Le mouvement social commémore le 98e anniversaire de la première occupation américaine d’Haïti
28/07/2013
- Opinión
Des organisations du mouvement social haïtien ont réalisé ce 28 juillet une série d’activités, dont une conférence à la Faculté d’ethnologie de Port-au-Prince, pour marquer les 98 ans de la première occupation américaine d’Haïti en 1915.
Les échanges se sont déroulés autour du thème « occupation d’hier, occupation d’aujourd’hui : quelle leçon à tirer pour la lutte de libération du peuple haïtien ? »
Les conférenciers Georges Eddy Lucien et Didier Dominique, professeurs d’université, ont tenté de mettre en lumière le contexte du débarquement des marines, ses causes et ses conséquences sur le pays.
Un public, composé majoritairement de jeunes étudiants et de militants de divers mouvements, a répondu à l’invitation d’une dizaine d’organisations, dont Ayiti Djanm, Kay Fanm, Mouvement démocratique populaire (Modep), Tèt kole ti peyizan ayisyen, la Solidarité des femmes haïtiennes (Sofa) et le parti Kanpèp.
Pour le professeur Lucien, contrairement aux causes généralement avancées, « ce ne sont pas les facteurs internes qui ont motivé l’occupation d’Haïti par les États-Unis ».
L’occupation n’était qu’une « tentative pour résoudre la crise du système capitaliste à cette époque », a-t-il fait valoir, arguant que, comme Haïti, d’autres pays de la Caraïbe et de l’Amérique Centrale ont été, durant cette même période, occupés par la puissance américaine.
L’intellectuel a expliqué comment l’occupation a accompagné une mutation du système capitaliste, à la recherche d’un second souffle. Ce qui s’est traduit en Haïti, à part les atrocités commises, par l’imposition de nouvelles taxes et l’expropriation de petits et moyens propriétaires en vue de la mise en place de grandes exploitations industrielles.
Parmi les conséquences des nouvelles dispositions économiques instaurées durant l’occupation, il y a eu la migration de la force de travail haïtienne vers plusieurs autres pays de la région, a-t-il souligné.
Le professeur Dominique, également militant de l’organisation Batay Ouvriye (Lutte Ouvrière), a comparé l’occupation de 1915 à une « forme d’esclavage », qui a amené « plus de prolétarisation et d’exploitation ».
« La même logique vaut aujourd’hui », selon lui, avec la présence de la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation d’Haïti (Minustah), une force militaire et policière internationale déployée sur le territoire haïtien depuis 2004.
Dans ce contexte, a relevé Didier Dominique, l’administration du président Michel Martelly se positionne en tant qu’« exécutant du plan (de l’ancien président américain Bill) Clinton », d’installation de parcs industriels de sous-traitance à travers le pays. Ce que l’intervenant considère comme « de plus en plus dégradant ».
« Nous ne devrions pas commémorer le centenaire de l’occupation (américaine en 2015) avec les forces étrangères sur le sol national », a préconisé le professeur Dominique.
Au cours du débat qui a suivi les exposés, un participant a estimé qu’au delà de la présence des forces d’occupation, « le grand défi c’est la libération d’Haïti de la domination étrangère ».
Intervenants et participants à la conférence du 28 juillet se sont montrés imperturbables, malgré les échos persistants des dernières préparations du « carnaval des fleurs » dans l’aire du Champ de mars, où se situe la Faculté d’ethnologie.
En dépit d’une pétition signée de figures emblématiques de l’intelligentsia haïtienne, le gouvernement a lancé son carnaval ce 28 juillet 2013.
Pour beaucoup, il s’agit d’une tentative de banaliser une page sombre de l’histoire d’Haïti, dont le sol a été, une seconde fois, foulé par les troupes américaines en 1994.
Elles accompagnaient le retour du président Jean Bertrand Aristide après un exil de 3 ans suite au sanglant coup d´État militaire de septembre 1991.
Ce sont pas moins de huit conférences-débats qui ont été organisées dans différentes communes du pays à l’occasion des 98 ans de l’occupation américaine d’Haïti, notamment à Jacmel (Sud-Est), Hinche (Plateau central), Port-au-Prince (Ouest), Cap-Haïtien (Nord), Miragoane (Nippes / Sud-Ouest) et Petite Rivière de l’Artibonite (Artibonite / Nord).
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