Dans la perspective de la rencontre des bailleurs de fonds le 31 mars

Plusieurs organisations sociales rejettent le plan de reconstruction, envisagé par le gouvernement

21/03/2010
  • Español
  • English
  • Français
  • Deutsch
  • Português
  • Opinión
-A +A
Plusieurs organisations sociales désapprouvent le contenu ainsi que les démarches ayant abouti à l’élaboration d’un document dit “plan d’action pour le développement”, élaboré par le gouvernement du premier ministre Joseph Jean Max Bellerive en vue du sommet avec les bailleurs de fonds internationaux, au siége des Nations Unies à New Yorkl e 31 mars 2010, plus de 2 mois après le tremblement de terre du 12 janvier ayant fait officiellement plus de 250 mille morts.
 
“Avant la tenue de la rencontre du 31 mars, le gouvernement doit rencontrer les organisations sociales pour leur faire part de la teneur du nouveau document révisé, devant intégrer diverses recommandations, notamment les aspirations et attentes de la population”, font savoir à l’agence en ligne AlterPresse des participantes et participants à un atelier intitulé “présentation de la vision et du plan stratégique du gouvernement”.
 
Convoqué pour le vendredi 19 mars, sur demande du gouvernement, par Inter Action, un réseau d’organisations non gouvernementales (Ong) américaines, l’atelier, initialement de consultation, cherchait plutôt à valider le plan concocté par le gouvernement, de concert avec une partie de la communauté internationale.
 
Les membres des organisations sociales présentes, comprenant des organismes de droits humains, de droits de la femme, de droits des migrantes et migrants, de droits des handicapés, ainsi que certains délégués d’Ong internationales ont relevé un ensemble de faiblesses, caractérisant le document présenté, comme l’absence de mécanismes d’application et de contrôle, également de stratégie de mise en oeuvre des actions projetées ainsi que d’une analyse de situation à l’origine de l’ampleur des dégâts (pertes en vies humaines et ressources materielles détruites), enregistrés le 12 janvier.
 
En principe, suivant les prévisions, une telle catastrophe devrait occasionner autour de 25 mille morts dans un pays normal. Or, aucune explication n’est pourtant donnée sur les faiblesses du système de gestion qui a provoqué environ 300 mille morts dans le tremblement de terre du 12 janvier.
 
Ni dans la préparation du document “plan d’action pour le développement”, ni dans la rencontre du 19 mars qualifiée de “cosmétique” par les organisations sociales, aucune consultation n’a été faite avec les secteurs vitaux de la population, tels les groupes encore marginalisés dans les bidonvilles, les personnes construisant des cahutes dans les zones à risques, les femmes, les paysans sur qui repose la production agricole nationale.
 
Malgré tout, les participantes et participants, délégués par différentes organisations sociales, ont tout de même accepté d’approfondir la réflexion dans des groupes de travail, une heure après avoir écouté les exposés de représentants du ministère de la planification et de la coopération externe (Mpce).
 
Rencontrer les organisations sociales avant le 31 mars
 
Le gouvernement devra préciser sa vision ainsi que l’orientation qu’il compte donner au pays dans les mois à venir, demandent les organisations sociales présentes à l’atelier du 19 mars, dont une majorité de participantes et participants en sont sortis très frustrés.
 
Au lieu de la perpétuation des pratiques d’exclusion et de discrimination, le gouvernement de René Garcia Préval et de Joseph Jean Max Bellerive devrait prendre en considération la voix des secteurs favorables aux changements sociaux dans le pays en intégrant leurs desiderata.
 
Pas question de donner un chèque en blanc aux autorités nationales pour faciliter la pénétration de capitaux importants, au regard de la quantité de fonds déjà gaspillés ces dernières années en Haïti, avancent les promoteurs des mouvements sociaux nationaux.
 
Ce serait une honte de formuler un tel plan à la communauté internationale ainsi qu’un manque de responsabilité vis-à-vis non seulement des morts du tremblement de terre, mais aussi des 10 mille nouveaux handicapés et de plus d’un million de sans abris et de personnes déplacées après la catastrophe.
 
Dans l’avant-propos, il est écrit “ce document qui va être présenté aux partenaires et donateurs internationaux…”.
 
Ce qui démontre, aux yeux des organisations sociales présentes à l’atelier du 19 mars, un mépris de la population dont les desiderata ne sont pas pris en compte, puisqu’elle n’a pas été consultée et que le document s’adresse plutôt à la communauté internationale.
 
Les personnes, pour lesquelles la reconstruction sera faite (y a-t-il jamais eu de construction véritable nationale, depuis 200 ans ?) ont leurs propres points de vue.
 
Les participantes et participants à l’atelier du 19 mars demandent au gouvernement, non seulement d’intégrer leurs recommandations, mais surtout de s’asseoir avec les organisations sociales avant le 31 mars 2010, afin de vérifier la prise en compte véritable des recommandations faites, de disposer d’un document clair reflétant une vision d’autodétermination et une rupture complète avec les pratiques d’exclusion encore présentes.
 
Parallèlement, il faut préciser les mécanismes d’application des actions projetées.
 
“Le document présenté comprend seulement des phrases, annonçant les activités, sans aucun mécanisme d’application, ni d’inclusion ni de contrôle et d’évaluation-suivi”.
 
Face aux levées de bouclier des membres d’organisations sociales présentes, lesquelles ont exigé un débat correct, au-delà de la simple synthèse faite par des techniciens du Mpce, ces derniers ont promis d’essayer d’incorporer les remarques faites dans le document à finaliser sur 2 jours, apparemment d’ici le 21 mars.
 
Quelques lignes du plan, présenté par des cadres du ministère de la planification
 
En général, en cas de catastrophe, la communauté internationale dispose d’un instrument dénommé en anglais “Post disaster needs assessment” (Pdna), qui consiste en une évaluation des besoins post-désastres et des recommandations sur un processus (escompté) de reconstruction.
 
Cet instrument devrait être accompagné d’un autre document de support, indiquant un plan stratégique gouvernemental et de quelle manière les opérations vont être conduites.
 
Pour ce qui concerne Haïti, après le séisme du 12 janvier 2010, l’exercice du Pdna a misé sur l’apport de représentans de la Banque mondiale, de la banque interaméricaine de d’eveloppement (Bid), des agences des Nations Unies et certaines organisations non gouvernementales internationales, sans aucune contribution d’organisations sociales non consultées en la matière.
 
Pour l’évaluation des pertes / dégâts et des besoins de reconstruction, seulement ont été évoqués quelques chiffres soulignant une estimation d’environ 11 milliards de dollars américains (et plus) reflétant les besoins de reconstruction, qui seront dépensés respectivement sur 3 mois, 18 mois et 3 ans.
 
Ce sont grosso modo les résultats du Pdna (après le séisme du 12 janvier) qui ont été évoqués à l’atelier du 19 mars.
 
Avant la présentation du Pdna, la direction générale du Mpce a fait un exposé expliquant comment le processus de reconstruction aura lieu.
 
“Le pays sera divisé en 3 grands axes : Nord, Sud et Ouest, avec un accent sur les infrastructures (routes) et un mode (envisagé) de construction des maisons”, sans aucune indication, ni sur la vision, si sur l’orientation des actions souhaitées.
 
Cela a donné l’impression d’un plan de reconstruction reprenant les mêmes bases existantes et reposant sur l’exclusion, la discrimination, la domination d’une minorité de personnes qui s’accaparent de toutes les richesses du pays en excluant la majorité de la population, sans aucune référence sur la façon de considérer les différents secteurs toujours marginalisés, critiquent les organisations sociales ayant assisté à l’atelier du 19 mars.
 
Automatiquement après les 2 exposés, les participantes et participants ont été invités à rejoindre des groupes de travail sur “le plan d’action pour le développement”.
 
C’est la première fois que les participantes et participants ont fait connaissance avec le document en question, divisé en 5 thèmes.
 
En atelier, le document n’a même pas été organisé en fonction des thèmes avancés. Par exemple les services sociaux (éducation, santé, emplois, hébergement) se sont retrouvés éparpillés à l’intérieur du document.
 
Elaborer un document potable pour le 31 mars
 
Interrogés par AlterPresse, des délégués d’organisations sociales, présents à l’atelier, admettent combien le gouvernement pourrait “avoir toute la latitude pour dire qu’il n’avait pas lancé d’invitation, vu qu’aucune invitation sur papier à en-tête officiel n’a été faite”.
 
L’Ong internationale, ayant lancé les invitations et ne connaissant pas bien les réalités de terrain, affirme avoir mené cette démarche, auprès de quelques organisation sociales, au nom du gouvernement haïtien.
 
Il n’y a pas eu de volonté réelle, de la part du gouvernement, d’encourager la participation des secteurs sociaux dans la définition d’un plan de développement correct, interprètent les délégués, ajoutant “ils ont voulu faire valider leur plan…”, au lieu d’une consultation proprement dite.
 
Apparemment, d’autres délégués d’organisations sociales invitées n’ont pas voulu se rendre à l’atelier du 19 mars 2010, en raison des considérations précédentes, notamment de l’absence d’aucune lettre officielle du gouvernement Bellerive.
 
Au terme de la présentation des résultats des groupes de travail, un représentant du ministère de la planification s’est seulemnt contenté de synthétiser les recommndations faites, sans aucune velléité de débats. Alors, l’assistance a protesté et a porté le Mpce à tenir une plénière.
 
Seule garantie donnée par le délégué du Mpce : il va voir ce qu’il peut faire, vu qu’il dispose de 2 jours pour une traduction en anglais du document.
 
Les délégués d’organisations sociales, ayant assisté à l’atelier du 19 mars 2010, préconisent l’élaboration d’un document qui reflète les aspirations et attentes de la population, une vision claire sur l’éducation (pas de structure éducative à plusieurs vitesses, comme appliqué jusqu’à maintenant), la santé, etc.
 
A l’atelier du 19 mars, dans un hôtel à l’est de la capitale Port-au-Prince, n’ont pas été abordés la question économique, le sujet de l’approvisionnement en nourriture de la population des camps de sans abris et de personnes déplacées.
 
Rien n’a été dit, non plus, sur les droits humains des sans abris et des personnes déplacées, leurs conditions d’existence depuis après le 12 janvier 2010, leurs besoins fondamentaux, leur mode de fonctionnement, la promiscuité à laquelle les enfants, les femmes et les hommes font face dans les camps, la violence et les viols sur les femmes et les filles dans les espaces à grande concentration de personnes déplacées, la nécessité d’un redéploiement sur la question de la sécurité publique.
 
Un groupe de travail s’est penché sur le logement, mais les questions foncières, de titres de propriété (très cruciales aujourd’hui avec l’occupation de divers espaces, y compris d’e places publiques), comment les contructions de maisons vont être faites et dans quelles conditions, sur quels terrains.. . n’ont pas été posées.
 
En plus des opérations de déblaiement, de décentralisation, de possibilités de pôles de développement, les problèmes de découpage et de réaménagement du territoire ont été cités sans aucun mécanisme d’appoint clair.
 
“C’est comme une tendance à vouloir reconstruire une maison sur un terrain frileux, sans attaquer les fondements de base…”, paraphrase un membre d’organisation sociale. [
 
 
https://www.alainet.org/es/node/140174
Suscribirse a America Latina en Movimiento - RSS