Le Venezuela dans la ligne de mire

02/09/2007
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Retour du Venezuela et à la routine de ces terres méditerranéennes, l’image de ce pays tropical joyeux et créateur m’interpelle face à des informations rencontrées ici, dans les média internationaux et locaux, traitées à mon avis avec un fort accent politiquement morbide, parfois même, sans lien avec la réalité, et même lui tournant le dos.

Cette réalité, je prétends la commenter à partir de cette nécessaire et toujours difficile prudence qu’exige le respect des gens. L’enjeu est ici considérable ; puisqu’il s’agit pour les Vénézuéliens de relever démocratiquement leur pays ; les uns en soutenant le gouvernement, les autres se situant dans l’opposition démocratique.

Le poids d’une démocratie discréditée

L’histoire de la démocratie au Venezuela est pleine d’évidences sur la pratique erronée de l’acte de gouverner. Le mépris affiché envers les majorités sociales par une minorité bureaucratique aisée, ignorante des réalités du pays et manipulant démagogiquement et sans scrupules le pouvoir et les ressources qui lui avaient été confiées a appauvri la vie de la nation. Nombreux sont les vénézuéliens qui sont actuellement préoccupés et doutent. Ils ne se contentent plus des beaux discours ; l’histoire leur a montré que le modèle de démocratie qui s’est implanté là, a dégénéré, a dévié vers l’abus, la corruption, le mensonge et le vol effronté ; tout cela sous le couvert des élections.

Avec l’arrivée à la présidence de l’ex militaire Hugo Chavez, se pose à nouveau la question du modèle de république et de gouvernement dans le pays, avec une proposition clairement radicale, en tenant compte des « normes » en vigueur jusqu’ici. Dans ce contexte, les partis traditionnels perdent leur influence sociale, et par conséquent électorale. Pendant ce temps, les populations des quartiers pauvres des villes et des villages, des communes rurales, à travers tout le pays, comprennent le langage du nouveau leader, et ont l’intuition qu’enfin, un gouvernement leur sera favorable. L’espérance et l’utopie prennent du sens.

Dans le même temps, et en réaction au même discours, d’autres secteurs de la société, maîtres des finances, des affaires, patrons de l’enseignement privé, ainsi que la hiérarchie de l’Eglise Catholique, qui traditionnellement avaient partagé le pouvoir ou ses prébendes, à tour de rôle, dans les gouvernements précédents, comprennent que le discours politique le plus influent dans le pays, ne correspond pas à leurs intérêts. Celui-ci s’écarte dangereusement de ce qui jusqu’ici, avait été le modèle de la répartition inégalitaire des richesses. Est donc venue l’heure de la conspiration et de la manipulation.

Si l’on passe en revue la presse en cherchant à se rappeler les informations transmises par la télévision sur le Venezuela ces dernières années, on observera que la ligne informative a consisté systématiquement à placer le gouvernement vénézuélien dans la ligne de mire de l’opinion publique et les « démocraties » et utilisant à ces fins, entre autres contenus d’intérêt public supposé, le modèle de démocratie, l’image publique très particulière du président Hugo Chavez et les excellentes relations que celui-ci entretient avec le Président cubain Fidel Castro, en intercalant des images des démêlés entre le président du Venezuela et celui des Etats-Unis, George W Bush.

Le rôle des « mass média »

Malgré le changement du modèle de démocratie au Venezuela, cette minorité qui a spolié le pays, aujourd’hui, apparemment écartée du pouvoir, ne faiblit pas quant à sa soif de pouvoir et de richesse facile. La virulence avec laquelle elle a réagi à la décision gouvernementale de ne pas renouveler la licence de Radio Caracas Télévision (RCTV) prend toute sa place dans cette phénoménologie du jeu des pouvoirs, mais avec un élément nouveau : l’Etat et son rôle souverain consistant à protéger ce qui appartient à tous les vénézueliens.

Les informations qui nous parviennent de toutes les parties du monde sont issues des média de communication possédant leurs sources propres ou contractuelles, élaborées et transmises selon leur ligne éditoriale. Nonobstant les tentatives de le déguiser ou de se dénier, ces média sont alignés sur des philosophies répondant à des modèles de société, et par conséquent, à des modèles politiques. Seuls quelques média, qui sont autant d’honorables exceptions, semblent réaliser des efforts professionnels dans le but d’orienter leur travail vers une information conforme aux faits, s’attachant à leu véracité, tout en assurant leur interprétation et leur analyse avec prudence.

Le traitement qu’une grande partie des « mass média », majoritairement entre les mains du privé, accorde aux faits et évènements de portée internationale, a beaucoup à voir avec le fait que ladite information soit conforme ou non aux intérêts et stratégies des puissances dominantes dans cette zone géographique, en l’occurrence le gouvernement des Etats-Unis d’ Amérique. Ce point très important doit être présent à l’esprit quand on veut comprendre ce qui se passe au Venezuela, et très souvent en Amérique Latine, dans les pays d’Afrique, d’Asie, du proche et du Moyen-Orient. Il s’agit là d’un « jeu » de stratégies pour et par le Pouvoir.

J’estime que quiconque doué du sens commun et d’un certain degré d’indépendance intellectuelle, qui s’intéresse à son pays, ne manquera pas de se rendre compte que ce jeu existe à cause des différentes questions qui mobilisent les secteurs de pouvoir, chacun guidé par des intérêts différents et parfois opposés. Ce jeu est également présent dans la réalité actuelle du Venezuela, principalement au plan politique. Nous assistons au même phénomène en Espagne entre moyens de communication, entre la droite et la gauche, et entre les pays d’Europe.

Il est notoire que la majorité des « mass média » répondent à des stratégies de « familles » puissantes qui dominent la technologie ainsi que d’autres champs du développement dont l’usage leur permet d’atteindre la population, de pénétrer dans les foyers, de se connecter avec les gens, par le biais de programmations dans lesquelles la fantaisie l’emporte sur la réalité. Ces programmations sont orientées vers la ruse comme vertu, l’égocentrisme individualiste et à la sensibilité émotive. Programmes au langage pauvre, remplis de comédie vulgaire et pamphlétaire, assorties d’une propagande répétitive qui exalte le luxe, la vie facile, la race blanche, l’argent comme objectif, l’alcool, le succès facile, la femme comme symbole sexuel…

Le poids d’une prorogation non accordée

Les « espaces informatifs » soigneusement présentés aux heures de grande écoute, sont traités méticuleusement par les moyens de communication, car par la sélection des informations et la façon de présenter et d’interpréter les faits, ils parviennent à faire prendre « leur » vérité pour la vérité. C’est ainsi qu’ils génèrent le moule d’une opinion publique sur les faits, les situations, les mots, les priorités, les valeurs personnelles, sociales et aussi politiques.

Par un acte administratif, le gouvernement vénézuelien décide qu’à l’expiration de la date de la licence accordée à l’entreprise «1 Broadcasting Caracas » (1BC) propriétaire de Radio Caracas Télévision (RCTV), l’usage de l’espace radioélectrique ouvert ne sera pas reconduit (prérogative de tous les états du monde sur leur espace radioélectrique) étant entendu que la non prorogation de cette licence ne signifie absolument pas la fermeture du canal, ni la paralysie des activités éditoriales. De fait, cette entreprise émet par internet, elle peut également le faire par le câble ; elle fait des programmes, dispose pleinement de ses émetteurs radio, édite ses publications comme n’importe quelle autre entreprise de communication privée dans le pays. Dans l’espace radioélectrique libéré par RCTV transmettra désormais TVes (Télévision Venezuela Social) entreprise publique autonome genre BBC de Londres. Ignacio Ramonet a salué dans le « Monde Diplomatique » la sortie de TVes comme une mesure « au service de la vérité, de la Culture, de l’éducation et du pluralisme ».

Par un acte conforme à la légalité, et en vertu de son droit souverain, le gouvernement du Venezuela a informé 6 mois avant la date d’échéance légale, du non renouvellement de l’espace radioélectrique national au canal de Télévision RCTV. Jusqu’à ce jour, l’explication du gouvernement vénézuelien n’a été contestée formellement ni légalement par quiconque….excepté par IBC.

Lorsque l’on fait une lecture apaisée des évènements qui se sont produits dans ce pays ces dernières années et que l’on observe les mouvements qui se manifestent là, on ne peut manquer de relever des éléments qui portent à penser, que derrière cet acte administratif, légal et souverain, il y a quelque chose de plus. On perçoit un arrière plan hautement significatif qui pourrait se référer au modèle et au contenu de la programmation télévisée, d\'un côté, et de l\'autre, avec le coup d’État perpétré en l’an 2002 contre le gouvernement démocratiquement élu. (Traductión: Edouard Jean-Élie, révisée par ALAI).

Version abrégée. Le texte complet en espagnol se trouve ici: http://alainet.org/active/19163.

https://www.alainet.org/es/node/122976
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