Campagne sans propositions

04/04/2004
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Le 2 mai 2004 auront lieu les élections générales au Panama dont les résultats feront connaître un nouveau président de la République, 75 législateurs, 66 maires et 616 représentants. Les serviteurs publics élus demeureront cinq ans à leur poste, jusqu'en septembre 2009. Parmi les candidats à la Présidence, on remarque Martín Torrijos (40 ans), fils du général populiste qui négocia les traités du Canal signés en 1979, lesquels mirent fin à la présence coloniale nord-américaine au Panama. Il y a aussi Guillermo Endara (67 ans), qui monta sur le trône présidentiel après l'invasion militaire nord-américaine en 1989. Et encore José Miguel Alemán (50 ans), dauphin de la présidente sortante Mireya Moscoso. Le quatrième candidat est Ricardo Martinelli (53 ans), membre des derniers gouvernements en place, qui assure être un entrepreneur dépourvu d'intérêt pour la politique. La campagne présidentielle de 2004 s'est caractérisée par l'absence de propositions. Les candidats ont évité de se prononcer sur les problèmes les plus importants du pays. L'attitude des candidats contraste avec les campagnes réalisées lors des trois dernières élections. En 1989, la campagne fut dominée par la question de la démocratie et la présence d'un régime militaire autoritaire. En 1994, la campagne tourna autour de l'économie, des privatisations et de la flexibilisation. En 1999, le débat se centra de nouveau sur l'économie, mais sur la nécessité d'humaniser les mesures néolibérales qui avaient jeté plus de la moitié de la population sous le seuil de la pauvreté. Aucun candidat n'aborde les causes des problèmes L'absence de propositions politiques peut résulter, d'une part, de la méconnaissance des problèmes ou, d'autre part, de la volonté d'éviter les responsabilités. C'est probablement une combinaison d'ignorance et d'irresponsabilité. Aucun des quatre candidats ne présente de propositions pour faire face à la détérioration de la situation économique. L'échec du modèle économique néolibéral (privatisations, assouplissement et dérégulation) n'a suscité chez les candidats aucune proposition alternative. Tous reconnaissent les effets de la crise - chômage, pauvreté et violence - mais aucun d'eux n'aborde les causes en vue d'apporter la meilleure solution aux problèmes. La crise du secteur agricole, base de toute politique économique à moyen terme, n'est pas non plus abordée. On continue de manier l'idée que les paysans expulsés de la campagne seront absorbés par la dynamique urbaine. Cependant, la politique néolibérale a freiné le développement du secteur secondaire, et la masse ouvrière a été jetée dans le secteur informel de l'économie. Dans le cas particulier du Canal de Panama, les candidats ont déclaré méconnaître l'importance de cette œuvre stratégique qui unit les deux océans. L'incertitude règne dans le pays autour de l'avenir du Canal de Panama. Le comité directeur de l'Autorité du Canal de Panama (ACP) possède un agenda qu'il ne partage pas avec le reste du pays. Les travailleurs organisés, les corporations d'entrepreneurs et les autres secteurs n'attendent que des surprises. Même les paysans se heurtent à l'ACP, et les écologistes maintiennent ses abus sous une constante surveillance. Les candidats ne veulent pas s'immiscer dans les affaires du canal. (Au milieu de l'incertitude, Martín Torrijos a choisi sans raison apparente un membre du comité directeur de l'ACP pour en faire son candidat à la vice-présidence). Martín Torrijos annonce dans son programme qu'il favorisera le tourisme et le transport maritime pendant les cinq années de son gouvernement. Il parie sur ce qu'il tient pour un gagnant sûr puisque ces deux secteurs comptent au petit nombre de ceux qui ont connu une croissance ces dernières années. En matière de politique internationale, il déclare qu'il "respectera les droits humains". Alemán, pour sa part, assure qu'il poursuivra l'œuvre sociale entreprise par la présidente Moscoso, en particulier dans les zones rurales. Il indique en outre qu'il ne permettra pas l'aggravation de la corruption qui sévit à tous les niveaux. Endara signale qu'il annoncera son programme de travail à son arrivée à la présidence. Il promet de convoquer une constituante pour modifier les règles qui servent actuellement de base au gouvernement du pays. Martinelli promet de créer des emplois et de « marcher avec le peuple ». Le silence de la campagne, interrompu par les coups de sifflet des caravanes de véhicules « tout-terrains » qui se promènent par les villes du pays pendant les débats télévisés, se fait encore plus assourdissant chez les candidats aux postes de législateurs, maires et représentants. Dans leurs cas, la plupart des candidats rivalisent d'inventivité pour créer des images inexistantes, et prouvent ainsi leur haut degré de méconnaissance du pays. A un moment, l'affrontement entre le maire actuel de la ville de Panama, Juan C. Navarro, qui veut être réélu, et Marco Ameglio, qui avait été pré-candidat officiel à la présidence, a provoqué un peu d'enthousiasme. Cependant, tous les deux ont apparemment décidé de garder pour eux-mêmes leurs propositions et de ne pas s'investir dans une campagne d'idées et de prises de position. La jeunesse est désorientée, et le mouvement populaire en recul Les politiques d'ajustement des derniers gouvernements ont surtout nui à la jeunesse du pays. Le taux de chômage dans les secteurs les plus jeunes de la population ouvrière oscille autour des 30 pour cent, la qualité de l'éducation a diminué et le système les pousse vers la délinquance. Par conséquent, la jeunesse ne cherche pas d'alternatives politiques. Les secteurs populaires, dont les luttes revendicatrices freinent les appétits démesurés des groupes au gouvernement, n'interviennent pas dans les processus électoraux. Autant les jeunes que les travailleurs participent à la « fiesta » pré-électorale organisée par les candidats, mais ils sont mis à l'écart des programmes. D'après les sondages, Torrijos gagnera les élections avec une marge assez confortable. Il a su contrôler l'attaque initiale portée par de la candidature de Guillermo Endara, qui recueille le « vote sanction » contre le dauphin de la présidente, José Miguel Alemán. Torrijos pourrait approcher les 40 pour cent des voix en raison de l'impopularité de Alemán et des limites de Endara dont la promesse n'attirerait que 30 pour cent des voix. Les élections de 2004 peuvent présenter un scénario abstentionniste en raison du peu d'intérêt qu'éveillent les propositions des candidats. De plus, nombre de secteurs sociaux lancent la consigne du vote blanc. Torrijos est le vainqueur probable, mais sans mandat clair et précis, il tentera d'imposer, malgré la résistance populaire, un agenda néolibéral qui a déjà échoué. La privatisation de l'éducation, de la santé, de la sécurité sociale, et l'abandon du secteur agricole sont les problèmes dominants de la prochaine présidence, quel que soit le président élu le 2 mai prochain. Source : ALAI Agencia Latinoamericana de Información, 23-03-04.
https://www.alainet.org/fr/active/6133
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