La preuve par la paix

06/02/2003
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(Le monde n'a besoin ni de missiles, ni de milices mais de justice, de sécurité et de paix.) Chaque jour qui passe apporte la preuve de l'obsession maladive des dirigeants nord-américains de déclencher une nouvelle guerre du Golfe. Pour l'imposer, ils mènent depuis des mois une guerre idéologique atteignant des sommets de désinformation. On se souvient que lors de son discours sur l'état de l'Union, Bush, plus impérial et belliqueux que jamais, annonçait que son secrétaire d'Etat, Colin Powell, allait présenter devant le Conseil de sécurité des Nations unies " les preuves irréfutables " qui devaient accabler le régime irakien. S'il s'agissait de nous redire que le peuple irakien vit sous la férule d'un dictateur, merci, on le savait déjà. Ce n'est pas dans nos colonnes que Saddam Hussein a trouvé quelconque indulgence. En revanche, il existe encore dans la comptabilité de l'administration américaine les factures des armes vendues, à une époque pas si lointaine, au dictateur qu'elle prétend aujourd'hui pourchasser. Les militants communistes et progressistes irakiens, les populations kurdes en connaissent les insupportables effets. En fait, les grandes révélations que Colin Powell devait dévoiler au monde ne sont qu'une baudruche vide remplie " d'indices de soupçons de preuves ". Le fameux flagrant délit de possession d'armes de destruction massive n'existe pas. Le dossier américain ne repose que sur un faisceau de spéculations. La manipulation ira-t-elle jusqu'à faire croire que l'absence de preuve est suspecte et constitue, en elle-même, une preuve ? On peut le craindre. En effet, on suffoque après l'élan de sincérité de Donald Rumsfeld, secrétaire d'Etat à la Défense des Etats-Unis qui, contraint à renoncer à créer un bureau baptisé " d'influence stratégique ", déclarait récemment : " Nous changerons le nom du bureau mais ce n'est pas cela qui nous empêchera de mentir. " Voilà qui est clair ! C'est à la lumière de cet aveu qu'il fallait entendre le show multi-médiatisé de Colin Powell. En revanche, on a appris à cette occasion que les Etats-Unis espionnent l'Irak, quadrillent son territoire par photos satellites, écoutent les conversations téléphoniques de ses dirigeants. S'ils détiennent vraiment des preuves formelles, qu'ils les transmettent aux inspecteurs en désarmement de l'ONU. Ils ont été nommés justement pour cela. L'enjeu est bien trop grave. Peut-on décider d'une guerre sur la base de photos floues ou d'écoutes téléphoniques de la CIA dont la validité est contestée même au sein du FBI ? La mise en scène de Colin Powell par Bush n'avait qu'un but : donner le temps à son armada de se déployer totalement. Un troisième porte- avions US vient d'arriver sur place, mais il faut paraît-il encore plusieurs semaines pour acheminer l'ensemble des garnisons et des chars. L'autre vérité c'est qu'avec cette guerre les Etats-Unis veulent s'implanter durablement au Moyen-Orient pour contrôler la région, faire main basse sur les réserves pétrolières les plus importantes de la planète et, au-delà, accroître leur domination économique et militaire sur le monde. En filigrane se joue aussi un bras de fer contre l'Union européenne dans le cadre de la guerre économique que se livrent les grandes puissances capitalistes. De ce point de vue, Tony Blair et les sept autres dirigeants de l'Union européenne qui ont signé un texte appelant à se ranger derrière Bush se comportent comme les supplétifs de l'impérialisme américain et rendent donc un très mauvais service à une construction européenne active pour la paix, susceptible de transformer la mondialisation capitaliste. Mais, après tout, parlons-en, des armes de destruction massive. Qui est le détenteur du plus grand arsenal nucléaire, sinon les Etats- Unis ? Quel est le seul pays à avoir utilisé la bombe atomique, sinon les Etats-Unis ? Hiroshima et Nagasaki en portent encore les terribles stigmates. Qui a brûlé les champs et les villages vietnamiens au napalm, semant la mort, les blessures à vie, sinon les Etats-Unis ? Quel exemple donnent les Etats-Unis en matière de désarmement quand ils refusent de ratifier le traité d'interdiction des mines antipersonnel, qu'ils poursuivent un programme d'armes biologiques en dépit de la Convention sur leur interdiction, qu'ils refusent de signer le protocole sur les armes incendiaires comme le napalm et de ratifier l'accord Start III portant sur la réduction du nombre de têtes nucléaires ? Cette course au surarmement sert aussi à financer le complexe militaro-financier nord-américain dont les actionnaires espèrent retirer de substantiels dividendes. Ainsi, cette année, le budget militaire des Etats-Unis va atteindre près de 400 milliards de dollars. Cela dépasse largement les dépenses militaires de la Russie, du Royaume-Uni, de la France, de l'Allemagne, de la Chine, du Japon, de Taïwan et d'Israël réunis. C'est totalement insupportable quand on sait que, selon le programme des Nations unies pour le développement, il suffirait de 80 milliards par an durant dix ans pour assurer la satisfaction de la totalité des besoins humains pour l'alimentation, l'eau, la santé, l'éducation. Et Bush veut faire supporter le coût de ces ouvres de mort aux peuples du monde entier par le jeu des fluctuations monétaires du dollar. Cette stratégie menace la sécurité internationale. Le monde a besoin qu'enfin l'argent gâché dans ces ouvres de mort serve à un développement partagé. Le monde n'a besoin ni de missiles, ni de milices mais de justice, de sécurité et de paix. Le combat pour sauver la paix, pour que la force de la politique l'emporte sur la politique de la force, appelle maintenant à amplifier encore les mobilisations partout dans le monde. Elle appelle également à la vigilance contre les manipulations dont la Maison-Blanche est désormais coutumière. Souvenons-nous, lors de la première guerre du Golfe, comment la télévision américaine avait voulu convaincre le monde que les Irakiens exterminaient des bébés au Koweit, en faisant témoigner une jeune femme devant les caméras. Renseignement pris, il s'est avéré que cette femme du peuple n'était autre que la fille de l'ambassadeur du Koweit... à Washington. Heureusement, aux Etats-Unis comme sur les cinq continents, des millions de citoyens ne sont pas dupes de toutes ces manouvres. Ils refusent que la guerre ajoute encore aux souffrances des populations irakiennes. Ils refusent un monde en état de guerre et de menace permanente. La France doit l'entendre et agir pour sauver la paix, y compris en utilisant son droit de veto à l'ONU. Notre journal l'Humanité appelle, aux côtés d'une multitude d'organisations syndicales, pacifistes et progressistes, à de puissantes manifestations pour la paix le 15 février prochain. Il n'y a pas plus de guerre préventive que de bombe préventive. C'est à la guerre et à ses menaces qu'il faut s'attaquer de front. Les seules preuves utiles que les êtres humains doivent fournir pour le progrès de l'humanité sont celles de la paix.
https://www.alainet.org/fr/articulo/106928

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