L’actualité de La Commune de Paris et l’altermondialisme

Certes la Commune s’est terminée par une répression féroce et sanglante ; mais avec tout ce qu’elle a révélé, inventé, projeté, elle a révélé des nouveaux possibles sur les chemins de l’émancipation.

28/04/2021
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La Commune de Paris est un moment d’universel. On redécouvre à chaque fois sa signification par rapport aux questions nouvelles qui se posent pour construire l’avenir.

 

Un événement spécifique d’une extraordinaire densité

 

Il faut évidemment tenir compte de la situation particulière de la France et de Paris en 1870. Et rappeler l’histoire de cet événement et sa densité spécifique particulière. La Commune de Paris est une extraordinaire insurrection du peuple de Paris. Elle ne va durer que 72 jours, du 18 mars au 21 mai 1871 et connaîtra la répression féroce de la semaine sanglante du 21 au 28 mai 1871. Les causes de la Commune sont à la fois sociales et politiques. Les couches populaires parisiennes, les ouvriers, les artisans et les petits commerçant vivent dans des conditions très difficiles ; la pauvreté est souvent extrême et le temps de travail est autour de onze heures par jour. La situation politique est dramatique. Le Second Empire de Napoléon III s’est effondré à la suite de la défaite dans la guerre contre la Prusse et l’empire allemand est proclamé à Versailles le 18 janvier 1871. La population parisienne qui a subi un siège très dur depuis septembre 1870 n’accepte pas la capitulation. Elle s’enrôle massivement dans la Garde Nationale et élit ses officiers. La nouvelle Assemblée Nationale élue, majoritairement monarchiste, et le gouvernement, dirigé par Thiers, fuient Paris qui est, pour eux, « la capitale de l’idée révolutionnaire » ; ils s’installent à Versailles et s’entendent avec Bismarck pour écraser l’insurrection.

 

Le 17 mars 1871, Thiers envoie la troupe reprendre à Paris 227 canons qui étaient entreposées à Montmartre et Belleville ; les parisiens s’y opposent et fraternisent avec les soldats ; les quartiers populaires se couvrent de barricades. Le Comité Central de la Garde Nationale appelle à la vigilance. Les élections municipales ont lieu le 26 mars 1871. Le Conseil de la Commune doit comprendre 92 membres. Sur les 78 élus qui siègeront effectivement après la démission des modérés, 33 sont des ouvriers, surtout de la métallurgie et du bâtiment et des artisans des métiers traditionnels. Ils forment avec la petite bourgeoisie intellectuelle un bloc social majoritaire. Pour la première fois dans l’Histoire, on peut parler d’un gouvernement ouvrier. Il comprend toutes les tendances politiques républicaines socialistes et anarchistes. Comme dans toutes les périodes révolutionnaires, il règne une extraordinaire effervescence politique, rythmées par de nombreuses élections. Des clubs passionnés écoutent les orateurs, discutent et font pression sur les élus. Plus de 70 nouveaux journaux sont créés pendant les 72 jours de la Commune.

 

Parallèlement à la Commune de Paris, des soulèvements et des insurrections auront lieu dans plus de quinze villes en France, avec des tentatives assez brèves de constitution de Communes, notamment celles de Lyon et de Marseille qui précéderont Paris.

 

Dès le 29 mars 1871, le Conseil de la Commune gouverne Paris jusqu’au 20 mai, à travers dix commissions : exécutive, militaire, subsistances, finances, justice, sûreté générale, travail, industrie et échanges, services publics et enseignement. Le premier décret de la Commune décide la suppression de l'armée et de la police, principaux agents de la répression au service de l'ordre bourgeois. Ils sont remplacés par le peuple en armes. La Commune prend un certain nombre de mesures symboliques (destruction de la colonne Vendôme, adoption du drapeau rouge et du calendrier républicain). Les mesures adoptées sont surtout sociales et font face à l’urgence (remise des loyers non payés, suspensions des poursuites pour les échéances non payées, report des règlements des dettes et des échéances, …). Les logements vacants sont réquisitionnés, une pension est versée aux blessés et aux veuves, des orphelinats sont créés. Les cantines municipales distribuent du pain et des repas.

 

Les mesures d’urgence traduisent de nouvelles orientations. Les ateliers abandonnés sont réquisitionnés et remis à des coopératives ouvrières après indemnisation des propriétaires ; l’encadrement est élu par les salariés. Le travail de nuit dans les boulangeries est interdit. Les amendes patronales et retenues sur salaires sont interdites. Des conseils de direction doivent être élus tous les quinze jours dans les ateliers.

 

Les élus sont contrôlés et discutés, leur mandat est impératif. La citoyenneté est ouverte aux étrangers. Un des premiers mouvements féminins de masse est créé ; il réclame le droit au travail et l’égalité des salaires. La commune reconnaît l’union libre. Les femmes se battent contre les versaillais sur les barricades. La liberté de la presse est affirmée et une totale liberté est laissée pour la fondation d’un journal. La Commune décrète la séparation de l’Eglise catholique et de l’Etat et la sécularisation des biens des congrégations religieuses. La Commune prévoit l’élection au suffrage universel des fonctionnaires, y compris dans la justice et l’enseignement, l’instauration d’un traitement maximum et l’interdiction du cumul. Elle abolit le serment politique et professionnel. Le mariage libre par consentement mutuel est reconnu. Les perquisitions et réquisitions sans mandat sont interdits. L’enseignement est laïcisé et l'enseignement confessionnel est interdit. Une commission exclusivement composée de femmes est formée pour réfléchir sur l'instruction des filles. Quelques municipalités d'arrondissement, rendent l'école gratuite et laïque. L’égalité de traitement entre hommes et femmes est décidée dans l’enseignement.

 

L’activité législative très intense de La Commune de Paris est suivie par un début de mise en œuvre. Dès sa victoire, le gouvernement de Thiers abolira toutes les mesures. Certaines réapparaitrons souvent longtemps après. Leur seul énoncé démontre la cohérence et la novation d’un programme de gouvernement ouvrier en rupture avec l’ordre bourgeois dominant. Cette activité considérable de la Commune est d’autant plus remarquable que la préoccupation constante a été de résister à l’offensive menée par les « versaillais », par les troupes du gouvernement de Thiers. Bismarck a libéré les prisonniers pour renforcer cette armée. Dès le 21 mars, les Versaillais organisent le second siège de Paris. Les combats sont très violents. On compte quelques exécutions des otages et de très nombreuses destructions. Malgré une résistance héroïque, la Commune est vaincue. La Semaine Sanglante débute avec l'entrée des troupes versaillaises dans Paris le 21 mai pour s'achever par les derniers combats au cimetière du Père Lachaise le 28 mai. La répression contre les partisans de la Commune est impitoyable et féroce. Paris compte plusieurs charniers avec des milliers de morts et de fusillés.

 

Cette répression va se prolonger. Dès les premiers jours de juin 1871, des conseils de guerre qui vont siéger pendant quatre ans, continuent à ordonner des exécutions. Les communards qui n’ont pas réussi à s’échapper ou à s’exiler sont condamnés aux travaux forcés et déportés au bagne en Nouvelle Calédonie. Il faudra attendre 1880 pour que Gambetta fasse voter une amnistie à l’Assemblée Nationale. Et ce n’est qu’en 2016 que l’Assemblée nationale « proclame la réhabilitation des victimes de la Commune de Paris de 1871 ».

 

Quelques leçons de La Commune de Paris

 

La Commune s’inscrit dans une chaîne de révolutions. Elle en prolonge certaines, celles de 1789, de 1793, de 1830 et de 1848. Elle en annonce d’autres, celles de 1905 et 1917, en Russie, celle des épisodes de la révolution chinoise de 1917 à 1967, celle des années 1968, l’altermondialisme et la révolution des places à partir de 2011. En retour, chacune de ces révolutions renouvelle et permet de nouvelles compréhensions de ce que ne finit pas de porter la Commune. La référence à la Commune est extrêmement forte en mai 1968 à Paris. Le peuple parisien se soulève une fois encore et la ville se couvre de barricades. Dans le monde, entre 1965 et 1973, une vague de révolutions met en avant la démocratie sociale et politique.

 

A travers l’altermondialisme et les mouvements de 2011, les printemps arabes, les indignés, les occupy, les carrés rouges, les taksims, … ; une nouvelle génération expérimente de nouvelles formes d’organisation à travers la maîtrise des réseaux numériques et sociaux, l’affirmation de l’auto-organisation et de l’horizontalité. Elle tente de redéfinir, dans les différentes situations, des formes d’autonomie entre les mouvements et les instances politiques. Elle recherche des manières de lier l’individuel et le collectif. Dans le prolongement de la Commune et en passant par les mouvements des années 1968, l’engagement dans un mouvement relie les pratiques et les théories et redéfinit le collectif. Les rapports entre les mouvements sont fondés sur l’égalité et le respect de la diversité. L’engagement conduit naturellement à une réflexion sur la radicalité.

 

La Commune confirme l’entrée dans l’Histoire et la centralité de la classe ouvrière. La Commune construit à partir de la classe ouvrière un bloc social antagonique du capitalisme et de la bourgeoisie. Selon l’Association Internationale des Travailleurs (AIT), c’est le prolétariat qui peut et doit mener la lutte contre le capital parce que le prolétariat, dans sa lutte pour son émancipation, est porteur de l’émancipation de toute la société. La Commune démontre la capacité de la classe ouvrière à résister et à construire un bloc social porteur d’un nouveau projet de société.

 

L’altermondialisme a hérité et a encore beaucoup à apprendre de la Commune. Comment définir la centralité du mouvement ouvrier et les nouvelles formes de la classe ouvrière ? L’altermondialisme affirme la centralité des mouvements sociaux. La prolétarisation touche aujourd’hui toutes les couches sociales qui ne sont pas dominantes. Le mouvement altermondialiste héritera de la diversité des opinions et des formes de mouvements. Son unité résulte de l’antagonisme avec la mondialisation capitaliste dans sa phase néolibérale. La volonté est de construire un espace ouvert, diversifié, facilitant les alliances les plus larges ; elle doit aussi répondre à la nécessité d’un espace d’action, de formes d’organisation plus strictes et de parole politique plus affirmée.

 

La Commune est naturellement internationaliste. La 1ère Internationale, l’Association Internationale des Travailleurs (AIT), a contribué à la Commune et a été bouleversée par la Commune. La Commune de Paris hérite des formulations de l’AIT qui caractérisaient, à partir des analyses de Marx et d’Engels, le capitalisme comme un système mondial générant une crise structurelle permanente. Par conséquent estimaient-ils, le mouvement anticapitaliste devait être d’emblée international. L’internationalisme a été souvent confondu avec les internationales et les questions d’organisation et de partis. Déjà, La Commune avait amené Marx et Engels à revenir sur plusieurs aspects du Manifeste.

 

L’altermondialisme est par définition un internationalisme confirmé par le caractère de plus en plus dominant de la lutte contre la mondialisation. Les Forums sociaux mondiaux sont une recherche de nouvelles formes de l’internationalisme plus proches de la 1ère Internationale par la diversité des formes qu’elle regroupe que des internationales qui l’ont suivi caractérisées par un monopole des partis d’avant-garde. Le débat est aujourd’hui ouvert dans le mouvement altermondialiste sur les formes du mouvement : faut-il un espace ouvert, divers et multiple ou faut-il un espace d’action plus organisé et plus politique. Il faut probablement les deux, un forum ouvert d’une part, et une internationale plus organisée de l’autre. Là encore, comment construire les deux et quelle articulation entre les deux ?

 

La Commune est révolutionnaire et naturellement radicale. La Commune est un moment révolutionnaire extraordinaire. Une révolution est un moment de dépassement et d’invention. Tout paraît et devient possible. La légitimité l’emporte sur la légalité. L’Etat et ses institutions, la bureaucratie et la technocratie n’écrasent plus le quotidien. Bien sûr, on sait que l’affrontement avec les forces de l’ordre est inéluctable et la répression sera là ouvrant un espace de violence. Dans le cas de la Commune elle sera terrible. Les révolutions sont créatives et festives. Toutes celles et tous ceux qui ont vécu des moments révolutionnaires, pendant les luttes de libération, les années 1968, les mouvements des places, s’en souviennent. Elles et ils n’oublient pas la répression et les défaites, mais ils gardent le souvenir des dépassements, des moments festifs, des illuminations. Les artistes exprimeront ce moment ; la Commune a été un moment intense de création culturelle et artistique.

 

L’ouverture des possibles conduit à la radicalité des propositions, au sens du retour à la racine des questions. Ce ne sont plus les interdits qui l’emportent, c’est la pratique qui impose ses exigences. Les réponses et les propositions des communeuses et des communeux sont naturellement radicales. Leur premier décret décide la suppression de la police et de l’armée. L’enseignement devient gratuit. Les ateliers fermés sont remis aux associations d’ouvriers… Cette radicalité n’est pas une outrance, elle fonctionne comme une évidence. L’altermondialisme sans avoir été capable de se retrouver en position de pouvoir partage avec la commune cette recherche à travers les forums à des moments de libération festifs et créatifs. Il affirme qu’un autre monde est possible et nécessaire.

 

La Commune renouvelle le débat sur la stratégie révolutionnaire, sur l’Etat et sur la transition. La Commune a bouleversé les manières de penser la Révolution. Après la Commune, Marx proposera le dépérissement de l’Etat. Immanuel Wallerstein explicite : « Après beaucoup de discussion les internationales ont reconduit la stratégie de la bourgeoisie : créer un parti, pour conquérir l’Etat, pour changer la société ». Mais, un parti créé pour conquérir l’Etat devient parti-Etat avant même d’avoir conquis l’Etat et l’Etat ne suffit pas à changer la société.  Le débat porte aussi sur la nature de la transition. Le modèle du Grand Soir a été abandonné. La transition est un processus long et contradictoire. Les démarches alternatives participent au changement de société ; la bourgeoisie a été capable de faire émerger des rapports sociaux capitalistes sous le féodalisme. Les révolutions accélèrent les évolutions, elles ne sont pas alternatives au temps long.

 

L’altermondialisme est confronté à la question de la stratégie révolutionnaire et du rapport à l’Etat, à l’offensive du néolibéralisme cherchant à réduire les Etats à leurs fonctions régaliennes de police et de répression. La crise de la pandémie a mis en lumière l’importance des institutions, la nécessaire action publique et le rôle des services publics. La question nouvelle concerne l’hypothèse de l’épuisement du néolibéralisme et même du capitalisme ; elle interroge la nature des nouveaux modes de production possibles, peut-être inégalitaires, candidats à la succession du capitalisme. Cette hypothèse est renforcée par un élément nouveau considérable, celui de la crise écologique et notamment climatique.

 

La Commune a mis en évidence la question de la démocratie. Elle va réinventer les rapports entre le social et le politique. L’exigence première sera celle de la démocratie dans le travail ; l’affranchissement du travail et l’abolition des monopoles, des privilèges et de la bureaucratie. La démocratie sociale accompagne la démocratie économique avec la réquisition des logements vacants et la baisse des loyers, l’indication d’un salaire minimum dans les appels d’offres, … La Commune va mettre en avant la démocratie politique. Elle va définir la démocratie directe et l’autogouvernement avec le respect du suffrage universel, le contrôle des élus par la révocabilité, le mandat impératif et la délibération commune. Les fonctionnaires, les juges et les magistrats sont responsables et révocables. La Commune va jouer un rôle dans une avancée de la démocratie par l’émancipation des femmes. Les femmes vont imposer le droit de se battre et de nombreuses femmes, à l’exemple de Louise Michel, joueront un rôle fondamental et reconnu dans les évènements. Ce sera une étape dans la longue lutte des femmes pour l’égalité des droits. La démocratie concerne aussi les alliances de classe. Dès septembre 1871, l’AIT posera la question de l’alliance avec les paysans et adoptera une résolution sur les moyens d’assurer l’adhésion des producteurs agricoles au mouvement du prolétariat industriel.

 

La Commune met en place une démocratie territoriale qui relie fortement la population, le territoire et les institutions. Les courants radicaux du municipalisme trouvent leurs sources dans l’histoire révolutionnaire de la transformation d’une ville capitale en « Commune ». La référence part de la Commune de Paris mais ne s’y restreint pas. C’est le cas de Petrograd en 1917, Hambourg en 1923, Barcelone en 1937. Dans les années 1980, des pratiques d’autogouvernement à l’échelle communale seront proposées avec, notamment, le « municipalisme libertaire » de Murray Bookchin, l’expérience zapatiste des Chiapas, les budgets participatifs de Porto Alegre, …. Les questions écologiques et démocratiques sont mises en avant. Depuis 2011, « le mouvement des places » renoue avec les occupations et ouvre une nouvelle phase du municipalisme.

 

L’altermondialisme propose de construire une alliance stratégique entre les institutions locales et les mouvements sociaux et citoyens pour renouveler l’action politique. L’impératif démocratique nécessite une réinvention du politique. La méfiance des citoyens est considérable ; elle remet en cause les formes représentatives et délégatives. La question démocratique concerne toutes les sociétés, à toutes les échelles, locales, nationales, mondiales. Elle concerne aussi les mouvements et le Forum Social Mondial. On retrouve cette question dans l’appréciation des tentatives de gouvernements progressistes. Comment concilier une transformation sociale et écologique radicale avec une démocratie réelle ? Comment définir des rapports démocratiques entre mouvements, partis et gouvernements ? Les formes du politique sont interpellées. Il est urgent de réinventer les rapports entre les « formes mouvements » et les « formes partis ». Les mouvements doivent définir le rôle politique qu’ils peuvent jouer. Les partis doivent abandonner leur prétention d’avant-garde destinées à diriger les mouvements. A ces conditions, les partis, en tant que mouvements, pourraient trouver leur place dans les Forums Sociaux Mondiaux.

 

La Commune de Paris et la nouvelle chaîne des révolutions. Dans le rapport entre le social et le politique, la 2ème internationale, avec Rosa Luxembourg et Lénine, va élaborer une nouvelle dimension avec la prise en compte de l’impérialisme. La nouvelle chaîne de révolutions va associer, aux formes reconnues du social et du politique, les luttes de libération nationale. L’orientation stratégique pour les droits humains va s’élargir dès 1848 aux droits des peuples ; il restait à prendre en compte la décolonisation. A Bandung en 1955, à la rencontre des premiers Etats indépendants, Chou en Lai déclarera : « les états veulent leur indépendance, les nations leur libération, les peuples la révolution ». Après la deuxième guerre mondiale, la décolonisation devient une question essentielle.

 

A partir de 1980, une nouvelle phase du capitalisme est imposée avec la mondialisation néolibérale à travers la crise de la dette et les plans d’ajustement structurel. Le mouvement altermondialiste est le mouvement anti-systémique du néolibéralisme. La crise financière de 2008 montre les limites du néolibéralisme. Le capital financier et les entreprises multinationales, imposent un tournant austéritaire (austérité et autoritarisme). La violence des affrontements et la prise de conscience de la radicalité nécessaire redonnent une actualité à la Commune de Paris. Au Forum social de Belém en 2009, les propositions mises en avant sont la socialisation de la finance et les formes d’autogouvernement. Les notions mises en avant sont : les communs, le buen vivir, la démocratisation de la démocratie. Le mouvement paysan, la Via Campesina, se définissant comme travailleur paysan, propose l’agriculture paysanne, le refus des OGM, la souveraineté alimentaire. Les mouvements des femmes, écologiques et des peuples autochtones ont mis en avant la lutte contre les discriminations et la nécessaire réinvention des rapports entre l’espèce humaine et la Nature.

 

Le capitalisme en crise est toujours plus offensif. Il cherche à subordonner encore plus le travail par le recours aux nouvelles technologies, notamment le numérique. Il accroît les inégalités, avec les revenus inimaginables des plus riches, d’un côté, la pauvreté et la misère, de l’autre. Il refuse de prendre en compte la crise écologique, notamment l’urgence climatique, renforcée par la crise pandémique. Il résiste à la revendication d’égalité portée par les droits des femmes. Après la première phase de la décolonisation, celle de l’indépendance des Etats, il résiste à la deuxième phase celle de la libération des nations et des peuples. Il refuse de voir que les discriminations et les racismes sont, aujourd’hui, les conséquences meurtrières de la décolonisation inachevée.

 

La nouvelle chaîne de révolutions définit la nécessaire transformation : sociale, contre les inégalités ; écologique, pour de nouveaux rapports entre l’espèce humaine et la Nature ; démocratique, pour le respect des libertés individuelles et collectives ; géopolitique contre les formes de domination. Le nouveau bloc social antagonique du néolibéralisme et du capitalisme est formé par l’alliance des mouvements : le mouvement ouvrier, toujours central, le mouvement paysan des producteurs agricoles comme l’avait défini l’AIT après la commune, le mouvement écologiste, le mouvement des femmes en lutte contre des rapports millénaires, le mouvement contre les discriminations et les racismes et pour la dignité, le mouvement des peuples autochtones.

 

L’œuvre de la commune contredit l’affirmation de tous les pouvoirs qui prétendent qu’il n’y a pas d’alternatives. Il y a des alternatives ! Un autre monde est possible et nécessaire ! C’est pourquoi, on ne peut pas parler de l’échec d’une révolution sans l’inscrire dans un processus. Peut-on parler d’échec de la Commune ? Peut-on imaginer qu’un seul événement se traduise par un changement complet, capable de conclure l’Histoire. Certes la Commune s’est terminée par une répression féroce et sanglante ; mais avec tout ce qu’elle a révélé, inventé, projeté, elle a révélé des nouveaux possibles sur les chemins de l’émancipation.

 

28 mars 2021

 

 

La versión originale, plus longue, de cet article se trouve ici :

https://www.cahiersdusocialisme.org/lactualite-de-la-commune-de-paris-et-laltermondialisme/

 

 

 

Bibliographie

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Ludivine Bantigny, La Commune au présent, Ed La Découverte, 2021

Daniel Bensaid, Inventer l’inconnu, autour de La Commune, Ed La fabrique, 2008

Stathis Kouvélakis, Karl Marx et Friedrich Engels, Sur la Commune de Paris, Ed Sociales, 2021

Henri Lefebvre, La Proclamation de la Commune, Gallimard 1965, La Fabrique 2018

Prosper-Olivier Lissagaray, L’histoire de la Commune de 1871, (1876) La Découverte, 2004

Karl Marx, La Guerre civile en France, (1871), Ed Mille et Une Nuits, 2007

Gustave Massiah, L’AIT et le mouvement altermondialiste, Plateforme altermondialiste, Québec, 2017

Louise Michel, La Commune, Ed la Découverte 2015

Elie Reclus, La Commune de Paris au jour le jour, Ed Seguier, 2000

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Jacques Rougerie, La Commune de 1871, PUF - Que sais-je ?  2014

Immanuel Wallerstein, 1968, Revolution in the World System, New Press, New York, 2000

Wikipédia, articles sur La Commune de Paris

 

 

https://www.alainet.org/de/node/212018
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