Compte rendu du Forum Mondial sur la Réforme Agraire

Pour un Monde sans Famine : Une Réforme Agraire Maintenant!

20/12/2004
  • Español
  • English
  • Français
  • Deutsch
  • Português
  • Opinión
-A +A
Le Forum Mondial sur la Réforme Agraire (www.fmra.org), qui a eu lieu à Valencia en Espagne du 5 au 8 Décembre, a dépassé toutes les espérances en termes de participation des mouvements sociaux de base et d'autres acteurs, d'avances réelles dans les analyses, et d'un sens renouvelé d'engagement à replacer en force le sujet de la réforme agraire au centre des débats politiques sur l'avenir des zones rurales du monde. Plus de 500 délégués sont venus de 68 pays de cinq continents, dont 13 pays européens, 20 pays d'Afrique, 18 d'Amérique du Sud, 2 d'Amérique du Nord, 16 d'Asie, et 1 d'Océanie. 56% étaient des hommes et 44% des femmes, et bien plus de la moitié provenait des organisations de paysans, paysans avec une exploitation familiale, autochtones, sans terre, habitants des forêts, et pêcheurs. Si l'on voulait utiliser un seul mot pour qualifier le Forum, ce serait « mobilisation ». Les délégués ont été virtuellement unanimes dans leur conviction que l'amplitude du problème mondial des « sans-terre » et l'exclusion de l'accès aux ressources naturelles est si étendue que seule une "politisation" du problème, menant à une mobilisation sociale massive, représente un espoir de le voir se résoudre. La présence de presque 100 délégués de Via Campesina, l'alliance mondiale des mouvements ruraux, (www.viacampesina.org), une force clé derrière la Campagne Mondiale pour une Réforme Agraire, a contribué à marquer le Forum du sceau de la mobilisation. L'exemple relativement réussi de la "réforme foncière élaborée d'en-bas" en cours au Brésil, menée par le Mouvement des Travailleurs Sans Terre (MST) a été une source d'inspiration pour les délégués. Le MST a un rôle de leader dans le mouvement mondial qui vise à utiliser plus et plus les occupations de terres en friche à la fois comme un outil pour installer les sans terre et pour mettre la pression sur les gouvernements pour qu'ils s'engagent dans une réforme agraire véritable. Il est assez clair que les occupations de terres vont continuer d'être menées par les mouvements ruraux dans le monde, et une tâche clé est de construire la solidarité pour ces occupations, et pour les meilleures réformes agraires menées par les gouvernements comme à Cuba ou au Vénézuéla, vu que celles-ci sont plus et plus menacées par les attaques des puissants. Le consensus qui a émergé des séances plénières -dans lesquelles la majorité des orateurs faisaient partie des mouvements de base- et dans les nombreux ateliers, est que la crise mondiale qui affecte les zones rurales peut être la mieux comprise en tant que clash des modèles d'agriculture, des systèmes d'alimentation, et des types de développement rural, et doit être abordée en tant que telle. La déclaration de pétition du Forum (disponible et à signer sur le site du Forum) dit, en partie : « Aujourd'hui, les peuples du monde sont confrontés à un clash entre deux modèles... Le modèle d'agro-exportation dominant est basé sur la logique néo-libérale de libre échange et de privatisation de la terre, de l'eau, des forêts, des domaines de pêches, des semences, des connaissances et même de la vie elle-même... et est responsable de la concentration croissante des terres, des ressources, des chaînes de production et de distribution de la nourriture et autres produits agricoles, entre les mains de toujours moins d'entreprises. Les prix des récoltes chutent constamment en raison du dumping et d'autres facteurs, tandis que les prix à la consommation continuent d'augmenter... D'un autre côté, le modèle alternatif basé sur l'agriculture familiale et paysanne et sur les principes de la souveraineté alimentaire, définit la production locale pour les marchés locaux et nationaux comme une priorité, et utilise les pratiques viables, durables et intégrées (sustainable) de production basées sur une connaissance locale. L'expérience montre que ce modèle est potentiellement plus productif par unité de surface, plus compatible avec l'environnement, et beaucoup plus capable de procurer une vie digne aux populations rurales, tout en offrant de la nourriture saine et abordable, produite localement, aux consommateurs ruraux et urbains... » L'avis partagé est que l'expansion incontrôlée du modèle dominant, conduite par les mesures de la Banque Mondiale et les mesures de libre échange de l'OMC (et les accords commerciaux régionaux et bilatéraux), mine notre espoir pour le modèle, de toute évidence meilleur, des petites fermes. La bonne nouvelle est que les mouvements de paysans, de l'agriculture familiale, des sans terre et des peuples indigènes sont plus vivants que jamais, mieux organisés et plus évolués qu'ils ne l'ont été pendant longtemps ; ils sont en pleine résistance au modèle dominant, et s'assemblent pour construire des alliances politiques avec les consommateurs, les précaires urbains, les groupes de défense des droits humains et environnementaux et les groupes religieux, pour pousser vers des mesures de souveraineté alimentaire intégrées qui commencent avec une véritable réforme agraire et avec la fin de la libéralisation des échanges des produits agricoles (www.foodfirst.org). Dans la déclaration du Forum, les signataires appellent à exclure la nourriture et l'agriculture de l'OMC, à une réforme agraire authentique, dénoncent les mesures de privatisation des terres de la Banque Mondiale, appellent à mettre fin à la violence des propriétaires ou de l'état et la violence des entreprises contre les organisations de paysans et de populations indigènes, à soutenir et défendre les occupations de terre actuelles et les autres processus de réforme agraire, et à travailler ensemble pour construire des exemples locaux et nationaux de souveraineté alimentaire. Il est clair que la lutte à commencé depuis quelques temps, mais que ce Forum sert de "tremplin" et donne une impulsion supplémentaire aux mouvements en ayant réalisé une analyse comparée et mis au point une stratégie commune. Les déroulements des conférences, qui seront disponibles sur le site dans quelques semaines, incluront les résumés des ateliers remarquablement riches, avec de réelles avancées analytiques sur des problèmes tels que la terre et le genre, le concept de territoire versus celui de terre seulement, l'exclusion sociale, la parcellisation des terres communales, les nouveaux agriculteurs, la construction de l'alliance, le rôle des institutions multilatérales, et davantage... Cela constituera des ressources précieuses pour les mouvements et les analystes. Traduction bénévole, Sylvette Escazaux, 15 Déc 2004, membre d'ATOS- GN3 * Peter Rosset est chercheur au Centre pour l'Etude du Changement dans la Campagne Mexicaine, CECCAM (www.ceccam.org.mx) et est coordinateur du Réseau LRAN (www.landaction.org), qui a co-sponsorisé le Forum Mondial sur la Réforme Agraire).
https://www.alainet.org/fr/articulo/111083
S'abonner à America Latina en Movimiento - RSS