Défis de l’intégration et enjeux pour Haïti

22/12/2008
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Bogotá

La lutte pour le leadership régional, la crise interne de certains pays et des conflits entre des gouvernements constituent de sérieuses menaces susceptibles d’entraver le processus d’intégration de l’Amérique Latine et la Caraïbe. Quels enjeux pour Haïti dans une région en mutation ?

Les pays de l’Amérique Latine et de la Caraïbe sont entrés dans le processus de formation d’un nouveau bloc autonome et souhaitent avancer vers la création d’organismes et de mécanismes d’intégration.

C’est ce qui ressort du premier sommet régional, tenu à Salvador de Bahía (Brésil), les 16 et 17 décembre dernier, avec la participation des dirigeants de 33 pays de ce nouveau bloc, dont Cuba, et sans la présence des deux voisins de l’Amérique du Nord (les États-Unis d’Amérique et le Canada) et de l’Europe.

Cependant, plusieurs conflits menacent d’entraver ce processus de rapprochement et de coopération régionale.

Par exemple, un vieux différend oppose le Chili et le Pérou à propos de limites maritimes, tandis qu’un conflit pointe entre l’Uruguay et l’Argentine suite à des incidents liés au blocage du pont Gualeguaychú- Fray Bentos.

Au début de l’année, l’Équateur et la Colombie ont eu des frictions en raison de l’incursion de l’armée colombienne dans la frontière avec l’Équateur, ayant débouché sur la mort d’un des leaders des Forces Armées Révolutionnaires Colombiennes (Farc), Raúl Reyes.

Le Venezuela s’est impliqué dans ce conflit frontalier en s’alliant à l’Équateur contre la Colombie qui a, pour sa part, interprété comme une menace de guerre les manœuvres militaires navales réalisées conjointement en novembre dernier par les armées russe et vénézuélienne dans la mer des Caraïbes.

Par ailleurs, le Brésil et l’Équateur viennent de rompre leurs relations diplomatiques, suite à l’annonce faite le 23 novembre dernier par le président équatorien Rafael Correa de réviser le paiement d’une dette externe de son pays envers la Banque de Développement Économique et Social (Bdes) du Brésil, pendant que le chef d’État équatorien a initié une demande d’arbitrage par devant la Chambre de Commerce International à Paris.

Applaudie par les pays membres de l’Alternative Bolivarienne pour les Amériques (Alba), cette décision de Correa a conduit le président brésilien Lula à rappeler « pour consultations » son ambassadeur à Quito, Antonino Marques Porto.

À rappeler que la dette de l’Équateur, estimée à quelques deux cents millions de dollars américains, a été contractée pour la construction du barrage hydroélectrique de San Francisco par la firme brésilienne Odebrecht. Cependant, ce barrage a révélé des failles peu après son achèvement par l’entreprise sud-américaine, qui a été immédiatement expulsée de l’Équateur par le président Correa.

Le président paraguayen Lugo envisage lui aussi de réviser la légitimité de la dette externe de son pays envers la Bdes. Même son de cloche du côté de la Bolivie.

Face à cette situation, Lula menace de paralyser le financement des grands projets en cours dans le cadre de la coopération sud-américaine, si ses voisins persistent dans cette attitude de miner la confiance pour la concession de crédits, a prévenu le chef d’État brésilien.

En outre, le Paraguay a demandé au Brésil de réviser le Traité d’Itaipu, la plus grande centrale hydro-électrique au monde qui régule les opérations du barrage du même nom et appartenant aux deux pays.

Ces pays qui sont sur le point d’entrer dans un bras de fer avec le Brésil ainsi que d’autres gouvernements de gauche comme Cuba et le Nicaragua font cause commune avec le Venezuela qui aspire au leadership régional, même quand Hugo Chávez a affirmé au cours du Sommet qu’ « en lieu et place d’un seul et unique leadership, pour le bien de l’Amérique latine il y a un ensemble de leaderships, de pays leaders, d’hommes leaders, de femmes leaders, de peuples leaders, il y a une nouvelle Amérique latine ».

Quels enjeux pour Haïti ?

Quels sont les enjeux pour Haïti dans cette nouvelle configuration de forces dans le continent américain ? Que peut gagner Haïti dans ce nouveau bloc régional dont le Brésil et le Venezuela se disputent le leadership ?

Confronté à une situation de pauvreté extrême, à une crise politique chronique, à la récurrence du phénomène de l’insécurité et à des crises humanitaires successives découlant du passage des ouragans et des catastrophes naturelles, Haïti nécessite l’aide de toute la Communauté internationale pour répondre à ces besoins urgents et fondamentaux.

Mais, le pays a aussi besoin de se reconstruire, en se dotant d’infrastructures, de ressources humaines et de services de base pour relancer son économie et la production locale. Autant de priorités structurelles qui exigent des actions systématiques, précises, durables et de long terme

L’actuel président haïtien René Préval a fait part de sa volonté d’inclure cet aspect structurel dans son administration. Par exemple, il a insisté à maintes reprises sur la nécessité de redéfinir et réinventer la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (Minustah), notamment en remplaçant les tanks de guerre par des tracteurs et des bulldozers pour aider à la construction des infrastructures nécessaires dans le pays.

En outre, les casques bleus de cette mission de paix onusienne proviennent en grande partie des pays de l’Amérique Latine, dont l’Argentine, la Bolivie, le Chili, l’Équateur, le Guatemala, le Pérou, l’Uruguay, le Paraguay et la Colombie, et sont dirigés par le Brésil.

En ce sens, la constitution d’une intégration régionale donnerait au gouvernement haïtien une grande opportunité pour promouvoir et défendre cette réorientation à donner à la Minustah et à son budget annuel de plus de 600 millions de dollars américains (par exemple, ce budget s’élève à 601,58 millions de dollars américains seulement pour la période allant du premier juillet 2008 au 30 juin 2009).

Par ailleurs, l’administration haïtienne pourrait aussi profiter de ce nouvel et ample espace supranational, animé beaucoup plus par l’esprit de fraternité et de solidarité que par le désir de suprématie et d’hégémonie, pour établir des liens de coopération avec des pays de la région, en accord avec les potentialités de chacun d’entre eux.

Le modèle de coopération avec Cuba en matière de santé pourrait aussi s’appliquer dans nos rapports avec d’autres pays de la région dans des domaines tels que l’agriculture, l’alphabétisation, l’éducation, le tourisme, l’énergie, la sécurité frontalière, la lutte contre la drogue, le transfert de compétences et de connaissances, le sport…

Haïti devrait aussi profiter de son statut de membre de plein droit dans la Caricom pour participer aux négociations multilatérales entre cette association caraïbéenne et d’autres pays et blocs politiques et économiques des pays de l’Amérique latine.

Source: ALTERPRESSE

http://www.alterpresse.org


 
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