La Colombie face à la crise financière internationale, aux mouvements sociaux et au conflit armé interne

10/11/2008
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À l'instar des autres pays latino-américains, la crise financière internationale a eu un impact considérable sur l'économie colombienne.

Cet impact s'est vu aggraver, sur le plan national, par des protestations en série de syndicats et mouvements sociaux exigeant de meilleures conditions de vie et de travail face aux conséquences de la crise financière telles que l'augmentation du coût de la vie dans le pays et la diminution du pouvoir d'achat des familles, constatent des reporters d’AlterPresse.

En même temps, au niveau international, des gouvernements et organismes de droits humains n'ont cessé d'accuser l'actuelle administration du président colombien Ávaro Uribe Vélez de commettre des abus et de cautionner des violations de droits humains contre sa population civile, dont les membres se convertissent de plus en plus victimes de la violence et sont forcés d'abandonner leurs maisons et même leur pays, dans le contexte de conflit interne armé entre l'État, la guérilla (principalement les Forces armées révolutionnaires de la Colombie, les Farc) et les paramilitaires.

Impact de la crise financière internationale sur l'économie nationale

La diminution des flux de capitaux vers le pays, la raréfaction du crédit international, la chute des prix des matières premières exportées (pétrole, nickel, charbon, café…), l'augmentation du déficit commercial, la non disponibilité de capitaux nécessaires pour financer ce déficit et la dévaluation de la monnaie locale (peso colombien) par rapport au dollar américain, constituent les principales conséquences de cette crise sur l'économie colombienne.

Comme corollaires, le taux de chômage a augmenté de 11% dans le pays, alors que le pouvoir d'achat des familles a diminué et la croissance économique a décéléré.

Face à cette situation, le gouvernement colombien a pris des mesures pour « protéger les finances publiques », notamment par l'imposition de restrictions à l'octroi de crédits bancaires et le maintien de la stabilité des indicateurs macroéconomiques.

À souligner que les transferts d'argent provenant de la diaspora n'ont pas été affectés par la crise, mais ils ont plutôt augmenté par rapport à l'année dernière. Des analystes se demandent si cette augmentation n'est pas due au blanchiment d'argent, quand les transferts envoyés par les migrants ont accusé une baisse considérable dans presque tous les pays latino-américains.

Sur le plan social, une explosion de manifestations

Pendant que le gouvernement s'attèle à « maquiller » les effets de la crise, des manifestations en série organisées sur tout le territoire colombien ont éclaté tout au cours du mois d'octobre dernier.

Les syndicats des opérateurs de justice, des leaders des officiers d'État civil, des coupeurs de canne et autres ouvriers de l'industrie sucrière ont gagné les rues pour exiger l'augmentation salariale, des bonifications et autres avantages sociaux face à la hausse vertigineuse du coût de la vie (de l'ordre de 7.5% chaque année).

Par ailleurs, plus de 30 000 indigènes provenant du département de Cauca (au sud de la Colombie) ont réalisé, pendant le même mois, une grande marche pacifique réclamant des terres que les différents gouvernements leur ont promises depuis plusieurs décennies.

Ces manifestations ont reçu l'appui et la solidarité de plusieurs mouvements sociaux et des secteurs politiques à l'intérieur et à l'extérieur du pays.

Dans cette ébullition sociale, le président Álvaro Uribe Vélez a vu « un intérêt de déstabiliser le gouvernement ». Certains analystes ont dénoncé cette tentative du gouvernement de « disqualifier ces mouvements sociaux » qui ont résisté jusqu'ici à la répression des forces publiques.

Au niveau international, des critiques au gouvernement pour abus contre les droits humains

Au niveau international, l'actuel gouvernement colombien est de plus en plus critiqué par d'autres pays et par des organismes de droits humains pour avoir perpétré des abus ou cautionné des violations de droits humains contre la population civile.

L'organisation Amnistie Internationale vient de publier un rapport spécial sur la situation des droits humains dans le pays en 2007.

Ce rapport intitulé « 'Déjenos en paz'. La población civil, víctima del conflicto armado interno de Colombia » (en français, « 'Laissez-nous en paix'. La population civile, victime du conflit armé interne en Colombie ») a fait état de 1 400 homicides perpétrés contre des civils en 2007, dont 330 par les Forces armées, 300 par les paramilitaires et 260 par la guérilla. Le même rapport a indiqué qu'environ 305 000 personnes ont été « déplacées » par la violence et 190 sont portées disparues.

330 exécutions extrajudiciaires ont été réalisées par les forces de sécurité, suivant le rapport. Le président colombien, qui dans un premier moment a démenti ce chiffre avancé par Amnistie internationale, vient de destituer 3 généraux et 24 officiers et sous-officiers pour leur participation présumée à des exécutions extrajudiciaires appelées « les faux positifs » (en espagnol, los falsos positivos).

Le scandale des « faux positifs » se réfère à la macabre complicité entre des militaires et des paramilitaires qui recrutent clandestinement des civils (principalement des jeunes) ou les enlèvent de force pour les assassiner dans des patrouilles nocturnes irrégulières et ensuite présenter leurs cadavres comme étant ceux de guérilleros tués au combat.

Cette stratégie constitue une manipulation visant à prouver l'efficacité des forces de l'ordre dont les membres ayant tué des guérilleros sont grandement rémunérés par le gouvernement.

Cette situation de violation de droits humains et de violence contre les syndicats et autres mouvements sociaux constitue l'une des principales raisons évoquées par les démocrates américains, dont le président des États-Unis d'Amérique récemment élu, Barack Obama, pour s'opposer à la ratification du Traité de Libre Échange (en espagnol, Tratado de Libre Comercio, TLC) signé entre les deux gouvernements depuis 2006.

L'accession au pouvoir du démocrate Barack Obama, qui a promis dans sa campagne de mettre les droits humains au centre de son administration, risque de faire basculer les rapports entre les deux pays.

Cependant, il faudra attendre l'investiture du nouveau président, prévue pour le 20 janvier 2009, et surtout le 5e Sommet des Amériques qui se tiendra à Trinidad et Tobago, du 17 au 19 avril 2009, avec la participation des 34 chefs d'État et de gouvernement du continent.

L’avenir du Plan Colombie dans l'impasse

Troisième plus grand bénéficiaire de l'aide américaine dans le monde après l'Israël et l'Égypte, la Colombie pourrait voir diminuer cette assistance, dont environ 5 milliards de dollars sont consacrés à la dotation de ressources militaires, à la lutte anti-narcotique et au renforcement des institutions démocratiques.

Vu la crise financière ayant occasionné une dette nationale de 500 milliards de dollars et un déficit fiscal de 950 milliards de dollars aux États-Unis d'Amérique et poussé l'administration Bush à renflouer les banques commerciales à hauteur de 700 milliards, le prochain gouvernement américain se verra aussi obligé de réduire son support financier au « Plan Colombie ».

Conçu en 1999 par les présidents, colombien Andrés Pastrana et américain Bill Clinton, le Plan Colombie est un projet binational visant principalement à diminuer le trafic de stupéfiants et résoudre le conflit armé dans ce pays sud-américain.

Initié avec un financement américain de 1.3 milliards de dollars et avec d'autres appuis apportés par le président Clinton en ressources humaines (personnel militaire pour entrainer les forces locales et spécialistes civils pour appuyer l'élimination des plantations de coca), ce plan a reçu une assistance de plus en plus massive de la part de l'administration Bush.

Faisant de la Colombie son principal allié dans la région, de plus en plus dominée par des gouvernements socialistes (principalement, le Venezuela, la Bolivie, l'Équateur, le Nicaragua, Cuba), l'administration Bush a apporté une importante aide à ce pays dans le contexte du Plan Colombie.

Considéré par quelques analyses comme un « plan militariste », le Plan Colombie a permis au gouvernement de Uribe de mener une guerre sans merci contre les Farc qualifiées de « guérilla terroriste et narco » et contre la drogue ; guerre où des méthodes telles que des fumigations avec des produits chimiques très toxiques sont utilisées, entraînant ainsi des conséquences désastreuses pour la survie des communautés paysannes et indigènes.

Dans la foulée de ce même plan, des centaines de milliers de personnes, victimes de la répression des autorités, des paramilitaires et de la guérilla, ont été forcées de laisser leurs maisons et leurs communautés pour se rendre dans d'autres villes et même hors du pays, principalement vers l'Équateur et le Venezuela.
D'autres, moins chanceux, ont été vilement exécutés ou sont portés disparus.

En dépit du succès de quelques opérations militaires menées par l'actuel gouvernement contre les Farc, parents et amis d'autres otages entre les mains de cette guérilla ainsi qu'un important pan de la société colombienne et de la communauté internationale exigent de plus en plus la fin du conflit interne armé et la reprise du dialogue comme seule voie de solution pour un échange humanitaire.

À rappeler que l'une de ces opérations appelée « Opération Jaque » a permis la libération de l'otage franco-colombien Ingrid Bétancourt, de 3 militaires américains et de 11 militaires et policiers colombiens.

Vers la reprise du dialogue entre les Farc et le gouvernement colombien ?

À présent les Farc sont très affaiblies, suite à l' « Opération Jaque », à l'assassinat d'un de leurs chefs, Raúl Reyes à la frontière avec l'Équateur, à la fuite du guérillero « Isaza » en compagnie de l'ex parlementaire séquestré Óscar Tulio Lizcano et à la désertion de plusieurs de ses intégrants.

Elles viennent d'accepter la proposition d'un groupe d'intellectuels colombiens pour reprendre le dialogue, initié par le président vénézuélien Hugo Chávez et la sénatrice colombienne Piedad Córdoba et brusquement interrompu par l'actuel gouvernement.

La balle est actuellement dans le camp du président Uribe, élu en 2002 et réélu en 2006, qui se présentera probablement aux prochaines élections de 2010, s'il sort gagnant du référendum visant à modifier la Constitution. Le Congrès colombien est en train de discuter de l'autorisation de ce référendum.

5e puissance économique de la région derrière le Brésil, le Mexique, l'Argentine et le Venezuela, la Colombie compte une population d'environ 44 millions d'habitants.

Partageant des frontières avec l'Équateur, le Panama, le Brésil, le Venezuela et le Pérou, la Colombie s'étend sur une superficie de 1 141 748 kilomètres carrés

http://www.alterpresse.org/spip.php?article7863

https://www.alainet.org/fr/active/27370
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