A l’Est, du nouveau ?

08/01/2014
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Une des grandes lacunes de notre nation dans ses relations avec la république voisine a toujours été le peu d’études et de connaissances universitaires sur un pays avec lequel nous sommes condamnés à coexister !
 
Les institutions haïtiennes sont très peu documentées sur la sociologie et l’évolution d’un pays aux ambitions régionales et qui veut accrocher Haïti à son char conquérant du moins, pour le moment, sur le plan commercial.
 
L’initiative heureuse de la chaire constitutionnelle, Louis-Joseph-Janvier, de l’Université Quisqueya ouvre une nouvelle ère dans la voie à suivre pour une meilleure compréhension des voisins de l’Est.
 
En effet, une pléiade de nos meilleurs chercheurs, un task force regroupant : historiens, juristes, sociologues et constitutionalistes se sont livrés à une lecture savante et exhaustive de l’arrêt de la Cour constitutionnelle dominicaine qui bannit, d’un trait de plume, la nationalité de milliers de dominicains d’origine haïtienne.
 
Une décision inique que nos universitaires à coup d’arguments et de références légales tirés de la constitution dominicaine elle-même, et de la charte de la cour inter-américaine des droits de l’Homme ont vite fait de montrer le caractère scélérat.
 
Cet arrêt qui par son caractère sommaire et arbitraire a précipité la société dominicaine au fond des âges, masque sous des oripeaux juridiques un complot désormais avéré des ultra-nationalistes dominicains contre leurs compatriotes aux lointaines origines haïtiennes.
 
Le travail de nos universitaires a permis de démontrer, avec rigueur, et à l’aune des lois dominicaines elles-mêmes, ce que l’on subodorait déjà, à savoir, la manifestation sous une forme juridique impudente d’une idéologie raciste et ultra-conservatrice qui travaille en profondeur la société dominicaine, jusqu’à commencer le minage de ses institutions comme la très connue, Junta Central Electoral ou le Département de l’immigration. Deux officines qui veillent sur la citoyenneté dominicaine.
 
Il est temps pour nous autres, du côte ouest de la frontière, de nous projeter comme une nation consciente de ses intérêts et prête à de sérieuses négociations sur l’avenir de ce socle commun qu’est l’espace Kiskeya.
 
Tout ceci ne peut se faire dans l’amateurisme, l’improvisation, le coup par coup ; sans le développement d’un savoir, la mise en place d’équipes de chercheurs sur la problématique des relations entre nos deux pays.
 
Rachel Charlier Doucet, une universitaire haïtienne qui maîtrise bien les réalités culturelles et sociologiques de la république dominicaine avait lancé un cri du cœur devant cette méconnaissance de la « logique dominicaine » !
 
Surtout, quand on songe à la quantité de travaux qui s’accumulent dans les rayons des Universités dominicaines sur notre histoire, de St Domingue à Haïti.
 
Une des importantes conclusions du rapport d’experts est que cette affaire dominicano-dominicaine ne nous concerne qu’indirectement.
 
Cependant, son caractère raciste et anti-haïtien nous interpelle et nous ne pouvons qu’exhorter nos voisins qu’au strict respect de leurs propres lois et des législations internationales en la matière qui sont universelles et inaliénables.
 
L’analyste Eriq Pierre dans un article consacré à « l’année qui s’en va, l’année qui s’en vient », fait remarquer, in petto, que les dominicains en dépit du fait qu’ils soient du mauvais cote de l’Histoire jouissent encore d’une meilleure réputation que nous chez une certaine communauté internationale.
 
Ils ont, affirme-t-il, la réputation d’être réellement « open for business » et de disposer d’un important portefeuille d’investissements. Et leur territoire est aménagé avec un souci de l’avenir de leurs enfants.
 
Toute chose qui nous oblige à repenser l’espace haïtien, à le refonder, pour diminuer l’hémorragie que constitue l’émigration humiliante de nos compatriotes vers des cieux pas forcément plus cléments.
 
Plus on continuera à se montrer incapables de garder chez nous dans la dignité, nos compatriotes, plus on continuera à nous observer avec suspicion dans les assises internationales.
 
Et ceux qui nous soutiennent aujourd’hui du bout des lèvres ou avec un certain courage donneront de moins en moins de la voix, face à une fatalité haïtienne que nos inconséquences accumulées auront créée.
 
 
- Roody Édmé est enseignant, éditorialiste
 
 
https://www.alainet.org/es/node/82217
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