Funeste anniversaire du gouvernement illégitime
28/01/2011
- Opinión
Le 28 juin 2009, un coup d’Etat militaire a lieu au Honduras, orchestré par les secteurs réactionnaires de la société (l’armée, l’oligarchie, l’Eglise, le pouvoir judiciaire, les médias dominants) et le Pentagone. Ce coup visait à freiner les transformations sociales en cours et l’alliance du pays avec les autres nations ayant rejoint l’ALBA, et à mettre fin aux aspirations de changements du peuple hondurien, investi dans le lancement d’une consultation populaire pour ouvrir la voie à un processus d’Assemblée constituante. Les Etats-Unis ont réussi à imposer une sortie à la crise négociée avec les auteurs du putsch. En dépit des puissantes mobilisations populaires, cette stratégie a permis la consolidation du régime de facto,avec l'élection de Porfirio Lobo suite à la mascarade électorale du 29 novembre 2009. Lobo prend la tête de l'Etat putschiste le 27 janvier 2010.
Un an s'est écoulé. Le Honduras n'a toujours pas réintégré l'Organisation des Etats américains (OEA) face à la négative de plusieurs pays latino-américains à reconnaitre le gouvernement illégitime de Porfirio Lobo. Le gouvernement de Lobo n'est pas davantage reconnu dans son pays, où un grand nombre de citoyen-ne-s et de mouvements sociaux se sont organisés au sein du Front national de Résistance Populaire (FNRP). Ces mouvements ouvriers, paysans, syndicaux, indigènes, garifunas[1], de femmes, LGBT, etc., poursuivent de puissantes mobilisations en faveur d'objectifs politiques clairs : s’opposer à la perpétuation des privilèges et appuyer un projet émancipateur de transformation sociale.
Ce 17 janvier, dans un contexte toujours marqué par des violations graves et généralisées des droits humains, les Hondurien-ne-s manifestaient à l'occasion des un an de ce régime funeste. Ils exigent entre autres la fin de la répression et des persécutions, la convocation d'une Assemblée nationale constituante ; ils condamnent les assassinats des paysan-ne-s de la Vallée de l'Aguán, les politiques de privatisations (de l'éducation, des ressources naturelles, etc.) et la hausse du prix des combustibles, des services publics et des aliments.
Ces mesures - privatisations massives, réductions des dépenses publiques, fiscalité aggravant les inégalités, etc - sont le fait d'un approfondissement du modèle néolibéral par le régime de Lobo, sous bonne escorte des institutions financières internationales. En effet, le gouvernement de Lobo a été jugé parfaitement fréquentable par le FMI et la Banque mondiale. Après plusieurs missions de ses « assassins financiers » à Tegucigalpa, le FMI a approuvé le 1er octobre dernier un prêt de 201,8 millions de dollars conditionné à l'application de telles mesures, aux conséquences dramatiques pour les populations. Une fois de plus, le FMI n’hésite pas à apporter un soutien officiel à des régimes répressifs et illégitimes, du moment qu’ils servent les intérêts des grandes puissances qui le contrôlent[2]. Entre autres exemples éclairants[3], le FMI a soutenu et porté en exemple la politique économique du dictateur tunisien Ben Ali, qui a saigné la population tunisienne pendant 23 ans[4].
Mentionnons également l'attitude complice de l'Union européenne (UE) et de ses pays membres, bien décidés à conclure des accords bilatéraux de « coopération » avec le Honduras ainsi que les Accords d'association (entendre de libre échange) entre l'UE et l'Amérique centrale. Pour les dirigeants de l'UE, les violations systématiques et généralisées des droits humains au Honduras ne pèsent pas lourd face à la possibilité de conquérir de nouveaux marchés.
La collusion entre la dictature militaire et l'actuel régime de Porfirio Lobo est pourtant on ne peut plus claire. En témoignent, entre autres, le décret d'amnistie approuvé par le Congrès pour les délits politiques en relation avec le coup d’Etat, le mandat de « député à vie » accordé à Roberto Micheletti[5]; la destitution de juges qui s’étaient opposés au coup d’Etat ; le non renouvellement des postes au sein de la Cour Suprême de justice, du Tribunal suprême électoral, du Tribunal des comptes, du Ministère public, etc., toujours aux mains de putschistes ; d'autres postes clefs pour contrôler le pays accordés à d'ex-officiers putschistes tels que l'entreprise publique d'électricité HONDUTEL attribuée au général Romeo Vasquez, chef des forces armées pendant le coup d'Etat[6] ; les répressions, persécutions et assassinats à l'encontre des défenseurs des droits humains, des membres du Front de Résistance, des paysan-ne-s, des journalistes, etc.
Le Congrès putschiste vient d'approuver une réforme à l'article 5 de la Constitution élargissant les possibilités de recours aux plébiscites et référendums. Cet article est élevé au rang des articles dits « pétreos », que la Constitution interdit de réformer de quelque manière que ce soit, ceux-là mêmes qui ont valu l'expulsion par la force du président Manuel Zelaya. En effet, le coup d’État est réalisé le jour où Zelaya avait prévu d'organiser, appuyé par 400 000 signatures, une consultation à caractère non contraignant demandant aux Hondurien-ne-s s’ils désiraient, ou non, la convocation d’une Assemblée nationale constituante, après les élections prévues le 29 novembre 2009[7]. Cette consultation s’appuyait sur la Constitution et sur la loi de participation citoyenne votée au Congrès le 27 janvier 2006. Pour donner un semblant de légalité au Coup, par une série d'artifices juridiques, le Congrès et la Cour Suprême ont jugé ce scrutin illégal, Zelaya envisageant par là de modifier la Constitution. Cette initiative considérée il y a deux ans comme un délit de « trahison à la patrie », justifiant jusqu'à la séquestration et l'expulsion du président légitime sans jugement préalable, recouvre aujourd'hui son caractère légal ! Par opportunisme.
Les véritables motifs du putsch ne sont effectivement pas juridiques mais bien politiques et économiques (virage à gauche de Zelaya). Mais qu'on ne s'y trompe pas : par cette manoeuvre, le régime de Lobo, soutenu par ses alliés de la droite internationale mais toujours désapprouvé par certains Etats, cherche à donner une image pacifiée d'ouverture et de démocratie en se saisissant d'une revendication populaire, mais n’entend pas voir remplacer un régime représentatif par une démocratie participative, trop soucieux de maintenir les privilèges des investisseurs étrangers et des quelques familles puissantes qui dirigent le pays. Et quand bien même les Hondurien-ne-s useraient de leur droit à participer et à être consulté-e-s, l'actuelle structure frauduleuse, corrompue et criminelle au pouvoir falsifierait les aspirations populaires au profit de l'expansion de plans plus conformes aux vues des élites états-uniennes et européennes, et sous tutelle du FMI.
Le peuple hondurien en résistance n'est pas dupe[8]. L'année écoulée marque un an de luttes et de mobilisations continues, de construction et de renforcement depuis la base du Front de Résistance, pour la transformation structurelle du Honduras, pour une Assemblée nationale constituante populaire et participative. La lutte continue. Il s’agit là de la seule manière de permettre aux Hondurien-ne-s comme aux autres peuples du Nord et du Sud de décider enfin de leur propre avenir.
[1] Afrodescendants d'Amérique centrale et des Caraibes.
[2] Les pays du Nord y disposent de la majorité des voix (58%) alors qu’ils représentent moins de 20% de la population mondiale. Avec plus de 16% des voix à eux seuls, les États-Unis disposent d'un droit de veto de fait sur toutes les décisions importantes des IFI.
[3] Le soutien du FMI à des régimes illégitimes et répressifs sont légion. Le FMI a notamment soutenu financièrement Pinochet au Chili, Suharto en Indonésie, Mobutu au Zaïre, Videla en Argentine, et il continue de soutenir Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville, Idriss Déby au Tchad, etc. Depuis la crise de la dette au début des années 1980, le FMI s’appuie notamment sur ce type de régimes autoritaires pour imposer des programmes d’ajustement structurel aux conséquences dramatiques pour les peuples.
[4] Lors de son déplacement à Tunis pour le FMI le 18 novembre 2008, le socialiste Dominique Strauss-Kahn, actuel dirigeant du Fonds, se verra même décoré par Ben Ali et élevé au grade de « Grand officier de l’ordre de la République », http://www.cadtm.org/Strauss-Kahn-decoe-par-Ben-Ali
[5] Putschiste, président du Congrès sous le mandat de Zelaya, nommé illégalement président du Honduras le jour du Coup d'Etat.
[6] Formé à l'École des Amériques par la CIA, Romeo Vásquez est responsable des assassinats, viols et tortures subis par des milliers de honduriens durant les années 80.
[7] La question était la suivante : « Etes-vous d’accord pour que, lors des élections générales de novembre 2009, soit installée une quatrième urne pour décider de la convocation d’une Assemblée nationale constituante destinée à élaborer une nouvelle Constitution politique? ». Si cette consultation avait recueilli une majorité de « oui », le président aurait soumis un décret à l’approbation du Congrès pour que, le 29 novembre, les Honduriens se prononcent formellement sur la convocation d’une Constituante, dans une « quatrième urne » (les trois premières étant réservées à l’élection du président, des députés et des maires).
[8] Lire la déclaration du FNRP, ¡De la Resistencia al Poder !, publié pour les un an du régime de Lobo, http://www.resistenciahonduras.net/index.php?option=com_content&view=article&id=2028:ide-la-resistencia-al-poder&catid=51:comunicados&Itemid=259, et la position du FNRP face aux réformes de l'article 5, http://www.resistenciahonduras.net/index.php?option=com_content&view=article&id=1980:posicion-del-fnrp-ante-a-las-reformas-al-articulo-5-de-la-constitucion-rota-impulsadas-por-el-congreso-de-facto&catid=51:comunicados&Itemid=259
https://www.alainet.org/es/node/147163?language=en
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