Comment a-t-il réussi à flanquer un tel bordel ?

25/02/2009
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Au vu de l'Etat du monde, on peut s'interroger: comment un individu aussi médiocre, je parle de l'ancien président Bush, a-t-il réussi à créer une telle apocalypse ? Qu'il s'agisse de l'économie non seulement de son pays mais du monde, de l'insécurité généralisée qui est le résultat de politiques et d'interventions criminelles, tout n'est que désordre et situations inextricables dont personne ne sait comment se dépêtrer. Comment ce fils à papa inculte et intempérant, en proie aux certitudes fondamentalistes les plus étranges, cet être psychorigide a-t-il en si peu de temps obtenu de si monstrueux résultats? Et peut-on penser que le vertueux Obama va pouvoir remonter les chutes du Niagara ouvertes par son prédécesseur ? N'y a-t-il pas là une image naïve et hélas bien loin de la réalité.

La logique sécuritaire engendre le développement de la dangerosité

L'article que nous publions sur l'Iran(1) témoigne par exemple de l'effet domino de la politique suivie non seulement contre ce pays mais contre son environnement. L'article montre que l'Iran ne cherche sans doute pas à développer le nucléaire militaire mais qu'il est bien évident que tout nucléaire civil peut y conduire. Et vu que la politique étasunienne de ces dernières années a consisté à faire monter les périls autour de ce pays par ailleurs diabolisé, l'article insiste légitimement sur la manière dont l'environnement créé à l'Iran l'oblige à aller vers la bombe dissuasive. Si l'intervention irakienne a débouché exactement sur son contraire espéré, c'est-à-dire le renforcement de l'aire d'influence iranienne sur l'Irak jusqu'ici dominé par les sunnites, il est clair par ailleurs que les périls qui entourent l'Iran à partir de l'Afghanistan où il y a la crainte du retour des ennemis talibans, mais également l'accroissement de l'instabilité pakistanaise ont abouti à développer les craintes iraniennes, donc des reflexes sécuritaires. Péril au nord est mais aussi au sud ouest, avec les voisins sunnites au premier rang desquels l'Arabie saoudite, et surtout l'intenable, violent Israël dont l'article bizarrement ne parle pas alors qu'il s'agit bien évidemment d'un des périls les plus évidents. Résultat, si comme il l'a annoncé Barak Obama négocie avec l'Iran, officiellement et officieusement, ce qui est la voie de la sagesse, il y a désormais des dépôts d'explosif que plus personne ne contrôle même pas les deux négociateurs que sont l'Iran et les Etats-Unis, les acteurs secondaires sont prêts pour la mise à feu. La seule solution serait donc d'intégrer ces acteurs dans un système d'alliance plus responsable, facteur de paix, comme l'Organisation de Coopération de Shanghai. Mais est-ce que cette organisation a la capacité de supporter de nouvelles intégrations régionales ? Et surtout est-ce que les Etats-Unis vont accepter ce qui est de fait la réalité d'un monde multipolaire ?

Ce qui est bon pour l'Amérique est bon pour le monde

Là est bien le problème, celui que l'on retrouve dans tous les domaines de la catastrophe bushienne. Il y a une logique étasunienne qui s'est construite historiquement sur une longue période et qui ne semble pas mise en cause fondamentalement par Obama. C'est une sorte de vision messianique du rôle des Etats-Unis et qui leur donne tous les droits. Ce pays et ses dirigeants ne respecteront le droit international et la souveraineté des autres nations que tout autant que cela sert les intérêts particuliers des Etats-Unis et de sa caste dirigeante. Cette logique remonte très haut dans l'histoire, depuis la prédestination puritaine en passant par la doctrine Monroe (être le gardien du continent entier du pôle nord à la terre de feu, empêcher l'Europe d'y installer sa colonisation vire rapidement à la rapacité et au droit à l'exploitation), mais ce sera la guerre froide et la théorie élaborée par Truman (l'endiguement partout du communisme) qui va faire des Etats-Unis ce qu'ils sont. Une véritable monstruosité, avec droit d'intervention sur toute la planète, intervention occultes de la CIA, assassinat de chefs d'Etat, déstabilisation, campagnes de presse et enfin interventions militaires y compris en priorité contre les populations civiles, d'Hiroshima au blocus, et ce n'est pas le médiocre Bush qui serait un accident de l'histoire, mais bien le système qui produit des Bush et s'imposer à des gens de bonne volonté comme Carter. Il n'est pas jusqu'au "détails" qu'il est difficile dans de telles conditions de "corriger", l'exemple de Guantanamo dont le 22 janvier Obama a ordonné la fermeture et qui résiste, persévère dans son être est l'exemple de la difficulté de toute réforme, la plus minime soit-elle.

Dans le domaine économique, c'est peut-être pire. On ne produit pas la terrible crise alimentaire qui est en train d'atteindre des milliards d'individus sans une accumulation de choix sur une langue période, à commencer par le protectionnisme de l'agriculture du nord, la destruction d'économies paysannes du Tiers monde, et plus récemment l'extension des bioénergies. C'est tout un modèle de pillage au profit des mêmes qui va tenter de perdurer quoiqu'il en coûte. Il n'y a pas que la crise financière et si celle-ci a pu servir de déclencheur c'est d'abord qu'elle reposait sur l'asphyxie des salariés, des producteurs réels contrebalancée fictivement par leur incitation à l'endettement. Il y avait un système non seulement de "services" dans les pays occidentaux, mais une économie combinant le complexe industrialo-militaire comme seul facteur d'innovation et la haute finance, les deux pompant à leur profit tous les effets de productivité. Et rien ne paraît susceptible d'arrêter ces forces là, l'idée même de régulation est contradictoire avec ce qu'elles représentent. Même ceux qui refusent de voir que nous sommes dans une crise du mode de production capitaliste et veulent en limiter la portée à une simple absence de régulation, constatent  que la crise financière vient de loin, en particulier de la manière dont le dit capitalisme étasunien durant la guerre froide et après celle-ci quand l'éblouissement du triomphe sur l'Union soviétique a débouché sur une fièvre de puissance sans limite, a utilisé l'hégémonie du dollar acquis après la mise en place en 1944 des institutions de Bretton Woods. L'apothéose actuelle est le résultat direct des politiques de dérégulation des banques et du crédit initiées par Ronald Reagan, puis poursuivies par ses trois successeurs (Bush I-Clinton-Bush II) avec l'assentiment de l'inamovible président de la réserve fédérale de 1987 à 2006, l'ultralibéral Alan Greenspan. Quelques uns des responsables en ont vaguement pris conscience mais pas toute une partie de la population et surtout des élus républicains(2)

Nous sommes devant des logiques paradoxales et dont on voit mal comment il est possible d'en sortir : la mondialisation sous hégémonie étasunienne a produit un tel niveau d'insécurité généralisé que chaque pays est condamné comme l'Iran par souci de sécurité à accroître la dangerosité générale, comme en économie le retour au protectionnisme dont chacun dit le plus grand mal semble la seule voie de salut dans l'immédiat. Et ce alors que l'on a jamais tant parlé de gouvernance mondiale. L'idée même que celle-ci soit si peu que ce soit dans la logique étasunienne est vécue comme le pire des maux, mais qui peut imposer autre chose tout en prétendant conserver un système, un mode de production aussi catastrophique ?

Changer un petit quelque chose pour conserver l'essentiel ?


Si Barak Obama a été élu me rétorquera-t-on c'est que la population des Etats-Unis a pris justement conscience des conséquences de la catastrophe, et que les élites capitalistes celles de Wall Street ont souhaité une intervention salvatrice de l'Etat. Oui mais justement, ne s'agit-il pas de préserver en changeant l'emballage ? Aux Etats-Unis, le «stimulus» de près de 800 milliards de dollars proposé par Barack Obama, et qui semble de toute manière loin des exigences de l'heure, a été voté à la Chambre des représentants sans aucune voix républicaine, et au Sénat avec trois voix de droite (sur quarante). Pendant l'élaboration du projet, le leader républicain du Sénat, Mitch McConnell, a manqué de s'étrangler sur Fox News en dénonçant «ce programme socialiste [visant] à transformer l'Amérique en Europe occidentale».Tenez-vous bien pour la droite (tout de même la moitié de l'électorat contre vents et marais et plongeant en profondeur dans cette idéologie des Etats-Unis imposant leur logique au reste du monde), cette référence à l'Europe occidentale est un raccourci qui désigne quasiment un avatar du communisme: une protection sociale excessive selon eux qui empêche le dynamisme des individus, fausse le libre marché du travail, le tout encore aggravé par un droit du travail bien trop favorable aux salariés, le tout financé par des impôts trop élevés et produisant donc en bonne logique néolibérale du chômage.(3) Et bien évidemment la France est au premier rang de ceux que l'on caricature dans ce domaine. On ne cesse de brocarder sur l'impossibilité de réformer ce pays, tant ses habitants se mettent en grève dès que l'on prétend toucher à leur modèle.

Ce qui est d'ailleurs partiellement inexact vu que depuis les années quatre-vingt, les gouvernements de gauche comme de droite ont imposé des "réformes" allant dans le sens du modèle étasunien(4). Mais Sarkozy devait être, et cherche toujours à être l'homme qui enfin fera sauter les verrous. La crise, l'échec patent du modèle anglo-saxon le place devant des contradictions multiples, d'où l'incohérence d'un discours gaullien, interventionniste, et dans les faits la politique d'intégration à l'OTAN, les cadeaux sans contrôle aux plus riches et la pression toujours accrue sur les plus faibles au moment où le mécanisme d'endettement est bloqué. Il y a dans cette classe qui entraine le monde vers les abymes un choix des ornières tout à fait remarquable.

Mais pour revenir aux Etats-Unis et à notre interrogation initiale sur la manière stupéfiante dont un individu médiocre aurait pu créer un aussi gigantesque bordel, le vrai problème auquel est confronté la volonté réformatrice d'un Obama, si volonté réformatrice il y a, c'est que Bush et son équipe de cinglés, ne sont que le produit d'un système qui s'est construit sur de nombreuses années, sur deux siècles et qui est allé empirant depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Si la base en est en particulier au plan international que l'on accepte la souveraineté des autres pays que tout autant que cela sert les intérêts des Etats-Unis, il est évident que le charme, la capacité d'ouverture de la nouvelle administration reste très limitée. La seule chose qui puisse limiter cette nuisance fondamentale est le rapport des forces, c'est ce qu'ont compris les Chinois, les Russes et bien d'autres peuples. On peut considérer à cet effet comme plutôt rassurant que madame Clinton ait été négocier auprès des Chinois la poursuite de leurs capacités à éponger les bons du trésor étasunien vu que les alliés japonais sont encore en plus piteux état que les Etats-Unis eux-mêmes. Mais sur le fond rien ne change sur le fond de la doctrine qui est de n'accepter que contraint et forcé l'existence d'autres intérêts souverains. Ce que l'on constate au plan international repose en fait sur une conception que la droite bushienne a porté jusqu'à la caricature c'est que cette vision du droit international repose sur une conception de la société idéale étasunienne. On peut dire que si le capital n'a pas de patrie, il a trouvé dans les Etats-Unis non seulement son bras armé mais son mode idéal d'exercice sociétal. Il ne s'agit donc pas seulement du déclin bien des fois annoncé d'un empire mais celui d'un système social, d'un mode de production qui s'est développé depuis de nombreux siècles, s'est étendu à toute la planète et dont le moins que l'on puisse dire est que l'alternative se dessine à peine et surtout par la négative.

Il suffit de bouger un petit quelque chose pour que tout explose ?

Plusieurs observateurs ont parlé d'Obama comme d'un Gorbatchev de l'empire étasunien. On peut considérer effectivement Gorbatchev et son rival Eltsine comme le fin du fin d'un système de pouvoir qui ne finissait plus que par produire des êtres médiocres ne sachant que conquérir des appareils, et confondant les manœuvres de couloirs, les dédales du sérail avec une stratégie politique. Ils étaient destinés à détruire le socialisme dans l'ex-URSS, entraînant dans leurs manœuvres, à la fois une alliance de peuples et droits sociaux qui valaient mieux que ce pourrissement de la tête et du pouvoir politique. Quand nous avons avec les Etats-Unis, un système encore plus nocif, dont les dirigeants ne sont produits que dans des batailles électorales avec des médias complètement contrôlés, fabriquant des dirigeants centrés sur le secondaire, on peut effectivement se dire qu'il naîtra un jour un Gorbatchev qui plein de bons sentiments mais sans moyens réels d'affronter ceux qui l'ont fait roi finira bien par faire exploser son monde. Oui mais quel type d'explosion ?

(1)Les préoccupations sécuritaires de l'Iran pèsent lourd Par Kaveh L. AfrasiabiAsia Times Online Ltd/Traduction : JFG-Questions Critiques.

(2). Greenspan lui-même, devant le Congrès, a reconnu il y a quelques mois «avoir trouvé des failles [dans les théories néolibérales]. J'en suis très perturbé».  

(3) Le Royaume Uni, même dirigé par un travailliste Blair, a suivi le modèle étasunien et c'est actuellement le pays le plus contaminé. Comme l'a déclaré récemment Gilles Moec, économiste en chef à la Bank of America, à Londres. « Quand la crise des "subprimes" a démarré aux Etats-Unis, nous avons regardé quels étaient les pays qui possédaient des caractéristiques similaires et qui étaient susceptibles d'être affectés,  on est tout de suite tombé sur la Grande-Bretagne, qui possédait un mélange identique de bulle immobilière, de fort endettement des ménages et d'économie reposant sur la consommation à crédit. »

(4) Qui aurait la cruauté de reprocher à l'ultime candidate socialiste aux présidentielles son admiration pour Tony Blair ou la découverte par B.Delannoé du social libéralisme…

https://www.alainet.org/fr/active/29115?language=es
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