Premièrs constats de la mission d’investigation et de solidarité avec le peuple
07/04/2005
- Opinión
La Mission d’Investigation et de Solidarité avec Haïti, dirigée par le Prix Nobel de la Paix Adolfo Perez Esquivel, et Nora Cortinas, Mères de la Place de Mai, LF, et composée de vingt (20) représentants de mouvements, réseaux et institutions sociaux, culturels et politiques d’Amérique latine, de la Caraïbe, de l’Amérique du Nord et d’Afrique, souhaite, en premier lieu, remercier les personnes et organisations haïtiennes qui ont facilité cette visite et qui ont partagé leurs expériences, leurs témoignages, leurs douleurs et leurs espoirs avec nous.
Nous sommes convaincus que l’avenir des peuples d’Amérique latine, des Caraïbes et de tous les peuples du Sud ainsi que leur droit à l’auto détermination, dépend de ce qui se passe en Haïti aujourd’hui.
Durant notre court séjour, nous avons eu des rencontres avec des fonctionnaires du gouvernement intérimaire, des organisations des droits humains, des organisations paysannes, des organisations de femmes, des syndicats, des étudiants, des partis politiques, des représentants universitaires, des ambassades, des organismes internationaux et de la MINUSTHA, lesquelles organisations nous ont fourni des informations et des éléments d’analyse qui ont enrichi énormément notre compréhension de la situation actuelle du peuple haïtien dans le contexte de sa longue lutte pour la conquête de la démocratie, du développement et de son autodétermination.
Suite à cette opportunité et avant de conclure notre programme de visites et de rencontres, nous voulons partager avec vous nos premières constatations :
1. Nous reconnaissons et nous saluons la lutte profonde que mène le peuple haïtien depuis plus de deux siècles ; il a résisté aux turpitudes externes et internes qui ont servi d’obstacles à l’émancipation des forces populaires constructives. Dans cet ordre d’idées, il nous paraît important de faire ressortir que la chute d’Aristide doit être interprétée à la lumière de grandes mobilisations sociales réclamant sa démission et proposant du même coup leurs propres alternatives de transition.
2. Le problème d’Haïti n’est pas de nature militaire, en conséquence, il ne peut être résolu par la présence de troupes étrangères sur le territoire d’Haïti ou d’autres mesures de cette nature. Nous rejetons la présence des forces internationales d’occupation en Haïti, celles-ci affectent grandement la souveraineté du pays, et, nous exigeons de nos gouvernements le retrait de ces forces par le biais de modalités et d’un calendrier établis par les acteurs sociaux et politiques de la société haïtienne.
3. Nous proposons que la communauté internationale garantisse la constitution d’un Etat de droit qui rend possible la pleine jouissance, l’accomplissement et le respect des droits humains dans toute leur intégralité.
4. Pour assurer un processus électoral démocratique, transparent et sûr, nous recommandons au Conseil Electoral Provisoire d’inviter l’Union Inter américaine des Organismes Electoraux (UNIORE) pour que, de concert avec l’Institut Inter américain des Droits Humains, et la Commission d’Appui et de Promotion Electorale (CAPEL) de soutenir la constitution d’un plan d’administration électorale.
5. Nous proposons que les fonds débloqués pour les projets de développement du peuple haïtien soient de nature non remboursable et destinés aux projets des organisations sociales, communautaires, locales et non aux projets formulés par les organismes internationaux comme c’est le cas du Cadre de Coopération Intérimaire (CCI). Il est prioritaire de lancer la réforme agraire proposée par les mouvements paysans, ce qui est indispensable pour la récupération et la défense de la souveraineté alimentaire.
6. Nous nous opposons à ce que le pays soit transformé en un grand espace de sous-traitances et de zones franches qui exploitent les ouvriers à travers une nouvelle forme d’esclavage.
7. Nous exigeons l’annulation de la dette externe immorale et illégale, qui continue d’être une forme de pillage et d’exploitation des ressources du peuple haïtien.
8. Nous reconnaissons et nous exigeons l’indemnisation et le dédommagement de la dette historique, sociale et écologique principalement de la part de la France et des Etats-Unis envers le peuple haïtien.
9. Nous croyons que de nouvelles formes de coopération internationale sont possibles. Elles doivent reposer sur le respect et l’auto détermination de chaque peuple, et ceci, à travers d’échanges d’expériences culturelles, sociales, scientifiques et technologiques menés par des organisations sociales et gouvernementales. Nous nous engageons d’avancer dans un processus intense d’accompagnement du peuple haïtien en diffusant dans nos communautés et le monde entier les informations et les perspectives dégagées par cette mission. Nous annonçons l’arrivée en juin prochain d’une délégation de paysans et de techniciens agricoles du Mouvement des Paysans sans Terre (MST) du Brésil pour une collaboration avec les Paysans haïtiens.
En terminant demain le travail de la Mission, nous procéderons à la rédaction d’un rapport final sur notre vision de la situation actuelle en Haïti, de nos recommandations et des engagements que nous assumons tous.
Port-au-Prince, le 8 avril 2005
Membres de la Mission
- Adolfo Perez Esquivel, Prix Nobel de la Paix / Fondation Service et Justice (Argentine)
- Nora Cortinas, Mère de la Place de Mai, LF (Argentine)
- Beverly Keene, Jubilée Sud / Dialogue 2000 (Argentine)
- Alejandro Barrientos, Mouvement des Documentalistes (Argentine)
- L’Archevêque Adriel de Souza Maia, Conseil National des Églises Chrétiennes (Brésil)
- Walmir Assuncao, Député, Mouvement Paysans Sans Terre (MST) Via Campesina (Brésil)
- Lucelia Santos, Artiste et Militante Écologique/ Conseillère du Conseil Présidentiel pour le Développement Économique et Social (Brésil)
- Joao Luis Pinaud, Église Évangélique Luthérienne/ Paix et Droits Humains en Action (Brésil)
- Carolina Vilanova, Journaliste du Grand Journal Folha de Sao Paulo (Brésil)
- Sandra Quintela, PACS/Campagne Jubilée Brésil contre la Dette, la ZLEA et la Militarisation (Brésil)
- William Sloan, Association Américaine de Juristes (Canada)
- Jean Peutetre M’Pele, Comité pour l’élimination de la dette du Tiers-Monde/Solidarité/ASPAH (Congo Brazzaville)
- Aurora Donosa, Alliance des Peuples du Sud pour la récupération de la dette écologique/Action Ecologique (Equateur)
- Flavia Cherry, Alliance Sociale Hémisphérique/Association Caraïbéenne d’Investigation et Action Féministe (CAFRA) (Sainte Lucie)
- Ana Juanche Molina, Service Paix et Justice en Amérique Latine (Uruguay)
- Efrain Olivera, Plate-forme Inter américaine de Droits Humains, Démocratie et Développement (Uruguay)
- Jhannett Madriz Sotillo, Députée Confédération des Parlementaires des Amériques COPA (Vénézuela)
- Luis Antonio Bigott, Député, Parlement Andin / Conseil Supérieur de l’Université Andine « Simon Bolivar » (Vénézuela)
- Vidal Cisneros G. Député, Parlement Andin (Vénézuela)
- Luis Dias Laghee, Député, Parlement Andin (Vénézuela)
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