Le COVID-19 au Brésil

L’exigence des mouvements sociaux « Dehors Bolsonaro!»

10/06/2020
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Miguel Stedile, miembro de la dirección del MST en su visita a Berna, Suiza
Foto: Sergio Ferrari
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Second pays pour le nombre de cas confirmés et troisième pour le plus grand nombre de morts, le Brésil vit non seulement la pandémie, mais aussi une crise politique profonde. En un mois, deux ministres de la santé ont démissionné consécutivement. Depuis trois semaines, un général de l’armée dirige provisoirement ce ministère sensible.

 

« Le président Jair Bolsonaro est devenu une menace contre la population, car il n’a pas de projet pour affronter la pandémie. Au lieu de freiner l’expansion du virus, sa politique aide à l’étendre », souligne Miguel Stedile, membre de la coordination nationale du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST) et fils de João Pedro Stedile, figure de référence historique du mouvement.

 

Le 10 juin, ce *pays-continent* dénombrait plus de 700.000 cas et 37.134 décès causés par le COVID-19, ceci par rapport à une population de 209 millions d’habitant-e-s vivant sur une superficie de 8,5 millions de km2.

 

L’irresponsabilité gouvernementale

 

Avec les principaux mouvements sociaux et un large spectre de la société brésilienne, le MST impulse une campagne « Dehors Bolsonaro ! », déclare le jeune dirigeant. « Aujourd’hui, c’est un mot d’ordre unitaire. Près de 60 % de la population, y compris des secteurs du centre-droite, pensent que la solution de la crise passe par le départ du président actuel ». Il existe des visions et des différences tactiques sur le mécanisme du départ. Il est évident que sa figure a connu un affaiblissement accéléré durant ces derniers mois, souligne.

 

Et Miguel Stedile d’ajouter : « Il n’y a pas eu les réactifs nécessaires et donc on a très peu testé. Les cas réels pourraient bien être dix fois supérieurs aux numéros reconnus. Depuis le début juin, le gouvernement informe sur le COVID-19 tard dans la nuit – après les journaux télévisés – et il donne seulement les chiffres du jour, sans le tracé historique ». Le lundi 8 juin, la Folha de São Paulo [ndr: important quotidien] titrait ‘Selon les spécialistes, le gouvernement agit de manière criminelle en cachant les données du COVID-19’.

 

« Cette tragédie humanitaire n’est pas une fatalité. Elle résulte de l’irresponsabilité et de l’action génocidaire du gouvernement. Bolsonaro minimise la pandémie, plaide pour réouvrir l’économie, met son veto à l’appui financier pour les Etats [ndr: équivalent des cantons suisses] et incite de manière active ses partisans à perpétrer des actes de violence politique », explique Stedile dans un entretien téléphonique.

 

Un plan d’urgence

 

Le mot d’ordre « Dehors Bolsonaro ! » constitue pour le MST la première de trois priorités dans cette étape d’urgence nationale. La seconde, c’est la lutte pour la vie en impulsant le confinement social dans les lieux les plus touchés par le virus. Et la troisième, la production d’aliments sains, distribués solidairement aux secteurs en difficulté dans les villes.

 

Le 5 juin – date de la journée mondiale de l’environnement -, le MST a lancé un Plan d’urgence : « Plus que jamais, aujourd’hui la réforme agraire est une nécessité et une condition essentielle pour pouvoir faire face à la crise », explique Miguel Stedile. « Nous avons deux objectifs essentiels : la création d’emplois et la production d’aliments sains ». Selon son analyse, cette proposition aurait un impact sur les 5 millions de nouveaux chômeurs causés par la crise sanitaire dans le pays. Le MST estime que ce chiffre pourrait se monter à 20 millions dans les prochains mois, touchant 20 % de la force de travail à l’échelle nationale.

 

Abordant l’argument de l’impossibilité financière d’une réforme agraire, Miguel Stedile – également professeur d’histoire et membre de la direction de l’Institut d’études contemporaines (Rio Grande do Sul) - donne des chiffres. Il existe 729 entreprises possédant 6 millions d’hectares et ayant des dettes envers l’Etat se montant à plus de 40.000 millions de dollars. L’urgence permettrait de payer ces dettes en terres afin d’installer immédiatement des milliers de familles sans terre, sans emplois, et aussi celles issues des banlieues urbaines.

 

« Cette proposition approfondit et actualise le projet de réforme agraire populaire que nous défendons depuis 2014. Nous ne faisons que l’adapter aux conditions actuelles. Non seulement en pensant à la campagne, mais aussi aux centres urbains où vivent 85 % de la population du pays ».

 

L’urgence d’appliquer « des politiques créatives est lié au double niveau d’urgence actuel au Brésil ». Divers indices prévoyaient, déjà à la fin mai, une contraction du produit intérieur brut (PIB) de 6 ou 7 % pour 2020. Mais la crise existait déjà bien avant le COVID-19.

 

Le pays sortira très frappé par cette conjoncture. Et le diagnostic ne laisse aucun doute : « Un chômage énorme, les prix des aliments impayables pour les secteurs populaires... Dans ce contexte, la réforme agraire que nous préconisons aurait un impact rapide ».  Et rappelle qu’après le Paraguay le Brésil est le second pays du monde où la propriété de la terre est la plus concentrée. « Pourtant, ici, paradoxalement, les plus grands propriétaires sont brésiliens ».

 

« Tout comme la question agraire est fondamentale, de la même manière la lutte ethnique est essentielle, compte tenu du passé colonial et esclavagiste de l’histoire brésilienne ». Miguel Stedile revendique pour le MST les protestations antiracistes des dernières semaines, qui ont aussi eu lieu au Brésil, inspirées « pour une fois par les vents progressistes qui soufflent à partir du Nord ».

 

*Traduction Hans-Peter Renk

 

 

 

https://www.alainet.org/es/node/207149?language=es
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