La Crise financière et la crise économique ou comment faire simple quand c’est réellement compliqué

06/07/2008
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Première idée forte, cette crise financière était annoncée depuis pas mal de temps. Comme une épidemie de furonculose ou pour donner dans le sinistre les bubons de la peste, elle s’est posée d’abord sur les pays du sud et du sud-est, ce que Samir Amin appelle les périphéries du système monde capitaliste. Souvenez-vous, en 1994, le Mexique, c’est le moment de la signature de l’Alena, mais déjà une réaction populaire, celle de la révolte de Chiapas et moins médiatisés les manifestations contre l’endettement des petits propriétaires de logement. Puis ce fut en 1997, la crise asiatique (Corée du Sud, taiwan, Malaisie), avec un peuple très remuant, les Coréens du Sud, toujours en ébullition comme les Français. Ca s’enchaîne en 1998, avec la Russie et le Brésil mais elle s’abat avec une violence inouïe en 2001 sur l’Argentine jusque là considéré comme le meilleur élève du FMI.

La nouveauté de la crise actuelle est qu’elle n’est plus reportée vers les périphéries mais qu’elle est au « centre » dans le ventre même du monstre les Etats-Unis. Mais essayons de comprendre “l’évolution” du système et les liens complexes entre bulles financières et économie réelle.

Bref rappel de l’historique de la crise actuelle

A chaque fois les superprofits financiers se gonflent dans une bulle, le miracle asiatique, les nouvelles technologies et aujourd’hui l’immobilier étasunien.
Les bulles peuvent être comme dans le cas de la furonculose ou du bubon de la peste, un moyen de vider les mauvaises humeurs spéculatives et donc de repartir vers une nouvelle croissance. Oui mais c’est là que les économistes divergent, les fanatiques du marché comme Christine Lagarde pensent que la santé de l’économie est liée à ces purges, ces vidanges de la spéculation. Mais d’autres économistes qui remettent en cause sérieusement cette utopie d’un marché s’autorégulant notent au contraire qu’il s’agit de vagues dont le ressac apparent vient alimenter celle qui suit pour en multiplier les effets.

Et la meilleure preuve en est la croissance poussive et le maintien du chômage y compris quand ça repart la crise financière étant dite purgée. Et encore les chiffres mondiaux sont dopés par l’exception des grands pays émergents, la Chine en particulier.

Mais revenons en à la crise financière. Souvenez-vous il y a presque un an  au début août 2007, une banque française BNP-Paribas suspend l’activité de fonds spéculatifs très engagés dans les placements immobiliers à risque étasuniens. C’est la chute des cours boursiers, les liquidités se font rares parce que personne ne prête plus. Il y a des raisons à cela, tout le système financier a lancé des traites de cavalerie, acheté des placements à risque et plus personne ne sait exactement la valeur de ce qu’il a dans le portefeuille. Face à cela les Banques centrale, l’européenne la BCE, l’étasunienne, la FED, et la japonaise injectent en quelques semaines 350 milliards de dollars, c’est beaucoup mais moins que les pertes que l’on découvre lors du bilan annuel, 700 milliards de dollars se sont évaporés. Malgré cette intervention, les marchés boursiers vont pendant tout le dernier trimestre de 2007 ressembler à des lapins apeurés. Les mauvaises nouvelles ne manquent pas et la découverte des pertes monumentales des secteurs bancaires obligent les Etats à venir renflouer les banques en déroute (aux Etats-Unis Citigroup et Northern Rock en grande Bretagne qui finira par être nationalisée en février 2008 ) .

La mauvaise nouvelle à la fin janvier 2008, repart encore de France, avec la découverte d’une fraude gigantesque à la Société générale. Aussitôt cela se traduit par un vent de panique le 21 janvier. Vous remarquerez que la France que l’on nous présente comme un agneau menacé par les vampires des fonds souverains, est en fait caractérisée par un  type d’accumulation:  les capitaux français se sont détournés de l’industrie sauf celles où l’Etat lui garantit des subventions fortes comme l’armement, et ils vont jouer la spéculation sur la planète, un capital financier usurier complètement imbriqué aux fonds spéculatifs. Et quand on découvre aujourd’hui que nous avons le Président le plus atlantiste de la planète, au point de paraître une créature de la CIA, qui est en train d’intégrer la Défense française et européenne dans l’OTAN, nous nous ébaudissons.
Mais ce fait là a été précédé par l’entente financière, par un capitalisme complètement intégré à celui qui domine aux Etats-Unis. Et donc si la crise part de la BNP, puis rebondit en janvier au moment des bilans sur la société générale, ce n’est pas un hasard, il s’agit de la structure capitalistique de la France.

 Ils
sont passés des billets dans la lessiveuse aux usines à gaz des montages financiers en conservant la même mentalité égoïste, radine, et profiteuse. C’est si vrai que notre Sarkozy entre temps a vu la solution dans la poursuite des cadeaux aux riches, l’aide à la concurrence débridée et faire travailler plus pour compenser le blocage de fait des salaires pour plaire à ce monde de rats.  Harpagon continue à veiller sur sa cassette et veut charger les pauvres d’éponger les deniers volatilisés.

Donc face à la crise de janvier, un autre avare timoré G.W.Bush a proposé un plan de sauvetage de l’économie menacée de recsssion parce que les pauvres endettés n’ont plus les moyens de consommer, mais comme il rogne sur les mesures, un chèque pour consommer plus, quelques petites aides au remboursement pour les revenus les plus aisés… Un emplâtre sur une jambe de bois qui ne pouvait que déboucher sur la récession dans un pays où le blocage des salaires a prétendu être compensé par l’endettement sans frein des ménages. la dégtradation s’élargit. Dans le seul mois de juin 2008, 62 mille postes de travail ont été perdus, et  le nombre de personne qui ont recours à la Charité pour s’alimenter a augmenté de 20% selon  David Brooks (correspondant de la Jornada, journal mexicain;3 juillet). 

Cecorrespondant à New York note qu’en ce moment ” Déferlent les nouvelles qui illustrent la fin du bon temps (si celui-ci a réellement existé et ne fut pas une illusion financée par les cartes de crédit) et avec des centaines de millier de travailleurs sans bonne occasion, moins de demande de de voyages de vacances, et un pays qui depend chaque fois plus du crédit étranger pour se maintenir stable.”

Le gouvernement fédéral a annoncé pour la fête nationale qu’il a disparu 62 mille emploi de plus en juin, c’est le sixième mois consécutif que disparaissent des emplois.  Et le taux de désemploi réel (en incluant ceux on renoncé à chercher un emploi) a atteint 9,9%  selon  l’économiste  Jared Bernstein del Economic Policy Institute.

Et ce n’est pas fini. La Chaîne Starbucks a annoncé cette semaine qu’elle fermait 600 de ses cafeterias. Hier .American Airlines a informé qu’elle reduirait son personnel de 7000 emploi ; les trois entreprises fabriquant des automobiles étasuniennes ont annoncé qu’elle suspendaient plus de 25.000 travailleurs par suite de l’effondrement des ventes en particulier des grosses cylindrées. .

 les lignes aériennes ont suspendu des trajets entiers   et rognent sur  tout- valises, aliments- pour affronter les hausses dans les coûts liés au prix des combustibles (le coût additionnel seulement pour cette année pour les aérolignes étasuniennes est de 20 mille millions) : il y a plus d’habitations vacantes que jamais dans ce pays à cause de la crise hypothécaire ; plus de faim face à une inflation sans précédent des prix des aliments basiques comme le mais et le lait, et les indications  que des milliers de travailleurs immigrants sont en train de retourner dans leur pays comme conséquence de l’effondrement économique.

Les statistiques sont là :le nombre de personnes qui va aux « banques des aliments (charité) a augmenté de 20% par rapport à l’année passée .  par suite de la crise hypothécaire  les investisseurs qui avaient acheté des montages de dette à haut risque  ont perdu 600 millions de dollar; la réserve fédérale a voulu nettoyer les finances des banques de new York avec une infusion de 200 mille millions , plus 30 mille millions supplémentaire pour sauver la banque d’investissement Bear Stearns; et cela peut continuer jusqu’à l’épuisement du salariat à tout le moins…
A moins qu’une bonne guerre…  

Qu’est-ce que la crise ?

Marx l’a déjà montré dans le manifeste puis le Capital, il y a une sorte de fonctionnement normal du capital à la crise.
Crise de surproduction du temps du manifeste, aujourd’hui doublées de crises financières.

En ce qui concerne les crises financières, il y surracumulation d’argent. Il y a eu dérégulation des institutions dites de Bretton Wood mises en place à la fin de la seconde guerre mondiale et ce dans les années 1970, d’abord avec la fin de l’étalon or, au profit du dollar, les Etats-Unis pouvaient actionner selon leurs besoins la machine à billet. Cela se doublait du petro-dollar, de la nécessité d’acheter l’énergie en dollar. Bref les Etats-Unis étaient en situation de faire travailler le monde pour eux.

Durant le même temps on a vu la création de produits financiers dits « dérivés », on les appelle ainsi parce qu’ils dérivent d’autres titres d’actifs et de contrats sur des achats futurs dont les prix sont donc fixés à l’avance et réalisables plus tard, et on peut les vendre entre temps.

Ces produits dérivés on fait se déplacer le système capitaliste vers le financier au sein de marchés globalisés. Le cœur du système est ainsi un système de crédit qui regroupe les banques , les Bourses,les compagnies d’assurances, les fonds de pensions, les fonds d’investissements spéculatifs, du souverain au vautour, bref des ensemble qui s’imbriquent et qui sont le lieu d’un capital totalement fictif, mais qui doit à un moment se convertir en capital bancaire, actions boursières et dettes publiques.

Il y a eu effectivement dans les années 1960-70 une crise de suraccumulation du capital argent très bien analysée par paul Boccara. Elle se combinait avec la fin de l’étalon or, le primat du dollar et les petro-dollars. Le cœur du système, la FED étasunienne en profita pour procéder à une hausse drastique des taux d’intérêts, et les effets de cette politique brutale furent déportés vers l’Amérique latine, le Mexique en particulier avec une crise de la dette extérieure impossible alors à rembourser.

C’est le moment où Fidel Castro annonce une crise terrible et propose aux pays du Sud une alliance pour ne pas rembourser une dette plusieurs fois de fait remboursée mais dont ils ne peuvent même plus payer les intérêts avec la hausse des taux d’intérêts, et la pression sur la capacité d’investissement endogènes de ces pays. Notons le parallélisme avec la crise actuelle où ce sont dans les pays du nord les ménages endettés à qui on demande de faire les frais de la crise de  suraccumulation argent qui est structurelle et pas seulement liée à l’intervention des Banques centrales en 2007.

Ce qu’il faut comprendre c’est que pour sortir de cette crise brutale des années 1980, le système prôna une politique de dérégulation financière. « En 2005, nous dit Remy Herrera, le total des dettes externes consolidées de l’ensemble des pays du monde était estimé à 5260 milliards de dollars (…) La plupart des dettes en question sont transformées en capital fictif et marchandisées, tandis que les réserves sont converties en prêts et drainées pour l’essentiel vers les Etats-Unis, afin de couvrir leurs abyssaux déficits intérieurs et extérieurs. Mais les montants moyens échangés sur le compartiment devises des marchés de produits dérivés seraient de 3200 milliards dollars par jour, et les ventes quotidiennes de dérivés négociés directement entre agents privés de 4200 milliards.
A titre de comparaison, en 2007, le produit intérieur brut mondial atteignait 65 820 milliards de dollars étasuniens, et les exportations et les importations totales respectivement de 13 720 et 13640 milliards. » (1)

Donc il est clair que nous avons une suraccumulation du capital argent, et cela est du au fait que la capital fictif dépasse de très loin celui nécessaire à la reproduction du capital productif. Et pourtant c’est ce capital fictif qui engendre les profits les plus élevés et revient de ce fait gonfler la suraccumulation du capital fictif parasitaire.

Donc les bulles qui détruisent une part de ce capital fictif son bien aussi nécessaire que la soupape de la cocotte minute ou la pression de la furonculose, mais elles ne soignent pas le système.

Toutes les crises sont l’éclatement d’une bulle financière où la pression du capital fictif est devenue trop forte.
La crise dite des subprimes est lié à l’octroi de prêts à des ménages nord-américains, non solvables mais pas seulement. Des crédits hypothécaires leur ont été accordés, et ils ont été titrisés, ces titres sont rentrés dans des « produits dérivés »  ce qui était un avantage momentané pour tout le monde, le prêteur avait une garantie en mêlant des créances douteuses à des produits plus sûrs, les ménages empruntaient ce que leur salaire ne permettait pas, l’immobilier grimpait, grimpait, stimulant la construction, et engendrant une fausse prospérité. C’était bien pendant un ou deux ans où l’emprunt était à 1 et 2 % et puis le taux grimpait à 10 et plus.

Les institutions financières faisaient de leur côté des « pochettes surprises » qu’elles cédaient pour se re-financiariser. Comme les agences de notation appartenaient au même monde, elles surnotaient les produits, leur attribuant des brevets de fiabilité que les dits produits étaient loin de mériter ; on mesure l’entente entre gens du même monde qu’il faut pour aboutir à cela, aussi clair que les principes d’aventuriers qui créent les traders.

Tout ce beau monde s’auto-entretient jusqu ‘à ce qu’une masse critique de gens n’arrivent plus à rembourser les traites. Et cette masse critique intervient d’autant plus rapidement que la pression sur les salaires, les pensions ne cesse de s’accroître avec toujours l’aide à l’endettement.

Surtout si, comme cela s’est passé les guerres en Afghanistan puis en Irak ont d’énorme besoins d’investissement que la FED prétend attirer en haussant ses taux d’intérêt. Alors là surgit la masse critique des non remboursement d’abord des subprimes puis des primes les solvables et de la contamine le crédit mais là-dessus je vous renvoie à mon analyse « la crise financière pour les nuls, expliquée par les nuls ».

Pourtant ce qu’il faut comprendre c’est que les facteurs réels de la crise ne sont pas financiers, ce que nous venons de voir sur l’éclatement de la bulle dite des subprimes nous a montré comment le financier éclatait parce qu’il y avait de plus en plus pression sur les salaires combinés avec une incitation à l’endettement. Là-dessus le capital parasitaire prenait systématiquement jusqu’à ce que le malade soit exsangue sa livre de chair et de sang, la plus value étant détourné des secteurs productifs pour venir nourrir le capital fictif. C’est là ce qui reproduit une crise et qui fait que la purge ne soigne pas, parce qu’elle concerne seulement le capital fictif et son fonctionnement interne.

Mais nous avons un phénomène comparable dans l’échange inégal entre le nord et le sud, en particulier sur le plan agricole avec le protectionnisme du nord et la destruction de l’agriculture vivrière du sud . Ce qui se double des phénomènes spéculatifs de titrisation et de produits dérivés qui se sont portés sur les matières première et les céréales. Par exemple, toujours selon Rémy Herrera : « entre 1980 et 2006, 675 milliards de dollars ont été extorqués au continent africain, le plus pauvre du monde pour financer le flux de la dette. En moyenne annuelle sur la période cela correspond à 25 milliards de dollars. A peine plus de la moitié de cette sommes suffirait, selon l’organisation des Nations Unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) à éradiquer la faim sur terre ». (1)

Résultat l’endettement des pays du sud croît alors que ces pays ont déjà largement payé leurs dettes au nord, entre 1980 et 2006, ils ont déjà (Russie comprise) payé quelque 7674 milliards de dollars  au service de leur dette extérieure.

Il y a dans le système le même mécanisme de renforcement des inégalités, entre la masse des salariés des pays du nord et leur classe dominante, entre pays du nord et pays du sud. Comment peut-on imaginer que les bénéficiaires du système aient à cœur de mettre en place des régulations financières qui iraient a contrario de ces accumulations ?

La seule chose qui rend incertain le scénario est la montée de grands pays du Sud comme le brésil, l’Inde et surtout la Chine. Cette dernière pourrait couler l’économie des Etats-Unis mais elle ne le fait pas parce que ce serait détruire ses propres réserves, sa propre capacité d’action. Beaucoup en déduisent que la Chine est le prochain grand leader mondial. C’est un peu hâtif parce que malgré sa formidable croissance et l’effort de tout un peuple, la manière dont elle entraîne dans la paix et les avantages réciproques bien des pays du sud et ses voisins asiatiques, la Chine demeure partiellement un pays sous développé qui doit résoudre ses propres contradictions de sous développement.

Mais chacun mesure bien, à commencer pas les impérialistes, que sa présence plus la lutte des peuples  est dans une certaine mesure une contre- tendance  à ce qui se joue en matière d’issue à la crise pour les capitalistes (2) : une pression à la hausse du taux d’exploitation de la force de travail des  pays du sud qui ne peut que peser à son tour sur la pression sur les travailleurs du nord.
Comment dans de telles conditions peut-on considérer que la solution à l’immigration est la criminalisation de l’immigré.

Des solutions existent, elles sont en train d’être mises en place dans les pires difficultés, sous menace constante d’intervention militaire, de séparatisme, voir d’assassinat de chef d’Etat . Elles cherchent à créer des unions régionales construites sur les solidarités, mettant des bornes à l’accumulation du capital fictif et privilégiant les réinvestissement productif et le financement du développement humain ,santé, éducation. A travers ces unions, il est espéré pour les pays du sud un nouvel accès aux marchés et aux prêts financiers internationaux, la stabilisation des taux de change, Le contrôle de la fuite des capitaux, la taxation de leurs mouvements et pour cela les pays souverains doivent retrouver les instruments de leur souveraineté, industrielle, financière.

(1) Rémy Herrera, dossier de Afrique Asie, de mai 2008, dossier la faim mondialisée, p.70

(2) Cf. notre livre Danielle Bleitrach, Viktor Dedaj, Maxime Vivas. Les Etats-Unis de mal Empire, ces leçons de résistance qui nous viennent du Sud. 2005 Aden

http://socio13.wordpress.com/2008/07/06/la-crise-financiere-et-la-crise-...

https://www.alainet.org/es/node/128557
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