Les coups d’Etat reviennent en Amérique Latine.
- Opinión
Les démocraties que nous avons obtenues avec tant de peine se trouvent à nouveau en situation de risque. La situation que vit le Brésil aujourd’hui affecte tous les peuples d’Amérique Latine.
Lors de mon récent passage dans ce pays frère, j’ai rencontré la Présidente Dilma Rouseff pour lui apporter mon soutien et celui de bien d’autres organisations sociales car, en fait, l’opposition au Parlement cherche à la destituer de sa charge alors qu’elle a été élue par un vote majoritaire; tout cela à cause d’une supposée proposition qui ne se base pas sur un crime comme le prévoit la Constitution brésilienne, mais sur un délit qui parait même inexistant. L’accusation se base sur des processus comptables utilisés par des gouvernements précédents et repris actuellement par ses accusateurs.
On retrouve là des Coups d’Etat Mous, semblables à ceux que nous avons déjà vus au Honduras et au Paraguay, basés sur des processus illégaux pour violenter la volonté populaire avec une augmentation de la répression et des politiques qui ont provoqué la faim dans la population.
Derrière ce processus de destitution, on trouve un projet explicite pour aller vers une plus grande dépendance, vers une privatisation et vers une projection vers l’étranger. Le futur dépositaire probable de cette présidence, Michel Temer, a déjà exposé son intention d’imposer au Brésil des politiques économiques contraires à celles qui résultaient de l’élection du vote, comme par exemple celle de privatiser tout ce qui est possible dans les infrastructures du pays et de réduire l’effet de toutes les politiques sociales dont dépendent les plus vulnérables.
Le Sénat Fédéral du Brésil m’a cordialement invité à m’exprimer lors de la session du 28 avril où j’ai pu présenter mes salutations au peuple brésilien et décrire la préoccupation de bien des Brésiliens et de tous les latino-américains sur la possibilité d’un Coup d’Etat au Brésil. Malheureusement, la réponse des sénateurs d’opposition a demandé de censurer les paroles sur le « possible coup d’Etat» de mon bref message.
Peu de temps après cette session, j’ai rencontré Don Leonardo Steiner, le Secrétaire Général de la Commission Nationale Brésilienne, qui m’a fait part de sa préoccupation au sujet de la situation du pays avec l’augmentation de la haine, de l’intolérance et de la défiance vis-à-vis de la politique et des institutions. Mais, il m’a parlé aussi de l’attitude des dirigeants politiques d’opposition dont un des membres a fait l’apologie de la dictature et de la torture sans être sanctionné et a même ajouté qu’il avait peur que le dialogue croissant de la rue transcende les limites du respect.
De son côté, le Président du Tribunal Suprême Fédéral, le Docteur Ricardo Lewandowski, très respectueux des institutions, nous a fait part de sa préoccupation par rapport à une crise politique qu’il n’avait pas envisagé revivre si peu de temps après le retour à la Démocratie.
Finalement, j’ai terminé ma visite au Brésil en participant à la « journée des travailleurs » avec les mouvements sociaux qui luttent pour défendre les droits de nos peuples à posséder la Terre, à avoir un toit et du Travail et de pouvoir vivre en Démocratie. Les préoccupations sont importantes si l’on tient compte du fait que les députés du « Front Parlementaire de l’Agriculture et de l’Elevage » ont déjà demandé au futur président d’utiliser les Forces Armées pour réprimer les protestations sociales et déloger les occupations de terre des paysans et des indigènes.
Les organisations sociales brésiliennes résistent avec espérance car elles savent que leur lutte est juste mais elles comptent aussi sur notre solidarité internationale. Nous ne voulons plus de coup d’Etat en Amérique Latine.
Adolfo Pérez Esquivel
Prix Nobel de la Paix 1980
Article publié dans le journal : « Folha do São Paulo » le lundi 9 mai 2016.
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