La crise au Honduras exige de nouvelles sanctions
- Opinión
Hier, l’Organisation des États américains (OEA) a échoué dans sa tentative d’obtenir un accord sur le retour du président hondurien Manuel Zelaya. Pour Félix Molina, co-directeur de Radio Progreso, cet échec doit marquer le début d’une nouvelle étape.
Alors que la mission diplomatique de l’OEA quittait Tegucigalpa ce mardi, sans que le président de facto Roberto Micheletti ait accepté de signer l’accord de San José, le journaliste hondurien déclarait qu’il était nécessaire que de nouvelles sanctions soient prises. Des sanctions qui soient en lien avec les « aspects commerciaux, économiques, financiers, politiques et y compris migratoires ».
La mission, composée de sept membres accompagnés du secrétaire général de l’OEA, José Miguel Insulza, a tenu une conférence de presse à l’issue de sa visite de deux jours dans la capitale hondurienne. Elle a signalé que le président de facto et ses partisans sont les seuls à refuser tout compromis. Micheletti a exprimé son désaccord quand à la restitution de Manuel Zelaya à son poste de président de la République et quant à l’amnistie politique dont celui-ci bénéficierait, deux points clés de la proposition formulée par le président du Costa Rica, Oscar Arias. D’un ton défiant vis-à-vis de la délégation étrangère, Micheletti a dit aux représentants de l’OEA que son régime n’avait pas peur des sanctions.
Pour sa part, le président Zelaya a réitéré – à travers des déclarations de la Première dame, Xiomara Castro de Zelaya – sa décision d’accepter chacun des douze points qui figurent dans l’accord, même si celui-ci tronque le processus enclenché avant le coup d’État, de consulter les Honduriens sur leur volonté ou non de mettre en œuvre des réformes constitutionnelles.
Par ailleurs, la pression exercée par certains groupes favorables à la proposition d’Oscar Arias semble prendre de l’importance. Jesús Canahuati, président de l’Association des maquiladoras du Honduras a déclaré hier à Radio Globo, que son organisation était en faveur de l’accord de San José. Les forces armées sont visiblement en train de discuter de cette question, mais elles n’ont encore fait aucune déclaration publique.
Selon le journaliste Félix Molina, si une solution n’est pas rapidement trouvée, la situation va devenir plus compliquée et plus préoccupante encore. Dans un tel cas de figure, « la protestation sociale va s’amplifier, et avec elle la répression militaire et policière ».
La semaine dernière, une délégation de la Commission Interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a relevé des milliers de détentions arbitraires, l’usage disproportionné de la force publique contre les opposants au coup d’État et de sérieuses limites à la liberté de la presse lors des deux mois qui viennent de s’écouler. La délégation a conclu que « seul le retour de l’institutionnalité démocratique au Honduras permettra qu’existent les conditions pour un réel respect des droits humains de tous les habitants du Honduras ».
La Fédération internationale des droits de l’homme demande aussi des sanctions
« Au Honduras, la démocratie n’est pas garantie, pas plus que la liberté d’expression ou les libertés personnelles », déclarait mardi après-midi Luis Guillermo Pérez, Secrétaire général de la FIDH.
Lors d’une réunion à laquelle il a assisté cette semaine avec Carlos H. Reyes, candidat indépendant pour les prochaines élections présidentielles, et le député Marvin Ponce, il a pu constater que Reyes souffrait d’une fracture de la main, alors que Ponce souffrait lui de fractures du bras et de plusieurs côtes. Ces blessures leur ont été infligées par la police nationale. Pérez a reconnu le manque de garanties démocratiques pour les prochaines élections : « Nous continuerons d’insister sur le fait que le résultat des élections ne devrait pas être reconnu par la communauté internationale…, que toute forme de coopération avec les autorités putschistes devrait être suspendue, et que des sanctions économiques devraient être adoptées contre tous ceux qui ont appuyé ou qui soutiennent le coup d’État au Honduras ».
« Telle est la position de la FIDH, du Centre pour la justice et le droit international (CEJIL) et d’autres organisations qui ont décidé de mettre en place un observatoire international sur la situation des droits humains au Honduras. Nous adresserons des rapports mensuels sur l’évolution de la situation à différents organismes comme l’OEA, l’ONU et l’Union Européenne ».
Pérez pense que le coup d’État n’était pas dirigé contre Manuel Zelaya, dont le mandat présidentiel s’achève en novembre 2009, mais plutôt contre la majorité des Honduriens. La possibilité d’une réélection à la présidence de la République n’a jamais été mentionnée avant la consultation qui était prévue le 28 juin. Il était seulement question de demander aux Honduriens s’ils étaient favorables ou non à la présence d’une quatrième urne lors des prochaines élections, et que cette urne concerne un referendum sur la possibilité de convoquer une assemblée nationale constituante pour réformer la Constitution du pays. Pérez affirme avoir pu vérifier que 60% de la population hondurienne aurait voté en faveur de la proposition du président Zelaya, si la consultation avait eu lieu.
Pérez a conclu sa déclaration en citant l’article 45 de la Constitution du Honduras : « Est puni tout acte qui interdit ou qui limite la participation du citoyen à la vie politique du pays ». D’après lui, c’est dans la violation de cet article que réside le véritable crime commis par le régime de facto, et il est important d’y prêter une plus grande attention.
Des mesures concrètes
Les États-Unis ont franchi un pallier hier en faisant à nouveau pression sur le régime de facto pour qu’il accepte de signer l’accord de San José. Au-delà des aides qui ont déjà été suspendues, les Etats-Unis n’accorderont de visas qu’aux immigrés Honduriens et en cas d’urgence, tant que le régime de facto n’acceptera aucun compromis. De son côté le Canadien Peter Kent, membre de la mission de l’OEA et ministre d’État des affaires étrangères (Amériques), a dit que son pays refuserait de s’aligner sur les Etats-Unis et l’Union Européenne, pour la suspension des aides au Honduras.
Lorsque la question des sanctions lui a été posée, Peter Kent s’est bien gardé de mentionner une quelconque mesure concrète : « en ce moment, nous sommes encore en train de négocier et d’essayer de faire aboutir l’accord de San José ». Dimanche dernier, dans un entretien accordé à Embassy Magazine, il déclarait : « toute sanction ou suppression d’aide aura en premier lieu un impact direct sur les plus démunis dans cette crise, à savoir la population civile ».
Pourtant, sans de telles pressions, il est difficile d’envisager qu’un accord opportun puisse voir le jour. En dernière instance, la position du Canada éloigne ce pays de ceux qui demandent des mesures plus énergiques pour assurer la protection des Honduriens, déjà gravement affectés par la crise.
(Traduit et publié en français par info sud télé)
- Jennifer Moore, journaliste indépendante canadienne, écrit depuis Honduras pour ALAI et FEDAEPS.
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