Bilan du gouvernement Macri

Adolfo Pérez Esquivel : « Nous savions tous qu’il s’agissait d’un gouvernement néolibéral »

25/05/2016
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A la veille des premiers six mois du gouvernement Macri (qui aura lieu le 10 juin 2016), l’Argentine vit une réalité marquée par les coupes sociales et les mobilisations citoyennes. Adolfo Pérez Esquivel, prix Nobel de la paix 1980 et actuel président du Service Paix et Justice (SERPAJ) dans ce pays sud-américain. Interview.

 

Q: Quel bilan général faites-vous de ces premiers mois du gouvernement du président Mauricio Macri ?

 

Adolfo Pérez Esquivel (APE) : Nous savions tous qu’il s’agissait de la venue d’un gouvernement néolibéral. Ses premières mesures ont consisté à lever les retenues aux grandes entreprises minières et aux grands consortiums ruraux. Il a imposé une politique d’ajustement très dur. On dénombre déjà plus de 140.000 travailleurs (tant du secteur public que du secteur privé) au chômage, ce qui génère de grandes difficultés sociales. Les conséquences sociales de cette politique sont très graves en général, et plus particulièrement pour les enfants.

 

Q: Ces mesures correspondent-elles aux promesses électorales faites par l’Alliance Cambiemos du président Macri ?

 

APE : Lors des campagnes électorales, on promet beaucoup de choses. Ensuite les pratiques diffèrent. Par exemple : les partisans de Macri parlaient de « zéro pauvreté ». Mais en réalité, durant ces premiers mois, la pauvreté a augmenté. On ne voit aucune politique affrontant cette augmentation. Les budgets de l’éducation ont été réduits : cette mesure a entraîné des mobilisations constantes des enseignant-e-s et dans les universités. Par exemple, les écoles des orchestres de jeunes ont été fermées, cela signifie que 3.000 enseignants se retrouvent à la rue et environ 20.000 enfants ne peuvent pas continuer leurs études. Le gouvernement souligne que tout cela est dû à la crise économique héritée de ses prédécesseurs et que, dans les prochains mois, il freinera l’inflation, ce qui facilitera des avancées en matière de politique sociale. Il a promis de rechercher des ressources à l’extérieur et d’impulser de grands travaux publics pour réactiver l’économie.

 

 

Q : Que se passe-t-il plus spécifiquement sur le terrain des droits humains ?

 

APE : Les autorités actuelles tentent d’ouvrir un espace de dialogue avec les organismes de défense des droits humains. Le secrétaire responsable de ce secteur est venu me voir au siège du SERPAJ. Mais les droits humains ne se limitent pas aux questions concernant l’époque de la dictature militaire (1976-1983). Ils concernent aussi les problèmes territoriaux et environnementaux, dus à la déforestation intense - qui avait lieu depuis bien longtemps dans le pays -, ce qui provoque des situations très difficiles, y compris des inondations, qui se répercutent directement sur la réalité économique. Les organismes qui travaillent dans ce secteur réfléchissent ensemble sur le chemin à suivre. Dans notre cas, comme nous l’avons toujours fait, nous maintenons notre autonomie par rapport à tout gouvernement.

 

Q : Perçoit-on des tensions sociales et politiques ?

 

APE : Il est clair que la polarisation sociale s’est accrue. Si la situation actuelle continue, les conflits vont augmentation. Il y a aussi des recompositions politiques. L’ancien parti gouvernemental, le Front pour la victoire (FPV),  aujourd’hui dans l’opposition, s’est divisé en plusieurs blocs. On observe une forte bataille pour le pouvoir à l’intérieur du péronisme. Tout cela, sur les plans social et politique, aura des répercussions électorales. Des élections législatives auront lieu déjà l’année prochaine.

 

Q: Quelle est votre opinion à propos des accusations de corruption contre le kirchnérisme ?

 

APE : De nombreuses procédures sont ouvertes. Dans certaines d’entre elles, des personnalités auparavant proches du pouvoir y sont impliquées : c’est le cas de l’entrepreneur Lázaro Baez ou de l’ancien ministre de la Planification nationale. Ces procès ont débuté récemment. Il faudra voir leur développement et leurs résultats.

 

Q: Quelle est votre opinion sur la détention de la dirigeante sociale Milagro Sala ?

 

APE : C’est une prisonnière politique, condamnée avant même d’avoir été jugée. Il existe des accusations contre elle, mais nous ne savons pas jusqu’ici si ces accusations sont réelles ou non.

 

- Sergio Ferrari, collaboration Le Courrier et E-CHANGER

Traduction: Hans-Peter Renk

 

https://www.alainet.org/es/node/177680
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