Donald Trump et le syndrome du petit pharaon

22/09/2015
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« La politique ne m’intéresse pas » m’a dit, il y a quelques mois, une étudiante. « Je voterai pour un président qui a été un homme d’affaires brillant. C’est ce dont a besoin l’Amérique [USA] pour recommencer à être grande ».

 

C’est une réponse à la mode aux États-Unis d’Amérique : le seul mot « redevenir » dissipe beaucoup de doutes idéologiques, mais peut-être ce qui nouveau, c’est la présence écrasante de l’idéologie des affaires à tel point qu’elle est parvenue à ce qu’on confonde un pays entier avec une entreprise. Ce n’est pas étonnant, puisque les citoyens d’hier, sont aujourd’hui des employés ou des consommateurs, ce qui revient à être la même chose que ce nous voyons dans un Wal Mart.

 

Le phénomène Donald Trump dans les enquêtes du parti républicain reproduit en politique la psychologie et la culture de l’un de ses business favoris : Miss USA et Miss Univers. Dans ces parades machistes à la frivolité féminine, les spectateurs consomment un idéal qu’ils ne peuvent pas atteindre : être jeunes, belles et connues en même temps. Il va sans dire qu’ils ne les élisent pas pour leur intelligence, en dehors de l’obscénité de soumettre ces pauvres femmes (à demi vêtues et en équilibre sur des talons aiguilles) à des questions auxquelles même un intellectuel ne répondrait pas élégamment dans les dix secondes imparties.

 

Les adeptes de Trump partagent quelque chose avec leur candidat, parce que l’empathie est la base de la politique de la consommation : le rudiment intellectuel, la glorification de l’Ego et sa revendication de l’arbitraire, la catharsis collective de l’insulte personnelle et de son refus corrélatif de l’excuse, révèle beaucoup de groupes sociaux, traditionnellement dominants, qui se sentent menacés par une diversité croissante ethnique, culturelle et probablement idéologique. Les dernières recherches montrent que le sécularisme et ceux qui ne s’identifient à aucune église grandissent dans un pays traditionnellement religieux, tandis que dans le reste de monde le processus est l’inverse.

 

Les adeptes de Trump partagent avec lui et avec le reste de population, la culture de l’individu aliéné qui se croit original en étant une copie. Mais il y a quelque chose, un détail que les adeptes de Trump n’ont pas en commun avec leur candidat : ils ne sont pas millionnaires. Encore moins multimillionnaires, comme Trump.

 

Si nous considérons que 66% du Sénat US est composé de millionnaires, que le 1% représente les 99% de la population et qu’on appelle cela encore démocratie, nous pourrons facilement voir une contradiction névrotique entre désir et réalité. Aussi comme à Hollywood, la politique vend le désir (d’appartenir un jour au 1%) pour soutenir une réalité opposée (99% ne pourront jamais faire partie de ce 1%).

 

La politique comme spectacle est un phénomène global, mais Trump a atteint le sommet. Deux choses peuvent arriver : que cet orgasme dure suffisamment pour qu’il batte Bernie Sanders (que la presse étiquette comme « populiste », comme si Hillary, Trump et toute l’industrie de la publicité n’étaient pas des exemples extrêmes du populisme), ou bien que nous sommes près du déclin accéléré de la réaction à une autre réalité imparable : le changement démographique.

 

Son recours dialectique consiste à dire que tout a empiré dans ce pays et que la solution consiste dans « je le ferai » sans donner la moindre piste de comment il pense le faire. Comme il ne peut pas expliquer comment il pense faire ce qu’il dit qu’il va faire, il fait appel à quelque chose que beaucoup d’Usaméricains font très bien : y croire. Pourquoi les gens doivent –ils croire qu’il saura comment faire ? Parce qu’il est riche. Si quelqu’un a de l’argent, alors c’ est un gagnant, et si c’ est un gagnant, c’est parce qu’il a raison. La même logique s’appliquait au Moyen Âge : quand l’un des concurrents faisait tomber l’autre chevalier lors d’une joute, la force de son bras démontrait qu’il avait raison, puisque Dieu n’allait pas être si injuste en donnant plus de force à celui qui était dans le faux. Avec la même logique, Rocky Marciano aurait démontré qu’Albert Einstein délirait. Pas seulement parce qu’il n’aurait pas résisté au premier coup de poing au visage mais parce que c’était un modeste professeur de Princeton.

 

L’idée qu’être riche prouve que l’on est dans le vrai, a été confirmée par la théologie calviniste, qui est basiquement celle sur qui s’assoit l’éthique d’une grande partie de la population de ce pays. Si Jésus a dit qu’il était plus probable qu’un chameau passe par le chas d’une aiguille qu’un riche atteigne le royaume des cieux, le protestantisme a démontré le contraire : si tu es riche, c’est parce que tu as été béni par Dieu et l’or ici sur la terre démontre que tu recevras tout l’or du ciel quand tu mourras.

 

Ce n’est pas étonnant, alors, qu’aujourd’hui presque tout le monde assume que le progrès scientifique, technologique et social dont nous jouissons, découle des riches et d’hommes d’affaires, quand toute liste d’hommes de sciences, inventeurs et des militants sociaux qui ont promu la liberté était interdite et barrée, jusqu’à il n’y a pas si longtemps, par les conservateurs au pouvoir, liste qui n’a rien de riche mais tout le contraire : la majorité a toujours travaillé dans des universités, dans des organismes étatiques comme la NASA ou sont salariés des compagnies privées. Presque tous appartiennent à la classe moyenne et presque aucun ne se consacre aux affaires, ni n’a de temps pour investir à la bourse, ni dans aucun des mégas business de messieurs comme Donald Trump.

 

Mais comme les narrations sociales proviennent de ceux qui arborent le pouvoir social, et celui-ci réside dans les capitaux financiers, il n’est pas étrange que les fourmis admirent tant le fourmilier et même qu’ils le choisissent, systématiquement, comme sénateur ou comme président.

 

Bien entendu le commerce a historiquement amélioré les sociétés avant même l’invention de l’écriture. Mais une chose est que les sociétés se servent du commerce, et une autre est que le commerce utilise les sociétés comme comodities. C’est à ce moment qu’il devient une idéologie dominante. On peut le voir dans l’éducation et dans les universités : déjà il ne reste presque aucun espace pour la formation générale de l’individu : ce qui importe est d’étudier une carrière qui apporte de l’argent. Cela s’appelle « retour » et se mesure méticuleusement dans un monde qui quantifie tout. On le voit aussi dans le déplacement des sciences humaines dans les écoles de commerce et dans la même tentative des sciences humaines de prouver qu’elles sont capables de se mettre à former des salariés et des entrepreneurs.

 

Cependant, Donald Trump a un grand mérite, si grand qu’il se protège lui même contre l’intelligence de son propre électorat. Un slogan qu’il se plaît à marteler : « Je suis riche, immensément riche ». Récemment, lors du premier débat républicain à Cleveland, il s’est vanté de la façon dont il utilise son argent : « J’ai dit à Hilary Clinton qu’elle vienne à mon mariage. Elle n’a pas eu le choix, puisque j’avais mis de l’argent dans sa fondation ».

 

- Jorge Majfud pour El Correo de la diaspora latinoaméricaine

Traduit de l’espagnol pour El Correo de la diaspora latinoamericaine par : Estelle et Carlos Debiasi

 

El Correo de la diaspora latinoaméricaine Paris, 22 septembre 2015.

http://www.elcorreo.eu.org/Donald-Trump-et-le-syndrome-du-petit-pharaon?lang=fr

https://www.alainet.org/es/node/172538
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