Militaires Américains à Manta en : Dans l’expectative qu’ils partent
- Análisis
La position du gouvernement équatorien, présidé par Rafael Correa, de ne pas renouveler l’accord de la Base de Manta qui s 'achève en 2009, cause de l'inquiétude à Washington. En effet, il s'agit d'une Base stratégique pour l’application du Plan Colombia et pour la protection de leurs intérêts militaires et commerciaux dans la région.
« Cette Base est extrêmement importante dans la guerre contre la drogue », déclara Javier Delucca le chef américain de la Base, au journal Los Angeles Times après avoir été informé de cette nouvelle, en rajoutant « la position géographique de Manta est formidable » (1) Ce même argument fut utilisé pour essayer d’éviter la fermeture de la Base de Howard au Panama en 1999.
Située sur la côte du Pacifique et à seulement 20 minutes de la Colombie en avion, le Poste Avancée d’Opérations (FOL, en anglais) installé à Manta en 1999, ne conforme pas seulement un siège sur la Colombie avec les FOL installés à Comalapa au Salvador, Aruba et Curaçao, mais il sert aussi à contrôler et surveiller l’Amazonie et l’Océan Pacifique.
Les Etats-Unis ont investi 80 millions de dollars pour élargir la piste de l’Aéroport Eloy Alfaro de Manta avec l’intention de pouvoir opérer des avions espions de grande envergure (les E-AWACS et KC-135) et autant de millions pour l’installation d’équipes sophistiquées de surveillance et contrôle. Actuellement, elle est considérée la plus grande de son genre en Amérique latine.
La puissance du Nord utilise également le port de Manta pour ses navires de guerre, conformément à l’Accord souscrit entre les gouvernements d’Equateur et des Etats-Unis en 1999 pour une période de 10 ans, renouvelable pour une période de cinq ans.
Mais la présence militaire américaine ne se réduit pas à Manta, où peuvent habiter jusqu’à 475 effectifs américains, qui jouissent d’immunité diplomatique. Ils sont présents à d’autres endroits du pays, particulièrement sur la frontière avec la Colombie. Près de 500 soldats américains arrivent annuellement en Equateur et réalisent des activités d’« aide humanitaire et de sécurité » (El Comercio 30-03-2007).
Le Commandement du Sud des Etats-Unis dispose d’un bureau à Quito, où travaillent environ 35 personnes, mais en plus ils ont installé dans le pays au moins cinq bureaux de sécurité américaine (2) et d’autres organismes comme le Génie Militaire et l’Agence des Etats-Unis pour le Développement International (USAID) qui réalise quelques œuvres et services sociaux, avec les fonds du Commandement du Sud. Il est important de souligner, que les Etats-Unis sont en train de construire au Nord de Quito une nouvelle ambassade qui saute aux yeux par l’immense surface utilisée et les énormes bâtiments en construction.
Pourquoi les Etats-Unis ont-ils visés l’Equateur ?
L’accord susnommé souscrit entre l’Equateur et les Etats-Unis - qui fut signé par le gouvernement démocrate chrétien de Jamil Mahuad, sans l’autorisation du Congrès- pour l’accès et l’utilisation de la Base de Manta, détermine que « le seul et unique but est d’entreprendre des opération aériennes de détection, surveillance, poursuite et contrôle des activités illicites de trafic aérien de stupéfiants ». Ce but, néanmoins, a été modifié et élargi arbitrairement par les Etats-Unis en fonction de ce qu’ils considéraient une menace pour eux, telle la lutte contre les insurgés et le terrorisme ou encore le control de l’immigration illégale, sans pour autant que les gouvernements équatoriens présidés par Ricardo Noboa, Lucio Gutiérrez et Alfredo Palacio n’aient porté aucune remarque ou plainte.
Dès que la Base de Manta a commencé ses opérations, les analystes de gauche ont signalé que jusqu’en 1998 l’Equateur restait neutre face au conflit colombien, mais que tout cela a changé depuis l’arrivée des américains à Manta. (3)
Par la suite, des organisations de la société civile ont réaffirmé cette thèse : « Après six ans d’activités de la Base de Manta on a prouvé que les activités militaires américaines sont orientées au contrôle migratoire et l’appui logistique à la guerre contre les insurgés en Colombie, en fournissant de l’information en temps réel, sur les mouvements des forces insurgées qui opèrent dans ce pays »(4).
« Manta est très importante »…
L’utilisation de la Base de Manta pour le Plan Colombia fut mise en évidence avec les confessions faites par le chef américain du FOL de Manta en personne, Javier Delucca, au journaliste Juan Carlos Calderón du journal El Expresso, où il a affirmé : « Manta est très importante dans le Plan Colombia. On est très bien placé pour opérer dans cette zone. Mais je dois tirer au clair que nous, à Manta, sommes seulement l’appui aux missions qui sont décidées à Key West (Florida), où sont prises les décisions stratégiques » (Expresso 16-08-2006). D’autres sources de presse signalent que des militaires colombiens rentrent dans la Base de Manta et participent dans les vols effectués par les militaires américains.
Les déclarations de Delucca ont provoqué une plainte formelle du Ministère des Affaires Étrangères qui fut remise à l’Ambassade des Etats-Unis à Quito où on affirme que « L’Equateur n’accepte pas ce genre de lien entre la Base de Manta et le Plan Colombia ».
Malgré le fait que plusieurs gouvernements équatoriens, après la signature de l’accord de paix avec le Peru en 1998, ont favorisé la surveillance de la frontière avec la Colombie, avec près de 7000 soldats, les forces progressistes ont toujours fait pression pour que le pays ne soit pas impliqué dans le conflit armé colombien. Les organisations sociales affirment que l’on doit résoudre le conflit interne colombien par la voie pacifique de la négociation.
En plus de l’appui au Plan Colombia, le FOL de Manta aurait aussi fourni un appui d’intelligence à la tentative de coup d’Etat contre le président vénézuélien Hugo Chávez mené le 12 avril 2002. (5)
En relation avec l’ingérence avec les activités contre les émigrants, elles ont commencé avec un programme de « persécution satellitaire des navires avec des émigrés équatoriens en direction Nord » (6). Depuis 2001 jusqu’en juin 2005 on aurait réalisé 45 abordages illégaux à des bateaux qui transportaient des émigrés ou qui étaient en train de pêcher, en faisant couler ou causant des dommages à au moins 8 embarcations équatoriennes, d’après des informations d’organismes défenseurs des droits de l’Homme.
Mercenaires
Un autre sujet qui a surgi c’est la présence de la l’entreprise DynCorp, qui offre des services presque exclusivement au gouvernement des Etats-Unis « offrant des biens de contrôle social et répression ». La DynCorp est présente dans des zones de conflits comme en Irak, Afghanistan, Colombie, etc. et auparavant elle était présente au Vietnam, Bosnie, Kosovo. Plusieurs employés ont été accusés de trafic de drogues et de femmes, d’abus sexuels d’enfants, etc. (7). À Manta, l’information officielle affirme que la DynCorp rend des services de nettoyage et jardinage à la Base, cependant en Colombie, ses tâches sont différentes : là-bas elle participe aux aspersions des cultures de Coca disposant de 88 hélicoptères et d’avions du gouvernement américain. Lors des aspersions, cette transnationale emploie le pesticide Round-Up de la transnationale Monsanto- auquel elle a rajouté le Cosmo Flux 411 pour le rendre 100 fois plus meurtrier- qui est arrosé sur divers départements colombiens –y compris les parques nationaux- et la zone limitrophe colombo-équatorienne, ayant pour conséquence de graves dégâts sur la santé humaine et l’environnement.
L’Etat équatorien jusqu’aujourd’hui n’a pas encore dénoncé cette transnationale qui, à Manta, dit réaliser des tâches inoffensives mais, qui, dans la zone limitrophe provoque maladies et destruction qui touche plus de 10000 paysans. Les juges équatoriens n’ont pas approfondi non plus, l’enquête d’un employé de la DynCorp, le pompier américain Jeffrey Shippy, qui avec l’entreprise illégale EPI & Security s\'occupait, en 2005, de recruter des mercenaires colombiens et équatoriens pour la guerre d’occupation en Irak, en offrant de très bons salaires et d’autres bénéfices.
Jeffrey Shippy échappa et l’affaire tomba dans l’oubli.
La date décisive approche
Sur le site Web de l’Ambassade des Etats-Unis à Quito, on signale que « la présence du FOL à Manta a apporté un changement positif à l’économie locale depuis que les travaux de reconstruction de la piste de l’aéroport ont commencé avec un investissement de 67 millions ». En plus on rajoute que le FOL opère avec un budget annuel de 7 millions de dollars qui pour une grande part est injecté dans l’économie locale »(8).
Les paysans, les pêcheurs, certaines autorités provinciales, les organisations de la société civile ont une vision différente. Voyons quelques reproches que ces secteurs expriment face à la présence américaine dans la Base de Manta :
- La croissance et ledéveloppement de la ville de Manta, de 250000 habitants, dans les dernières années n’est pas le résultat de la présence du FOL américain mais à d’autres facteurs en relation avec le tourisme, le commerce, la pêche et les ressources remis par l’assurance de l’avion cargo Million Air accidenté en 1996. L’apport de ressources est minime, en effet la plupart des produits pour le personnel américain sont importés exonérés d’impôts depuis les Etats-Unis.
-Les seuls avantagés sont quelques bars, cantines, discothèques et hôtels. Beaucoup d’entre eux appartiennent aux américains, ex membres de la DynCorp.
-Depuis l’installation du FOL la vie est devenue plus chère, la prostitution et l’exploitation de jeunes se sont étendues.
-Environ 24.000 hectares ont été assignés pour le fonctionnement de la Base Navale, déplaçant des paysans en leur privant de leurs moyens de subsistance. La militarisation du port empêche le bon déroulement des activités des pêcheurs.
C’est avec ces arguments et d’autres similaires, en défense de la souveraineté nationale, que dans le pays on soutient de plus en plus l’idée que l’Accord de la Base de Manta ne doit pas être renouvelé. Le président Rafael Correa s’est fait l’écho de cette demande, mais pour tenir sa promesse il devra résister l’opposition et notifier au gouvernement des Etats-Unis le souhait de l’Equateur de ne pas renouveler l’Accord au plus tard en septembre 2008, en considérant que cette plainte prendra effet « un an après la date de préavis », selon l’Accord.
Notes
(1)Chris Kraul (15-1-2007) Both fighter and front in the drug war, it chafes at U.S. presence on its soil, Los Angeles Times http://www.latimes.com/news/nationworld/world/la-fg-colombador15jan15,0,1889384.story?coll=la-home-headlines
(2) Les organismes présents en Équateur sont : le Bureau de l\'Attaché Militaire, l\'Agence de Contrôle et Surveillance des Drogues (DEA), le Groupe Consultatif et d\'Aide Militaire (MAAG), le Département de Sécurité Interne (DHS) et l\'Agence Nationale de Sécurité (NAS). El Comercio 30-3-2007
(3) Lucas Kintto, (2000) Plan Colombia La Paz Armada, Quito, Planeta.
(4) INREDH, SERPAJ, Coalición No Bases Ecuador (agosto 2006), Informe para el Grupo de Trabajo de Naciones Unidas sobre Mercenarios, Quito.
(5) Ronchen Theo (2004) “La lucha contra las drogas y la proyección militar de Estados Unidos”, Quito, Abya Yala, Acción Andina Bolivia, Trasnacional Institute.
(6) Ibid
(7) Drüssel Dieter, (2005 ) DynCorp: Una empresa privadas de la violencia, en El negocio de la Guerra, Tafalla , editorial Txalaparta S L
(8) Puesto de Operaciones Avanzadas (FOL) – Manta, Hoja Informativa - 7 de junio del 2006 http://www.usembassy.org.ec/Espanol/DrugsSP.htm
(Tradution: Martín Tamayo Serrano)
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