans toute la région andine du pays, affectant les communautés paysannes et ceci sans établir aucun mécanisme de consultation avec elles, bien que depuis l’année 1994 soit entré en vigueur la Convention 169 du BIT (Bureau International du Travail) au Pérou. Les entreprises minières au Pérou disposent de 23 millions d’hectares sur la côte, en montagne et en forêt, mettant en péril les terres de 3200 communautés paysannes et natives. D’une manière similaire, depuis l’année 2004, les projets liés aux hydrocarbures ont augmenté dans la forêt péruvienne (on est passé de 13% de la surface de l’Amazonie parcellisée à 75% en seulement 5 ans) ; ceci sans incorporer aucun mécanisme de consultation de la population indigène affectée.
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Le retour à la « démocratie » à la fin de l’année 2000 n’a marqué aucun changement dans ces politiques d’Etat. En particulier, depuis l’arrivée au gouvernement pour la seconde fois d’Alan Garcia Pérez , les atteintes aux droits indigènes se sont approfondies, et s’est jointe à celles-ci la criminalisation de la protestation sociale.

En juillet 2007, le gouvernement péruvien a émis onze décrets législatifs (normes au rang de loi émises par l’Exécutif avec autorisation du Congrès de la République) qui durcissent les peines imputées à la protestation sociale. Parmi les effets les plus graves, il y a l’établissement de l’enfermement de 25 à 30 ans pour des mobilisations, l’interdiction aux autorités locales de soutenir les manifestations de leurs villages, et l’impunité pour les agents de police et les militaires qui tirent des coups de feu et provoquent des morts afin de réprimer ces manifestations.

Le 19 décembre de la même année, le Congrès de la République a attribué des facultés au Pouvoir Exécutif pour légiférer sur divers thèmes liés à l’implantation du Traité de Libre Commerce avec les Etats-Unis. A cette fin, l’Exécutif a émis entre janvier et juin 2008 un ensemble de 102 décrets législatifs.

Les objectifs, derrière ces décrets législatifs, sont de faire disparaître les communautés indigènes et octroyer de meilleures facilités aux entreprises qui exploitent les ressources minières, pétrolières et forestières. Il est considéré que les droits des communautés sont un obstacle pour ces entreprises.

Le président lui-même Alan García, l’a dit dans ses articles intitulés El Síndrome del Perro del Hortelano(1), publiés entre octobre et novembre 2007 dans le quotidien El Comercio, dans lesquels il affirme que les communautés indigènes sont une invention, qu’elles ont des terres inoccupées et qu’elles ne produisent pas, et va jusqu’à remettre en question l’existence même des peuples indigènes, en situation d’isolement volontaire, de l’Amazonie péruvienne.

Une mobilisation de plus de dix jours des peuples indigènes d’Amazonie (en août 2008) réussit la dérogation de deux de ces décrets législatifs (1015 et 1073). La mobilisation a été reprise en avril 2009, et à travers le Massacre de Bagua du 5 juin, ont été dérogés les décrets législatifs 1064 et 1090. « Les organisations indigènes et paysannes, nous continuons la lutte pour la dérogation de celles restantes », a souligné Palacín.

Mais la répression ne commence ni se termine avec le massacre de Bagua. Au Pérou il y a actuellement plus de mille dirigeants indigènes qui subissent des procédures juridiques pour défendre les droits de leurs communautés. Après les évènements du 5 juin, il a été émis un ordre d’arrestation contre toute la direction de la Asociación Interétnica de Desarrollo de la Selva Peruana (AIDESEP)(2), et trois de ses membres ont dû s’exiler au Nicaragua, parmi eux son président Alberto Pizango.

La journée nationale de lutte du 11 juin, la Grève Nationale des 7,8 et 9 juillet, et la solidarité internationale ont exigé que la sortie du cabinet ministériel de Yehude Simon signifie un changement réel de la politique économique et sociale. Mais il s’est passé tout le contraire, avec une composition ministérielle en provenance exclusive du parti présidentiel (APRA) d’extrême droite, dans une attitude ouvertement provocatrice du régime de García. Le nouveau président du Conseil des Ministres, Javier Velásquez Quesquén, a dit que son premier devoir était d’ « imposer l’ordre », ce qui laisse présager une recrudescence de la répression.

A la fermeture et la persécution de stations émettrices locales et de leurs directeurs, s’ajoute l’intensification de la persécution policière et judiciaire envers les leaders indigènes d’Amazonie et Andins. Des preuves de disparitions lors du massacre de Bagua du vendredi 5 juin sont en train d’apparaître, tant de fois niées par le gouvernement, consignées dans un rapport de la Defensoría del Pueblo(3) qui, comme cette institution l’a reconnue, n’a pu récolter de témoignages et de preuves que dans le cinquième des communautés natives, et l’a fait dans les jours suivants le massacre. Pire encore, si l’on considère que la police a empêché le passage dans la zone durant cinq jours, dans laquelle elle aurait incinéré les restes des indigènes assassinés.

Dans une attitude raciste réitérée qui nie aux indigènes la faculté de prendre des décisions de manière autonome et collective (comme ils le font depuis des centaines d’années), le gouvernement insiste à attribuer la mobilisation des peuples indigènes à des interventions étrangères, sans présenter aucune preuve de ceci. Les fonctionnaires du gouvernement ont même affirmé que la violence dans la Curva del Diablo(4) avait été initiée par les indigènes, mais le procureur qui a enquêté sur l’affaire a déjà déterminé officiellement que les indigènes étaient désarmés.

Particulièrement cruelle est l’attitude du gouvernement contre l’apu Santiago Manuin, qui a reçu huit impacts de balles le 5 juin, alors qu’il s’approchait de la police avec les bras en l’air, pendant que celle-ci initiait son assaut contre les indigènes. L’apu, boursier des Nations Unies, a le colon séparé du corps et son état de santé est très délicat. Le 14 juillet, neuf policiers se sont rendus jusqu’à l’Hôpital Las Mercedes de Chiclayo pour essayer de l’amener à la prison de Picsi. Heureusement les médecins les en ont empêché, mais le mandat d’arrêt contre lui reste en vigueur.

A tout ce qui précède, s’ajoute les manœuvres du gouvernement d’Alan García, qui, dans l’intention de désarticuler les organisations indigènes qui avancent pour la défense de leurs droits, cherche à diviser la Asociación Interétnica de Desarrollo de la Selva Peruana (AIDESEP) ; dans ce but, il a mis en place un congrès illégal lors duquel a été élu une fausse directive. Le gouvernement García a commencé à reconnaître cette directive, choisie contre tout ce qui est stipulé dans les Statuts de l’AIDESEP, afin qu’elle participe à la Table de Dialogue installée avec les peuples indigènes d’Amazonie.

« Il s’agit d’une manœuvre de plus pour désarticuler nos organisations, en créant des organisations parallèles qui ne comptent pas avec l’appui de nos peuples indigènes, dans le seul but qu’ils approuvent leurs politiques de pillage de nos biens naturels et la déprédation de la Madre Naturaleza(5), en passant au-dessus de nos droits territoriaux », a averti Miguel Palacín Quispe, Coordinateur Général de la CAOI.

(1) le Syndrome du Chien du Maraicher
(2) l’Association Interethnique de Développement de la Forêt Péruvienne
(3) la Défense du Peuple
(4) le Virage du Diable
(5) la Mère Nature
 
COORDINATION ANDINE D’ORGANISATIONS INDIGENES-CAOI
Bolivie, Equateur, Pérou, Colombie, Chili, Argentine

Genève, 6 août 2009
https://www.alainet.org/es/node/135688
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