Lecture critique de l’opération du 8 mars
11/03/2012
- Opinión
Plusieurs personnalités décèlent une nouvelle atteinte à la souveraineté nationale et un mépris total des institutions républicaines, dans l’opération du 8 mars au palais national, où le président Michel Martelly a présenté huit passeports haïtiens à des religieux en présence de diplomates étrangers et de la presse, en vue de prouver sa nationalité haïtienne.
Plusieurs membres du corps diplomatique dont les ambassadeurs Keneth Merten des Etats-Unis et Didier Lebret de la France, la nonciature apostolique et de nombreux journalistes ont assisté à l’évènement.
Autorisé par Martelly, l’ambassadeur américain a pris la parole pour affirmer que, le président, qui a détenu une carte de résidence aux Etats-Unis jusqu’au 2 mai 2011, « n’est pas américain » mais « haïtien ».
Atteinte à la souveraineté nationale
L’ex-sénateur Edgard Leblanc Fils, ancien coordonnateur de l’Organisation du Peuple en Lutte (Opl) qualifie la cérémonie du 8 mars de « mise en scène préparée », car la politique « c’est un peu du théâtre ».
« C’est une scène regrettable que le président de la République soit arrivé à demander à l’ambassadeur (américain) de se prononcer publiquement sur une affaire nationale », regrette Leblanc, dans une interview accordée à AlterPresse.
« Ainsi, le Chef de l’Etat a conforté l’ingérence de l’international dans les affaires internes du pays », estime-t-il en rappelant que « la souveraineté nationale haïtienne est sous surveillance internationale. »
Christian Rousseau, dirigeant du parti Action pour Construire une Haiti Organisée (AKAO) estime que « l’appel à la rescousse de l’ambassadeur Merten est un déni de la souveraineté nationale. Ce qui est triste, c’est le président lui-même qui donne à l’international l’occasion de consacrer cette perte de souveraineté ».
« Cet acte scelle totalement notre perte de souveraineté » s’indigne Didier Dominique, syndicaliste de Batay Ouvrier (Lutte ouvrière).
Cependant, Dominique invite les ouvriers à la vigilance par rapport « à la bouffonnerie de Martelly et de quelques sénateurs » qui veulent occuper leur esprit alors que « l’impérialisme avance dans ses projets d’exploitation outrancière de leur capacité de travail à bon marché notamment dans les zones franches ».
Mépris du parlement ?
Réagissant dans les médias de la capitale, le porte-parole de la plateforme politique Alternative, Evans Paul, rappelle que la plateforme « Religions pour la paix », qui fait office d’intermédiaire entre la présidence et le sénat, ne peut prendre la place du parlement.
Pour lui, Martelly n’avait d’autre chose à faire que de soumettre ses documents à la commission d’enquête du Sénat.
Le député de Léogâne, Danton Léger, est également de cet avis. Il rappelle que « le parlement, au même titre que l’exécutif, est co-dépositaire de la souveraineté nationale ».
« L’acte du président est un exemple caractéristique de la mise à l’écart de l’institution parlementaire », juge Christian Rousseau.
Franck Séguy, professeur de sociologie à l’université và plus loin. « C’est un coup d’Etat contre les institutions républicaines particulièrement le parlement, contre les luttes populaires qui ont permis la création de ces institutions à la chute de Duvalier. »
« Le président de la république ne connait d’institution que lui-même. D’ailleurs il est allergique à la démocratie. En témoignent son refus d’organiser des élections et ses agissements envers l’université comme espace démocratique », renchérit Séguy.
D’autre part, cette affaire pousse Didier Dominique à s’interroger sur la laïcité en Haiti. « Peut-on parler de séparation de l’Eglise de l’Etat », se demande le syndicaliste.
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