paramilitaires et mercenaires en action
19/05/2004
- Opinión
Cet article a été écrit le 29 février 2004 et est dédié à
la mémoire de celui qui est mort ce jour là au Venezuela
pour avoir dénoncé l'assassinat de son fils, Pedro Doria,
médecin et dirigeant socialiste, coordinateur des paysans
vénézuéliens de l'état de Zulia dans la région de Perijá, à
la frontière colombienne. Aujourd'hui, alors que l'on vient
de mettre à jour un plan visant à attaquer le Venezuela
avec des paramilitaires colombiens et que l'on a arrêté 88
de ces paramilitaires, la dénonciation de la marche de ces
anges de la mort prend encore plus de force.
Le résultat le plus tangible du paramilitarisme en Colombie
est le processus de déracinement de trois millions de
paysans déplacés par la violence et la subordination aux
grands propriétaires. C'est également l'extermination des
dirigeants syndicaux les plus revendicatifs, liquidés par
dizaines annuellement, et la disparition des conquêtes
sociales, que les syndicats défendent, tant dans les
entreprises que dans les institutions de l'Etat. Un succès
du point de vue du pouvoir économique. [ Voir : La terreur
antisyndicale ne faiblit pas en Colombie ]
Aujourd'hui, les résultats de la violence illégale sont
institutionnalisés par le biais des réformes
constitutionnelles qui éliminent des droits fondamentaux et
les voies qui permettaient de les défendre. En même temps,
l'appareil paramilitaire veut être légalisé via les accords
passés avec le gouvernement dont l'effet le plus concret
sera d'occulter les responsables intellectuels et les
bénéficiaires économiques du paramilitarisme. [ Voir :
Dossier 'Paramilitarisme' ]
Si le projet d'accord entre Uribe et les paramilitaires se
consolide, un nouveau modèle résoudra les problèmes générés
par l'impunité dans le Cône sud et par les lois d'
« oubli » pour les dictatures militaires chiliennes et
argentines ainsi que pour la dictature civile uruguayenne.
L'impunité est en crise et est questionnée
internationalement. Le modèle colombien garantirait, s'il
est appuyé au niveau international, une impunité des crimes
contre les mouvements sociaux sous le couvert d'un accord
avec les supposés « rebelles » (les paramilitaires). La
seule idée que cet accord se concrétise a déclenché une
vague d'actions paramilitaires et de tueurs à gages sur le
continent.
La tentative d'assassinat du président de la Confédération
des nationalités indigènes d'Equateur (CONAIE), Leonidas
Iza, le 1er février, reflète les méthodes et les
instruments que l'on veut imposer en Amérique latine pour
mater la lutte massive contre le néolibéralisme et les
traités de libre-échange.
Il ne s'agit pas d'un fait isolé. En Equateur, il a été
suivi par l'assassinat de l'activiste paysan écologiste
Angel Shingre et du chercheur en matière pétrolière
Patricio Campana qui avaient été précédés cinq ans plus tôt
par l'assassinat du dirigeant de gauche Jaime Hurtado par
les paramilitaires colombiens.
La situation est encore beaucoup plus grave au Venezuela où
plus de 80 leaders paysans ont été assassinés parce qu'ils
luttaient pour l'application de la loi de réforme agraire.
Ont été également tués le médecin socialiste Pedro Doria,
assesseur des paysans, trois syndicalistes et un membre
d'une coopérative bolivarienne. En juin 2002, on avait
annoncé la création des Autodéfenses unies du Venezuela
(AUV) appuyées par les paramilitaires des Autodéfenses
unies de Colombie (AUC).
Le 27 février, il est apparu clairement que l'opposition
vénézuélienne veut substituer son affaiblissement en termes
de mobilisation par des armes à feu et des incendies : un
petit groupe a mis le feu au siège du parti MVR (le parti
de Chavez, n.d.l.r.), un autre a attaqué la radio
alternative Radio Perola. Plusieurs opposants ont utilisé
des pistolets et des revolvers.
Au Brésil, le rapport intitulé « Les crimes de la grande
propriété terrienne » a fait état de l'assassinat de 44
leaders des paysans sans terre. Les bandes armées des
grands propriétaires terriens s'expriment aujourd'hui avec
virulence contre la démarcation des terres indigènes. Des
menaces de mort ont été lancées à l'encontre de l'évêque
Pedro Casaldáliga pour son appui aux indiens Xavante dont
les terres sont convoitées par les planteurs de soja. Dans
le Roraima, les riches fermiers et les entrepreneurs du riz
ont réussi à s'appuyer sur une masse de colons qui, le 6
janvier, n'ont pas hésité à séquestrer et à prendre en
otage 3 curés qui appuyaient l'octroi collectif de titres
de propriété aux indigènes. Ce qui s'est passé démontre que
les bandes armées de droite, en plus d'augmenter leur
activité, jouissent d'une confiance croissante.
On a pu observer le même phénomène en décembre passé à
Mojos, Beni, en Bolivie : des bandes armées des riches
propriétaires ont menacé de mort les indigènes, les
paysans, les sœurs et les organisations non
gouvernementales qui défendaient le droit à la terre des
communautés. Profitant de l'incident isolé au cours duquel
un employé furieux et agissant individuellement a tué le
maire parce qu'il ne lui payait pas son salaire, des bandes
armés de droite ont semé la terreur dans la région et ont
pris position pour empêcher les revendications de terres.
Les paysans cultivateurs de coca dénoncent le fait que dans
le Chapare des groupes paramilitaires sont entraînés pour
tenter de casser le mouvement social.
Le paramilitarisme frappe incessamment au Honduras et
renaît en Argentine avec des menaces et des assassinats
tels que celui de Sandra Cabrera, secrétaire de
l'association de prostituées. Des paramilitaires sont
également réapparus à Santiago del Estero où ils ont
attaqué des paysans.
Les tontons macoutes (Haïti, n.d.l.r.) et les armées
cannibales sont devenues des stars. Des auteurs de crimes
atroces passent pour d'honorables rebelles triomphants et
prennent part à l'« opposition démocratique » haïtienne.
Les bandes armées de droite joue un rôle important alors
qu'il est évident que de grands mouvements de masses
latino-américains pèsent de tout leur poids, de différentes
manières, que ce soit lors de grandes mobilisations ou lors
d'élections. Les gangs de droite ne peuvent arguer du
prétexte qu'ils combattent la guérilla comme en Colombie ou
comme dans le Guatemala des années 80 ou l'Argentine des
années 70. Cependant, l'objectif de leur action est
exactement le même que celui obtenu en Colombie où, loin
d'avoir anéanti la guérilla, ils ont contribué de manière
décisive et sanguinaire à détruire les conquêtes légales
des mouvements sociaux et à imposer les traités de libre-
échange et une législation qui convient aux multinationales
et aux grands propriétaires terriens. Ils ont également
réussi à ce que la responsabilité de la violence n'incombe
ni à l'Etat ni aux financiers.
Les difficultés rencontrées par ce type de modèle ont été
démontrées par l'échec de la visite du président Uribe en
Europe ; par les accusations de la justice italienne à
l'encontre des paramilitaires colombiens en raison de leurs
liens avec la mafia calabraise `Ndrangheta ; pr les ordres
d'extradition vers les Etats-Unis de certains chefs des AUC
et lors du scandale provoqué par la découverte de leurs
cargaisons de cocaïne et la tentative des autorités
colombiennes de les couvrir. Mais le gouvernement des
Etats-Unis ne remet pas en question l'impunité des
massacres, la liquidation des sphères dirigeantes
syndicales et la dépossession des terres des paysans. Il
juge seulement les activités liées au narcotrafic qui est
le moyen décisif pour se défaire de ces mercenaires une
fois qu'ils auront accompli leur tâche. Les assassins ont
toujours été la chair à canon du véritable pouvoir.
Source : Prensa Rural.
Traduction : Anne Vereecken, pour RISAL.
https://www.alainet.org/fr/active/6277?language=en
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