Qu’est-ce que la souveraineté alimentaire ?
04/03/2014
- Opinión
Selon la définition de l’Académie Royale Espagnole, « Manger » signifie « mastiquer et ingurgiter par la bouche un aliment pour le faire passer dans l’estomac ». Mais manger est bien plus qu’avaler des aliments. Manger de manière saine et consciente implique de se demander d’où vient ce que nous consommons, comment on l’a élaboré, dans quelles conditions et pourquoi nous payons un prix déterminé pour cela. Cela signifie de prendre le contrôle de nos habitudes alimentaires et ne pas le déléguer à d’autres. Ou pour le dire avec d’autres mots, cela signifie être souverains, de pouvoir décider en ce qui concerne notre alimentation. Telle est l’essence du concept de souveraineté alimentaire.
C’est en 1996 que le mouvement international d’agriculteurs La Via Campesina a mis pour la première fois ce concept sur la table à l’occasion d’un sommet de l’Organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO) à Rome. L’un des objectifs principaux était de promouvoir l’agriculture locale, paysanne, à petite échelle et en finir avec les aides que reçois l’agro-industrie pour l’exportation et avec les excédents agricoles, qui font une concurrence déloyale aux petits producteurs. Aujourd’hui, cette revendication ne se limite plus seulement au monde paysan, de larges secteurs sociaux la réclament eux aussi. S’alimenter et pouvoir décider sur la manière de le faire est une chose qui concerne tout le monde.
Le concept de souveraineté alimentaire a été formellement défini par La Via Campesina comme « le droit de chaque nation à maintenir et à développer ses aliments, en tenant compte de la diversité culturelle et productive ». En définitive, d’avoir la souveraineté pleine et entière pour décider ce qui est cultivé et ce que l’on mange. Les politiques agricoles et alimentaires actuelles ne le permettent cependant pas. Quant à la production, de nombreux pays se sont vus obligés à abandonner leur diversité agricole en faveur de monocultures qui ne bénéficient qu’à une poignée d’entreprises. Au niveau commercial, la souveraineté de nombreux pays est soumise aux diktats de l’Organisation Mondiale du Commerce. Et ceci pour ne donner que deux exemples.
L’essence de la souveraineté alimentaire réside dans le « pouvoir de décider » : que les agriculteurs puissent décider ce qu’ils cultivent, qu’ils aient accès à la terre, à l’eau, aux semences et que nous, consommateurs, ayons toute l’information sur ce que nous consommons, que nous puissions savoir quand un aliment est transgénique ou pas. Tout cela est impossible aujourd’hui. On spécule avec la terre, on privatise les semences, l’eau est chaque jour plus chère, avec l’étiquetage d’un produit on sait à peine ce que nous mangeons et l’Etat espagnol est l’une des principales zones de culture de transgéniques en Europe. La liste pourrait continuer.
Comment donc porter cette souveraineté alimentaire dans la pratique ? En participant à des groupes d’achat et à des coopératives de consommation écologique, à des potagers urbains, à des cuisines engagées et de slow food, en achetant directement les produits à des paysans locaux et écologiques. Il s’agit d’initiatives qui mettent en contact des producteurs et des consommateurs, qui établissent des relations de confiance et de solidarité entre la ville et la campagne, qui renforcent le tissu social, qui créent des alternatives productives dans le cadre de l’économie sociale et solidaire, et qui démontrent qu’il existe des alternatives.
Le défi est d’amener cette souveraineté alimentaire à l’ensemble de la population. Et pour cela, des changements politiques sont nécessaires. Dans l’Etat espagnol, il est urgent qu’on interdise la culture de transgéniques, qui contaminent l’agriculture conventionnelle et écologique. Une banque publique agricole est nécessaire pour rendre accessible la terre à ceux qui veulent vivre et travailler à la campagne. Une loi adéquate sur l’artisanat est indispensable pour répondre aux besoins des petits artisans. La reconversion des cantines des centres publics (écoles, résidences, universités, hôpitaux…) en cantines de cuisine écologique et de proximité avec l’achat de produits locaux est une question clé. Et il faut introduire le « savoir manger » dans le cursus scolaire.
La souveraineté alimentaire est possible. Tout dépend de nous, de notre prise de conscience, de la construire dans notre quotidien et d’exiger qu’elle soit mise en pratique. Vouloir, c’est pouvoir.
**Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera.
https://www.alainet.org/es/node/83635
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