Dette publique des pays en développement et prêts « subprimes » :
Hold up chez les populations du tiers et du quart monde
05/11/2007
- Opinión
La titrisation des subprimes est la dernière invention de la finance internationale pour faire des profits avec le travail des classes pauvres. Les « subprime mortgages » sont des crédits hypothécaires à risques, typiquement étasuniens. La banque ayant obligé l’emprunteur à mettre sa maison en garantie de son remboursement, 2 à 3 millions de foyers américains sont en train de perdre leur bien à la suite de la montée du taux directeur du trésor, de la baisse du marché de l’immobilier et des clauses contractuelles dignes de l’usure. Plus ancienne méthode d’enrichissement et toujours active depuis 25 ans, la dette publique des PED (pays en développement) correspond à des prêts, généralement à long terme, faits aux états du sud par les grandes banques, les gouvernements des pays riches ou les institutions financières internationales BM et FMI. Suite à la crise de 1982, conséquence de la violente montée des taux états-uniens de 1979, elle est une cause essentielle dans l’appauvrissement de la moitié des habitants de la planète obligée de survivre avec moins de 2 dollars par jour. Par contre les flux continus d’argent du sud vers le nord, au titre du remboursement de la dette, vont considérablement enrichir la finance internationale et les pays industrialisés. Ce que certains perdent, d’autres vont le gagner. L’APD (aide publique au développement) restera constamment très insuffisante face à ce déséquilibre constant des flux financiers en défaveur des pays pauvres.
Les similitudes entre ces deux drames financiers sont multiples, elles concernent aussi bien : les populations qui subissent, les courtiers - ceux qui placent les prêts - avec les techniques et les mensonges utilisés pour convaincre les emprunteurs, les risques incroyables pris par les banques et le système financier pour des bénéfices démesurés, la mise en danger de l’économie planétaire, le sauvetage par les banques centrales ou le FMI - donc par l’argent public - quand la conjoncture se retourne, les conditionnalités imposées par le préteur lui offrant une domination totale sur son débiteur en cas de défaillance.
Qui paient ces dettes ?
Aux Etats-Unis, la grande majorité des prêts a été accordée à des populations latinos ou afro-américaines, les plus fragiles et les plus pauvres, les plus faciles à attirer avec des offres mirobolantes : des taux très bas et des remboursements très faibles au départ. Souvent peu cultivées, parfois analphabètes, généralement mal logées, elles sont évidemment hypnotisées par le rêve consumériste américain. La maison individuelle en est l’emblème. Le plus souvent incapables de lire ou de comprendre l’impact sur leur futur des clauses des contrats, elles sont des proies idéales pour les chasseurs de profits faciles. Dans les années 1960 et 70, les pays nouvellement indépendants d’Afrique et d’Asie, les pays d’Amérique latine avaient de forts besoins financiers pour leur reconstruction et leur développement. Eux aussi ont été fascinés par le miracle matérialiste occidental. Leurs dirigeants se sont laissés bernés, mais surtout corrompre, par des prêts aux conditions tellement favorables. Là aussi ce sont les populations latinos, indos-américaines, africaines et asiatiques qui ont été touchées. C’est leurs forces de travail et leurs impôts qui ont été utilisés et le sont encore aujourd’hui pour payer ces emprunts si peu, ou pas du tout, investis dans le développement de leur pays. A partir de 1982, les nouvelles dettes ont servi le plus souvent à rembourser les premières. Depuis 25 ans, beaucoup de ces pays consacrent 40% de leurs maigres revenus, donc du budget de l’Etat, au remboursement de la dette extérieure publique.
Les courtiers : techniques et mensonges pour convaincre les emprunteurs
La courroie de transmission sera dans les 2 cas ce fameux courtier. Celui qui place les emprunts, qui séduit le client en l’appâtant avec des bobards et en lui cachant non seulement les vrais risques, la variabilité des taux, mais surtout les clauses impliquant la montée vertigineuse des remboursements dès la 3ème année et pendant les 27 à venir pour les prêts « subprimes ». Celui qui gagnera beaucoup d’argent sur chaque contrat signé, quelque soit le risque de faillite de l’emprunteur. L’argument choc étant que la montée des prix de l’immobilier permettra à l’emprunteur de revendre son bien et de retomber sur ses pieds en cas de difficultés de remboursement.
En Afrique, Asie ou Amérique latine, les dirigeants étaient souvent des dictateurs. Ils seront les véritables courtiers de leurs populations respectives. En se laissant corrompre, en détournant une grande partie des prêts au vu et au su du prêteur, ils ont su faire accepter ou plus simplement imposer ces emprunts à leur population. Soit ils ne donnaient pas les éléments d’information suffisants pour comprendre et suivre l’utilisation des prêts, soit l’emprunt était contracté, et en partie détourné à l’abri des regards, au fond des palais dorés. Ils ont privilégié leur profit immédiat et personnel sur celui de la population de leur pays pour le plus grand bénéfice des préteurs et de leurs commanditaires. Ce sont les impôts des paysans et autres petits producteurs non informés - le fruit de leur travail - qui sera exporté par le pays emprunteur au titre du remboursement de la dette. Mensonges et opacités des courtiers sont des marques de fabrique de la pauvreté des populations fragiles ici et là-bas.
Les risques incroyables pris par le système financier pour des bénéfices démesurés
Le premier rôle est tenu par les banques. Dans les deux cas elles disposent de liquidités considérables et sont à la recherche d’emprunteurs. En 2005-2007 les banques sont très riches, les transnationales dont elles sont les grands actionnaires font des profits vertigineux, elles sont éminemment prêteuses. Les taux sont bas, les potentiels immenses. Les banques américaines n’hésitent pas à faire des prêts immobiliers à des clients quasi insolvables. Le taux de départ ridiculement bas, sera, après les 2 premières années, exagérément élevé. Si le niveau du « prime rate » monte, du fait de la clause de variabilité et d’indexation, et que, du même coup le prix de l’immobilier se stabilise ou baisse, l’emprunt sera difficilement remboursable. La maison devenant invendable au prix espéré, ce sera la faillite de l’acheteur endetté.
Par la magie de la technologie financière, la titrisation, - le regroupement des créances immobilières en paquets et l’émission de titres négociables représentant ces paquets - les banques revendent ces créances improbables, mais avec bénéfices, sur le marché des actions. Les investisseurs, à la recherche de profits exceptionnels, ne peuvent pas toujours en évaluer les dangers. Après la vente de ces créances titrisées, les risques sont externalisés et dilués dans l’ensemble de la planète financière. Les banques peuvent alors s’engager sans risques apparents à prêter à de nouveaux emprunteurs insolvables (les « ninja » : no income, no job, no asset) au-delà de tous les critères de la soit disant « bonne gouvernance ». Car, pour que la chaîne des profits issus des « subprimes » fonctionne sans cassures, il faut l’approvisionner en permanence avec de nouveaux acheteurs quelque soient leur solvabilité.
En 60-70 les caisses des banques internationales ont été remplies, une première fois par le retour des dons américains du Plan Marshall après la reconstruction de l’Europe et une deuxième fois par le retour des avoirs des producteurs de pétrole après la montée vertigineuse des prix décidée par l’Opep en 73. Le métier d’une banque étant de prêter et non de thésauriser, quel meilleur argument pour convaincre l’emprunteur que des taux très bas. Mais comme pour les « subprimes », ils seront variables et indexés sur le « prime rate » : ce taux fixé par le trésor américain pour le refinancement des banques. Le taux de l’inflation monétaire - la perte de valeur de la monnaie - sera parfois supérieur au taux nominal des prêts. Une situation qui sera favorable aux pays emprunteurs jusqu’au début 80. Pourtant, les banques prêteront largement au-delà de leurs fonds propres, prenant des risques inouïs. Elles ne chercheront pas plus à savoir si les pays seront solvables jusqu’au terme des contrats.
La mise en faillite des pays pauvres dans le premier cas et des pauvres du pays le plus riche dans l’autre
Lorsque les Etats-Unis décident unilatéralement de multiplier en 1979 le taux de refinancement des banques, le « prime rate », par 4, pour casser la perte de valeur du dollar et faire rentrer les capitaux étrangers dans leur pays, ils entraînent le renchérissement des remboursements de la dette extérieure des pays en développement dans les mêmes proportions par l’effet de la variabilité et de l’indexation. Ces derniers, ne pouvant plus payer, font appel au FMI, en dernier recours, qui, impose alors en échange de son aide des conditionnalités ultralibérales appelées PAS (plans d’ajustement structurel).
Le piège de la dette vient de fonctionner. Les pays en développement empruntent pour rembourser une dette devenue impayable pour cause de force majeure (imprévisible extérieure et irrépressible). Ces dettes ne sont plus légitimes, elles n’avaient juridiquement pas à être remboursées : les clauses du contrat d’origine étant devenues trop différentes. A celles-la, il faut rajouter les dettes « odieuses » : celles correspondant aux prêts faits aux dictateurs. Et pourtant les pays et leurs contribuables paieront et payent encore aujourd’hui. Le résultat a été la paupérisation de la grande majorité des populations de ces pays et la mort par malnutrition et maladie pour beaucoup.
En 2007, la même cause, la montée des taux américains provoque mécaniquement le renchérissement des mensualités des emprunteurs « subprime ». Les nouveaux acheteurs se font rare, les « Ninja » commencent à tomber en faillite. A la fin de la 2ème année, les remboursements sont trop lourds - le prix de l’immobilier surévalué retombe, les maisons sont invendables et c’est l’ensemble de la chaîne des créances subprimes titrisées qui s’écroule. Des millions de foyers américains vont se retrouver dépossédés de leur maison. Dans les deux cas c’est l’ensemble de la planète financière qui se met à tanguer dangereusement et les populations les plus fragiles qui subissent les pertes et paient la facture.
Le sauvetage par les banques centrales ou le FMI, donc par l’argent public, quand la conjoncture se retourne : la mise en danger de l’économie planétaire
Sans les apports d’argent détenu par les instituions publiques ou internationales, le système financier se serait très probablement écroulé sur lui-même dans les 2 cas. Résultat, ce sont d’abord les banques, engagées bien au-delà de leurs fonds propres, qui seront sauvées en 1980. C’est l’ensemble du système financier international qui évite la faillite du même coup grâce à l’argent public détenu par le FMI. Ce dernier impose que les banques soient remboursées en premier. Le développement des pays en grande difficulté, lui, attendra. En 2007, c’est de nouveau le système financier international qui échappe à la catastrophe grâce aux injections monétaires des banques centrales à New York comme à Francfort ou à Tokyo. Des centaines de milliards de dollars et d’euros ramènent un peu de la confiance perdue dans un système financier aveuglé par les reflets de ses faux diamants. Les pauvres, ceux qui auront perdu leur maison dans ce jeu de dupe, passeront leur tour, pas de chance.
Les conditionnalités imposées par le préteur lui offrant une domination totale sur son débiteur en cas de défaillance
Alors que ce sont des décisions financières extérieures aux pays en développement qui créent le problème de solvabilité, le FMI va imposer que les budgets des pays emprunteurs soient élagués au plus court. Les plans d’ajustement structurels, la lutte contre la pauvreté, les annulations de dette, l’APD, les OMD, n’y changeront rien, ou si peu, car elles permettront à un système injuste, immoral et inhumain de perdurer. Ce sont les populations innocentes qui vont perdre leurs services publics, santé, éducation, infrastructures. En plus elles subiront la libéralisation à marche forcée, l’ouverture des frontières avec la concurrence totalement déséquilibrée entre les petits producteurs du sud et les multinationales du nord. Elles devront aussi rembourser indéfiniment une dette pourtant devenue illégitime quand elle n’était pas déjà « odieuse ». Les effets de la crise de la dette ne sont pas terminés car la spirale infernale de l’emprunt pour rembourser le précédent est toujours opérante en 2007 et les 3 milliards d’humains qui vivent avec moins de 2 dollars par jour en sont l’expression la plus visible. Quant aux millions de latinos et afro-américains des États-Unis, soit ils réussissent à travailler plus pour gagner plus - 24h sur 24 - pour payer et enrichir les acheteurs de ces créances titrisées qui rapportent jusqu’à 16 ou 18% à leurs détenteurs - quand le taux de refinancement des banques est à 4%. Soit ils retourneront dans des logements insalubres après avoir tout perdu. Ils ne seront même pas aidés par ces drôles de pouvoirs publics qui viennent de sauver un système financier aussi féroce et ploutocratique qu’incapable de s’autogérer.
Source: CADTM
Les similitudes entre ces deux drames financiers sont multiples, elles concernent aussi bien : les populations qui subissent, les courtiers - ceux qui placent les prêts - avec les techniques et les mensonges utilisés pour convaincre les emprunteurs, les risques incroyables pris par les banques et le système financier pour des bénéfices démesurés, la mise en danger de l’économie planétaire, le sauvetage par les banques centrales ou le FMI - donc par l’argent public - quand la conjoncture se retourne, les conditionnalités imposées par le préteur lui offrant une domination totale sur son débiteur en cas de défaillance.
Qui paient ces dettes ?
Aux Etats-Unis, la grande majorité des prêts a été accordée à des populations latinos ou afro-américaines, les plus fragiles et les plus pauvres, les plus faciles à attirer avec des offres mirobolantes : des taux très bas et des remboursements très faibles au départ. Souvent peu cultivées, parfois analphabètes, généralement mal logées, elles sont évidemment hypnotisées par le rêve consumériste américain. La maison individuelle en est l’emblème. Le plus souvent incapables de lire ou de comprendre l’impact sur leur futur des clauses des contrats, elles sont des proies idéales pour les chasseurs de profits faciles. Dans les années 1960 et 70, les pays nouvellement indépendants d’Afrique et d’Asie, les pays d’Amérique latine avaient de forts besoins financiers pour leur reconstruction et leur développement. Eux aussi ont été fascinés par le miracle matérialiste occidental. Leurs dirigeants se sont laissés bernés, mais surtout corrompre, par des prêts aux conditions tellement favorables. Là aussi ce sont les populations latinos, indos-américaines, africaines et asiatiques qui ont été touchées. C’est leurs forces de travail et leurs impôts qui ont été utilisés et le sont encore aujourd’hui pour payer ces emprunts si peu, ou pas du tout, investis dans le développement de leur pays. A partir de 1982, les nouvelles dettes ont servi le plus souvent à rembourser les premières. Depuis 25 ans, beaucoup de ces pays consacrent 40% de leurs maigres revenus, donc du budget de l’Etat, au remboursement de la dette extérieure publique.
Les courtiers : techniques et mensonges pour convaincre les emprunteurs
La courroie de transmission sera dans les 2 cas ce fameux courtier. Celui qui place les emprunts, qui séduit le client en l’appâtant avec des bobards et en lui cachant non seulement les vrais risques, la variabilité des taux, mais surtout les clauses impliquant la montée vertigineuse des remboursements dès la 3ème année et pendant les 27 à venir pour les prêts « subprimes ». Celui qui gagnera beaucoup d’argent sur chaque contrat signé, quelque soit le risque de faillite de l’emprunteur. L’argument choc étant que la montée des prix de l’immobilier permettra à l’emprunteur de revendre son bien et de retomber sur ses pieds en cas de difficultés de remboursement.
En Afrique, Asie ou Amérique latine, les dirigeants étaient souvent des dictateurs. Ils seront les véritables courtiers de leurs populations respectives. En se laissant corrompre, en détournant une grande partie des prêts au vu et au su du prêteur, ils ont su faire accepter ou plus simplement imposer ces emprunts à leur population. Soit ils ne donnaient pas les éléments d’information suffisants pour comprendre et suivre l’utilisation des prêts, soit l’emprunt était contracté, et en partie détourné à l’abri des regards, au fond des palais dorés. Ils ont privilégié leur profit immédiat et personnel sur celui de la population de leur pays pour le plus grand bénéfice des préteurs et de leurs commanditaires. Ce sont les impôts des paysans et autres petits producteurs non informés - le fruit de leur travail - qui sera exporté par le pays emprunteur au titre du remboursement de la dette. Mensonges et opacités des courtiers sont des marques de fabrique de la pauvreté des populations fragiles ici et là-bas.
Les risques incroyables pris par le système financier pour des bénéfices démesurés
Le premier rôle est tenu par les banques. Dans les deux cas elles disposent de liquidités considérables et sont à la recherche d’emprunteurs. En 2005-2007 les banques sont très riches, les transnationales dont elles sont les grands actionnaires font des profits vertigineux, elles sont éminemment prêteuses. Les taux sont bas, les potentiels immenses. Les banques américaines n’hésitent pas à faire des prêts immobiliers à des clients quasi insolvables. Le taux de départ ridiculement bas, sera, après les 2 premières années, exagérément élevé. Si le niveau du « prime rate » monte, du fait de la clause de variabilité et d’indexation, et que, du même coup le prix de l’immobilier se stabilise ou baisse, l’emprunt sera difficilement remboursable. La maison devenant invendable au prix espéré, ce sera la faillite de l’acheteur endetté.
Par la magie de la technologie financière, la titrisation, - le regroupement des créances immobilières en paquets et l’émission de titres négociables représentant ces paquets - les banques revendent ces créances improbables, mais avec bénéfices, sur le marché des actions. Les investisseurs, à la recherche de profits exceptionnels, ne peuvent pas toujours en évaluer les dangers. Après la vente de ces créances titrisées, les risques sont externalisés et dilués dans l’ensemble de la planète financière. Les banques peuvent alors s’engager sans risques apparents à prêter à de nouveaux emprunteurs insolvables (les « ninja » : no income, no job, no asset) au-delà de tous les critères de la soit disant « bonne gouvernance ». Car, pour que la chaîne des profits issus des « subprimes » fonctionne sans cassures, il faut l’approvisionner en permanence avec de nouveaux acheteurs quelque soient leur solvabilité.
En 60-70 les caisses des banques internationales ont été remplies, une première fois par le retour des dons américains du Plan Marshall après la reconstruction de l’Europe et une deuxième fois par le retour des avoirs des producteurs de pétrole après la montée vertigineuse des prix décidée par l’Opep en 73. Le métier d’une banque étant de prêter et non de thésauriser, quel meilleur argument pour convaincre l’emprunteur que des taux très bas. Mais comme pour les « subprimes », ils seront variables et indexés sur le « prime rate » : ce taux fixé par le trésor américain pour le refinancement des banques. Le taux de l’inflation monétaire - la perte de valeur de la monnaie - sera parfois supérieur au taux nominal des prêts. Une situation qui sera favorable aux pays emprunteurs jusqu’au début 80. Pourtant, les banques prêteront largement au-delà de leurs fonds propres, prenant des risques inouïs. Elles ne chercheront pas plus à savoir si les pays seront solvables jusqu’au terme des contrats.
La mise en faillite des pays pauvres dans le premier cas et des pauvres du pays le plus riche dans l’autre
Lorsque les Etats-Unis décident unilatéralement de multiplier en 1979 le taux de refinancement des banques, le « prime rate », par 4, pour casser la perte de valeur du dollar et faire rentrer les capitaux étrangers dans leur pays, ils entraînent le renchérissement des remboursements de la dette extérieure des pays en développement dans les mêmes proportions par l’effet de la variabilité et de l’indexation. Ces derniers, ne pouvant plus payer, font appel au FMI, en dernier recours, qui, impose alors en échange de son aide des conditionnalités ultralibérales appelées PAS (plans d’ajustement structurel).
Le piège de la dette vient de fonctionner. Les pays en développement empruntent pour rembourser une dette devenue impayable pour cause de force majeure (imprévisible extérieure et irrépressible). Ces dettes ne sont plus légitimes, elles n’avaient juridiquement pas à être remboursées : les clauses du contrat d’origine étant devenues trop différentes. A celles-la, il faut rajouter les dettes « odieuses » : celles correspondant aux prêts faits aux dictateurs. Et pourtant les pays et leurs contribuables paieront et payent encore aujourd’hui. Le résultat a été la paupérisation de la grande majorité des populations de ces pays et la mort par malnutrition et maladie pour beaucoup.
En 2007, la même cause, la montée des taux américains provoque mécaniquement le renchérissement des mensualités des emprunteurs « subprime ». Les nouveaux acheteurs se font rare, les « Ninja » commencent à tomber en faillite. A la fin de la 2ème année, les remboursements sont trop lourds - le prix de l’immobilier surévalué retombe, les maisons sont invendables et c’est l’ensemble de la chaîne des créances subprimes titrisées qui s’écroule. Des millions de foyers américains vont se retrouver dépossédés de leur maison. Dans les deux cas c’est l’ensemble de la planète financière qui se met à tanguer dangereusement et les populations les plus fragiles qui subissent les pertes et paient la facture.
Le sauvetage par les banques centrales ou le FMI, donc par l’argent public, quand la conjoncture se retourne : la mise en danger de l’économie planétaire
Sans les apports d’argent détenu par les instituions publiques ou internationales, le système financier se serait très probablement écroulé sur lui-même dans les 2 cas. Résultat, ce sont d’abord les banques, engagées bien au-delà de leurs fonds propres, qui seront sauvées en 1980. C’est l’ensemble du système financier international qui évite la faillite du même coup grâce à l’argent public détenu par le FMI. Ce dernier impose que les banques soient remboursées en premier. Le développement des pays en grande difficulté, lui, attendra. En 2007, c’est de nouveau le système financier international qui échappe à la catastrophe grâce aux injections monétaires des banques centrales à New York comme à Francfort ou à Tokyo. Des centaines de milliards de dollars et d’euros ramènent un peu de la confiance perdue dans un système financier aveuglé par les reflets de ses faux diamants. Les pauvres, ceux qui auront perdu leur maison dans ce jeu de dupe, passeront leur tour, pas de chance.
Les conditionnalités imposées par le préteur lui offrant une domination totale sur son débiteur en cas de défaillance
Alors que ce sont des décisions financières extérieures aux pays en développement qui créent le problème de solvabilité, le FMI va imposer que les budgets des pays emprunteurs soient élagués au plus court. Les plans d’ajustement structurels, la lutte contre la pauvreté, les annulations de dette, l’APD, les OMD, n’y changeront rien, ou si peu, car elles permettront à un système injuste, immoral et inhumain de perdurer. Ce sont les populations innocentes qui vont perdre leurs services publics, santé, éducation, infrastructures. En plus elles subiront la libéralisation à marche forcée, l’ouverture des frontières avec la concurrence totalement déséquilibrée entre les petits producteurs du sud et les multinationales du nord. Elles devront aussi rembourser indéfiniment une dette pourtant devenue illégitime quand elle n’était pas déjà « odieuse ». Les effets de la crise de la dette ne sont pas terminés car la spirale infernale de l’emprunt pour rembourser le précédent est toujours opérante en 2007 et les 3 milliards d’humains qui vivent avec moins de 2 dollars par jour en sont l’expression la plus visible. Quant aux millions de latinos et afro-américains des États-Unis, soit ils réussissent à travailler plus pour gagner plus - 24h sur 24 - pour payer et enrichir les acheteurs de ces créances titrisées qui rapportent jusqu’à 16 ou 18% à leurs détenteurs - quand le taux de refinancement des banques est à 4%. Soit ils retourneront dans des logements insalubres après avoir tout perdu. Ils ne seront même pas aidés par ces drôles de pouvoirs publics qui viennent de sauver un système financier aussi féroce et ploutocratique qu’incapable de s’autogérer.
Source: CADTM
https://www.alainet.org/es/node/124036