De Sandino à Chavez, « l’aube n’est plus une tentation »

07/03/2013
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Augusto C. Sandino et son "Armée Populaire de Défense de la Souveraineté"
Augusto C. Sandino et son Armée de Défense de la Souveraineté Nationale (EDSN).
 
Caracas, 6 mars 2013
 
Comme le dit le sociologue Reinaldo Iturizza, parler de “transition” ou de “post-chavisme” reviendrait à insulter l’intelligence des vénézuéliens, et à nier l’Histoire elle-même, ce mouvement profond qui ne fait que commencer dans une Amérique Latine qui a changé de nature. Comprendre le Venezuela de 2013, c’est d’abord comprendre une vérité qui crève les yeux. Le peuple vénézuélien d’aujourd’hui n’a plus grand chose à voir avec le peuple des années 90. C’est la victoire de Chavez : « à ceux qui me souhaitent la mort, je leur souhaite une très longue vie pour qu’ils continuent à voir la Révolution Bolivarienne avancer de bataille en bataille, de victoire en victoire.»
 
Dans les années 80 j’ai vécu au Nicaragua, en pleine révolution sandiniste. Deux faits m’ont marqué.
 
Alors que sur place, les nicaraguayens jouissaient pour la première fois d’élections libres, d’un État de Droit et de liberté d’expression, après l’interminable nuit de tortures, de massacres et de disparitions de la dictature somoziste, les médias occidentaux s’empressèrent de transformer cette révolution en « totalitarisme en marche ». A l’époque Julio Cortázar, le grand écrivain argentin, envoyait ses protestations au journal français « Le Monde » pour tenter de briser le mensonge. Des cinéastes canadiens réalisèrent un excellent documentaire pour démonter cette fabrication d’un Nicaragua virtuel : « The world is watching ». Fait comique : lorsque les sandinistes perdirent les élections en 1990 et remirent le pouvoir à l’opposition, les grands médias reconnurent soudain que ceux-ci… étaient en fin de compte des démocrates.
 
Ce sont les mêmes ficelles qu’on a resorties du placard pour transformer la démocratie participative vénézuélienne en son contraire dès que Chavez a été élu en 1998 et que son pays a commencé à sortir du système néo-libéral pour construire le socialisme bolivarien .
 
Le deuxième fait est plus important. Beaucoup à gauche pensèrent que les élections perdues en 1990 au Nicaragua signifiaient la fin de l’aventure révolutionnaire, le dernier rêve brisé, ouvrant la voie à l’exercice de la nostalgie, qu’il ne restait qu’à rentrer mourir non sans donner de loin d’ultimes leçons à ces « gauches délavées qui ne sont plus ce qu’elles étaient ». Sous-estimer les peuples, leur Histoire, leur capacité de corriger ce qu’ils estiment nécessaire quand ils le souhaitent, invitent à ce genre de déraison. En 2013, la révolution latino-américaine n’a jamais été aussi puissante : parce que consciente et collective. L’isolement brutal des nicaraguayens face aux « contras » équipés par Ronald Reagan dans les années 80 fait place aujourd’hui à une unité qui s’accélère dans tous les ordres – politique, social, économique, diplomatique, etc.. probablement sans précédent dans l’Histoire mondiale, et qui porte les noms de SUCRE, CELAC, ALBA, UNASUR, Banco del SUR, etc.. termes à peu près inconnus des populations occidentales.
 
Augusto Sandino, le rebelle nicaraguayen des années 30, adoubé Général des Hommes Libres par ses paysans-soldats métis et indigènes, avait dans ses rares écrits annoncé la couleur de toute cette Histoire. Il évoquait la nécessité d’une Banque Latino-américaine pour le développement, d’une citoyenneté et d’un passeport latino-américain, d’une force de défense constituée par les nations pour garantir leur souveraineté. Sandino baptisa son programme « La réalisation du rêve suprême de Bolívar ».
 
On peut bien sûr se couvrir les yeux, refuser de voir, refuser d’étudier, de comprendre, d’enquêter, de transmettre, participer en tant que journaliste à la construction de l’ignorance et de la division, pour maintenir le plus longtemps possible la domination. Mais à quoi bon ? L’Histoire des pionniers et la mutation des peuples en sujets pour assouvir leur besoin profond de respect, de dignité, d’égalité, de bonheur expliquent pourquoi « tout ne fait que commencer ».
 
Caracas, 7 mars 2013.
 
 
https://www.alainet.org/pt/node/74305
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