FSM 2004
La mondialisation et ses alternatives
20/01/2004
- Opinión
organisé par le Forum Social Mondial présidé par Muto Ichio (PP21
Movment, Japon) et Satu Hassi (Député verte au Parlement finlandais)
avec pour intervenants : D. Raja, secrétariat national du Parti
Communiste de l'Inde, Walden Bello (Focus on a Global South,
Thaïlande), Wolfgang Sachs (Wuppertal Institute, Allemagne), Michael
Albert (Z Magazine, Etats-Unis) et Georges Mondio, (Ecrivain et
journaliste, Grande-Bretagne).
En introduction au débat, Muto Ichio explique que si un autre monde
est nécessaire, il n'est pas encore démontré qu'il est faisable. Si
beaucoup dans l'assistance ont pensé ou pensent encore, que le
socialisme est l'alternative dont nous avons besoin, les problèmes
nouveaux posés par la mondialisation et l'échec des " socialismes
réellement existants " conduisent à reposer la question des
alternatives de pour prouver qu'un autre monde est possible. Il
invite le premier orateur, D. Raja du parti communiste de l'Inde, à
se pencher sur ces questions.
En réponse, D. Raja explique que la première étape pour passer du
débat à l'action est de reconnaître que la mondialisation est le
nouveau visage de l'impérialisme, déjà annoncé par Marx et Lénine,
dans le but de recoloniser le Tiers-Monde. L'affaiblissement de
l'Etat, la dérégulation, les privatisations et la remise en cause
des droits des travailleurs sont les instruments de ce nouveau
colonialisme. Faisant référence à la situation indienne, cette
recolonisation s'accompagne sur le plan politique d'un basculement
en faveur de la droite, d'une montée du fascisme et du sectarisme
religieux. Cette évolution aggrave la pauvreté. Selon la Banque
Mondiale, 52,3% des indiens ont un revenu journalier de 1 dollar par
jour et 88,8 % un revenu inférieur ou égal à 2 dollars par jour. Il
conclut en réaffirmant que la perspective socialiste reste la seule
alternative.
Wolfgang Sachs, du Wuppertal Institute, se présente comme militant
environnementaliste et avance quatre propositions :
1.S'attaquer au développement économique et pas seulement à la
mondialisation. Le développement transforme le monde en poubelle. Or
la globalisation a pour projet d'étendre le développement économique
à l'ensemble de la planète. La croissance est la raison d'être de la
globalisation. Or, la plupart des réalisations du développement
économique sont de pures illusions d'optique. Nous avons perdu des
terres arables, l'eau pure, l'air pur… Mais la fête touche à sa fin
car l'économie consomme plus de ressources qu'elle n'en crée. Il n'y
a pas d'échappatoire à cette conclusion : les pays du Sud ne peuvent
pas suivre ceux du Nord.
2.Réduire l'empreinte écologiste des pays riches. 20% de la
population utilisent 80% des ressources mondiales. Il n'y aura pas
d'équité dans le monde si nous ne réduisons pas la consommation des
ressources. Il est crucial d'inventer de nouvelles formes de bien
être qui puissent être démocratisées. Or la globalisation crée des
obstacles à cette démocratisation et c'est pourquoi nous nous y
opposons.
3.Mettre l'environnement au-dessus des lois du commerce. Il existe
un corps de lois défini par l'Organisation Mondiale du Commerce qui
est en contradiction avec le corps de lois qui régit l'environnement
et le corps de lois qui définit les droits de l'homme. Faire passer
la législation environnementale avant la législation du commerce
aurait l'effet suivant : l'OMC pourrait considérer que le refus des
Etats-Unis de signer le protocole de Kyoto et le traité sur la
biodiversité constitue des subventions commerciales illégales.
4.Mettre les droits de l'Homme au-dessus des lois du commerce. Dans
la même logique, il développe l'idée que les droits de l'homme
devraient être placés au-dessus du droit commercial.
Il conclut en citant Gandhi : " Il y a assez pour satisfaire les
besoins de chacun, mais pas assez pour satisfaire la voracité de
chacun ".
Walden Bello, (de l'organisation " Focus on a Global South ", basée
en Thaïlande), intellectuel philippin et militant célèbre de
l'altermondialisme, commence son intervention sur une tonalité
optimiste : l'empire est en crise. Une crise de légitimité et une
crise institutionnelle. Et ceci est le résultat de notre activité
militante. C'est pourquoi nos adversaires contre-attaquent en nous
accusant d'être des nihilistes. Ce que nous ne sommes pas. Nous
avons des alternatives. Nous en avons discuté, nous les avons
partagées. Mais quand la Banque Mondiale nous demande quelles sont
nos propositions alternatives, c'est pour mieux les rejeter en
déclarant qu'elles ne sont pas efficaces. Bien entendu, nos
propositions alternatives ne sont pas centrées sur un principe
d'efficacité. Ce n'est pas le genre d'alternatives que nous offrons.
Nous voulons offrir des alternatives effectives basées sur
l'économie soutenable dont la finalité est de libérer l'être humain
et non pas de le transformer en consommateur. Comme Karl Polanyi,
nous voulons placer le marché sous l'hégémonie de nos valeurs. Les
propositions alternatives qui pourraient faire consensus sont les
suivantes :
Redistribuer les revenus et la terre.
Abandonner la priorité accordée aux exportations et recentrer
l'économie sur le marché domestique revitalisé grâce à la
redistribution des richesses.
Adopter un développement soutenable préservant l'environnement.
Placer les entreprises privées et l'Etat sous la surveillance de
la société civile.
Construire un " complexe économique " qui englobe les entreprises
privées, les entreprises publiques et les coopératives mais qui
exclut les firmes multinationales.
Par ailleurs nous devons réformer la gouvernance mondiale en
décentralisant les institutions internationales.
Le pouvoir de la Banque Mondiale, du FMI, et de l'OMC doit être
réduit à presque rien. On doit envisager de les démanteler, ou, dans
le meilleur des cas, les transformer en institutions de recherche
sans pouvoir de décision.
Renforcer la coopération régionale et les entités régionales :
Mercosur (Marché Commun Sud américain), ASEAN (Association du Sud
Est Asiatique) et autres, et les orienter vers la satisfaction des
besoins sociaux.
Renforcer le rôle des agences des Nations-Unies comme la
Conférence sur le Commerce et le Développement (CNUCED),
l'Organisation Internationale du Travail (OIT), et les divers fonds
écologiques.
Une gouvernance plus pluraliste, composée d'institutions de taille
moyenne dont le pouvoir peut s'équilibrer mutuellement laisserait
plus d'autonomie aux Etats pour concevoir des politiques nationales
autonomes correspondant à leurs besoins.
Walden Bello résume sa pensée en avançant l'idée de déglobalisation.
Il précise tout de suite que déglobaliser ne signifie pas
déconnecter l'économie internationale. Il s'agit au contraire de
faire en sorte que l'internationalisation renforce les pays au lieu
de les affaiblir.
Michael Albert, directeur de Z magazine et agitateur célèbre aux
Etats-Unis commence son exposé là où s'était achevé celui de Walden
Bello. L'internationalisme est l'alternative à la globalisation.
Nous voulons échanger et partager les richesses avec les pauvres des
pays du Sud.
Nous voulons abolir les institutions de Bretton Woods et les
remplacer par de nouvelles.
Puis il ajoute que la pauvreté, omniprésente en Inde, n'est pas
seulement la conséquence de la globalisation, mais est aussi le
produit du capitalisme. La preuve en est que les Etats-Unis qui
profitent de la mondialisation ont beaucoup de pauvres.
Si nous voulons stopper les institutions de Bretton Woods, nous
devons les stopper à la source : le capitalisme. Que voulons nous
faire de mieux que le capitalisme ?
Nous voulons une économie qui promeuve la solidarité. Nous voulons
une économie qui défende nos valeurs et célèbre la diversité.
Nous voulons une économie qui récompense les gens équitablement. Les
travailleurs doivent être rémunérés en fonction de la pénibilité de
leur travail et non pas en fonction de leur pouvoir ou de leur
propriété.
Nous voulons une économie autogérée. Nous devons changer la division
du travail. Chacun doit pouvoir occuper un emploi enrichissant et
chacun doit prendre sa part des travaux inintéressants et pénibles.
Nous voulons une économie soutenable.
La plupart des gens sont d'accord avec cela mais demande
immédiatement s'il existe une forme de société qui rende cela
possible.
Oui, si l'on élimine le marché et qu'on lui substitue une
planification participative de l'économie.
S'agit-il du socialisme ?
Oui, si l'on respecte les critères précédemment définis. Non, s'il
s'agit du socialisme qui a existé.
Georges Mondio, écrivain britannique est le dernier orateur.
Il commence par évoquer la situation politique au Brésil. Le
président Lula finit par faire comme les autres. Le FMI et la Banque
Mondiale lui avaient dit : " vous pouvez aller jusque là, mais pas
plus loin. Vous ne pouvez pas répondre aux besoins de votre
peuple ".
C'est pourquoi nous devons nous débarrasser du FMI et de la Banque
Mondiale. Et pour cela, il ne suffit pas de penser globalement et
d'agir localement. Il faut aussi agir globalement en élisant un
parlement mondial au suffrage universel direct.
Le forum social mondial n'est pas une institution démocratique. Il
est composé majoritairement d'un groupe choisi d'individus, avec un
passeport et des revenus. Par contre le forum social mondial est
légitime. James Wolfenson, président de la Banque Mondiale, a
supplié à genoux pour venir au précédent forum mondial parce qu'il y
recherchait la légitimité dont il était dépourvu. Bien entendu, les
organisateurs l'ont envoyé promener. Un parlement mondial serait
légitime mais aussi démocratique. Les Nations-Unies d'aujourd'hui ne
peuvent incarner ce parlement mondial. Pour commencer, le conseil de
sécurité doit être aboli. Mais il faut plus. L'Inde ne peut être
mise sur un pied d'égalité avec les Seychelles. Il faut doter les
pays d'un droit de vote proportionnel à la taille de leur
population.
Il faut mettre en place la chambre de compensation mondiale
souhaitée par Keynes en 1944 à Bretton Woods. Elle obligerait les
pays dont le commerce est excédentaire à financer les pays dont le
commerce est déficitaire. Les pays ne seraient plus obsédés par la
compétitivité et les pays déficitaires ne seraient plus enchaînés à
la dette.
Il faut une nouvelle institution chargée du commerce équitable.
Comment y parvenir ?
Nous sommes puissants. Ce sont nos adversaires qui renforcent notre
pouvoir.
Si tous les pays endettés s'unissaient, ils disposeraient d'une
puissance inégalée et pourraient en finir avec la dette. Le FMI
répand contre lui la haine qui permettra de le renverser. Il en est
de même pour Monsanto. Internet, créé à la demande du Pentagone nous
permet de lutter et d'organiser le forum mondial.
Et de terminer par une conclusion volontairement provocatrice :
Notre tâche est de capturer la mondialisation pour la mettre à
notre service.
* Bruno Jetin. Attac France.
http://www.france.attac.org/a2382
https://www.alainet.org/es/node/109218
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