Haïti répond : présent !
12/10/2013
- Opinión
Dès la fin du 18e siècle, les esclaves noirs de la partie occidentale de l’île que partagent aujourd’hui Haïti et la République dominicaine ont initié un mouvement révolutionnaire com-portant un élément fondamental : la solidarité avec toutes les collectivités humaines qui cherchaient leur liberté ou leur émancipation.
Cette vision les a amenés à appuyer le premier pays indépendant des Amériques avant d’obtenir leur propre indépendance. À ce sujet, le président Bill Clinton, lors de sa visite his-torique en Haïti en mars 1995, dans le cadre du rétablissement de l’ordre démocratique, a rap-pelé cette importante contribution disant qu’« Haïti a sauvé la révolution américaine ».
L’aide apportée a été la participation des chasseurs volontaires de Saint-Domingue, à Savan-nah, à une bataille décisive pour l’indépendance des États-Unis, face à l’Angleterre. L’un des 1 500 combattants était Henri Christophe.
En Amérique latine, feu le président Hugo Chavez s’est chargé, avec emphase, de rappeler aux pays de la région, à de multiples occasions, que la liberté dont ils jouissent aujourd’hui provient en grande partie de la rupture avec le colonialisme et l’esclavage qu’ont été l’indépendance et, dans son contexte, la création de la première république noire du monde en 1804.
Sa visite en Haïti, en mars 2007, a été triomphale. Aucun autre chef d’état n’a été autant ac-clamé par le peuple haïtien. La révolution bolivarienne, disait-il, doit à Haïti l’aide apportée à Bolivar entre 1815 et 1816 par Alexandre Pétion, spécialement avec l’expédition militaire qui partit des Cayes pour contribuer à l’indépendance de son pays.
En Colombie, en reconnaissance de cette aide de Pétion à Bolivar pour l’indépendance de son pays, dans le cadre du IIIe sommet des dirigeants et délégués afro-descendants qui s’est tenu en septembre dernier, a été dévoilée une statue du héros haïtien à Cali, avec la description suivante : « Le premier bienfaiteur de la terre grâce à qui un jour l’Amérique proclamera sa liberté » (citation d’une lettre de remerciement du libérateur à Pétion). Avec nos voisins les plus proches, malgré des relations historiquement difficiles, nous avons aussi été présents pour au moins trois moments importants de leur vie politique.
En 1843, Juan Pablo Duarte a compris qu’il était important pour atteindre ses objectifs de sceller une sorte d’alliance stratégique avec les adversaires de Jean Pierre Boyer. Il s’est attiré le soutien, parmi les groupes plus démocratiques, des éléments du mouvement de la réforme qui luttaient contre un régime qui s’était disqualifié aux yeux des Haïtiens eux-mêmes.
Duarte qui n’a jamais été un anti-haïtien est arrivé à exprimer son admiration pour le peuple haïtien en ces mots : « J’admire le peuple haïtien, je vois comment il a vaincu et s’est sorti de la triste condition d’esclave pour se constituer en nation libre et indépendante. Je reconnais qu’il possède deux vertus éminentes : l’amour de la liberté et sa valeur… »
De manière plus convaincante, l’aide haïtienne s’était manifestée de la part du Général-Président Fabre Nicholas Geffrard, durant la guerre de restauration face a l’ Espgane de 1863 à 1865. Entre autres, le gouvernement haïtien a offert des armes, des munitions et des hommes pour le combat au Général Gregorio Luperon. Pendant que son territoire servait de base aux opérations des Dominicains.
Dans l’histoire récente, il faut noter la participation et le don de leur vie, afin de défendre l’autodétermination du peuple dominicain, par plusieurs combattants haïtiens dont le plus célèbre est le poète Jacques Viau, mort au combat en avril 65.
Les relations entre les deux pays, marquées comme celles qu’ils ont eues séparément avec l’Espagne, la France et les États-Unis par des épisodes sanglants et condamnables, ont cepen-dant leurs meilleurs moments dans la solidarité binationale. Cela s’est démontré lors du mas-sacre de 1937 quand beaucoup de dominicains ont protégé leurs compatriotes noirs et les im-migrants haïtiens.
De même lors de tragédies provoquées par les phénomènes naturels comme en 1930, avec le cyclone San Zenon, par l’aide apportée par les Haïtiens, et en 2010 par l’assistance massive autant que généreuse des Dominicains.
Maintenant, devant le péril d’un tsunami légal machiné par un secteur xénophobe anti-haïtien, fidèle à sa vision solidaire historique, et en raison du rejet majoritaire dans la société domini-caine, lequel a commencé au sein même de la Cour Constitutionnelle (TC), Haïti répond : présent !
Présent avec le gouvernement dominicain. Présent avec les secteurs démocratiques. Présent avec les Dominicains qui se regardent dans le miroir de leurs compatriotes migrants. Présent avec les Dominicains membres de la diaspora haïtienne.
Vive la solidarité quisquéyenne !
- Edwin Paraison est Directeur exécutif de la Fondation Zile
Traduit de l’espagnol par Serge Baguidy-Gilbert, Fondation Zile Canada
Source: AlterPresse
https://www.alainet.org/es/node/80114?language=en
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