Forum pour La Souverainete Alimentaire en synthèse

22/04/2007
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 Forum Mondial pour La Souverainete Alimentaire- Mali – 23/27 février 2007

RAPPORT DE SYNTHÈSE

Traduction militante: original en anglais

Nyéléni a donné son nom à notre Forum pour la souveraineté alimentaire qui s’est tenu à Selingué au Mali. Nyéléni est une paysanne malienne devenue légendaire pour avoir été une grande agricultrice et avoir ainsi nourri les siens – elle incarne la souveraineté alimentaire de par son travail, sa capacité d’innovation et son attention aux autres. Nous, paysans, pasteurs, pêcheurs, peuples indigènes, travailleurs migrants, femmes et jeunes, rassemblés à Nyéléni 2007, producteurs et productrices d’aliments, sommes prêts, capables et désireux de nourrir les peuples du monde. Notre expérience, en tant que producteurs d’aliments, est vital pour l’avenir de l’humanité. C’est tout particulièrement vrai pour les femmes et les peuples indigènes qui, historiquement, sont sources de savoirs en terme de pratiques agricoles, aquacoles et alimentaires. Pourtant, ce patrimoine et notre capacité à produire une alimentation saine, de qualité et abondante, sont menacés et dévalorisés par le néolibéralisme et le capitalisme mondial.

Nos débats sur la souveraineté alimentaire nous ont permis : A/ d’approfondir notre compréhension mutuelle de la souveraineté alimentaire, B/ de renforcer le dialogue entre les secteurs et les groupes d’intérêts, et C/ de définir des stratégies communes et d’élaborer un programme d’action. Nos débats ont donné aux producteurs, aux environnementalistes, aux organisations de consommateurs et aux mouvements urbains, la force et la capacité de se battre pour la souveraineté alimentaire au Mali, en Afrique et dans le monde.

Grâce à nos alliances, nous pouvons nous rassembler pour préserver, retrouver et construire à partir de nos connaissances pour renforcer notre capacité à soutenir les systèmes alimentaires locaux. Par la souveraineté alimentaire, nous pourrons également assurer le maintien de nos cultures et la survie de nos peuples et de la Terre.

La souveraineté alimentaire place ceux qui produisent, distribuent et consomment une alimentation locale et saine au cœur des systèmes et politiques alimentaires, agricoles, d’élevage et de pêche, en lieu et place des exigences du marché et des transnationales qui réduisent l’alimentation à des simples produits échangeables sur le marché mondial. Elle offre la possibilité de construire une stratégie de résistance et de démantèlement d’un système à la fois inéquitable et non durable qui conduit tant à la sous-nutrition chronique qu’à l’augmentation rapide de l’obésité.

La souveraineté alimentaire suppose le respect du droit à l’alimentation – le droit des populations à une nourriture saine, respectant les cultures, produite selon des pratiques respectueuses de l’environnement et des droits sociaux. Elle reconnaît le droit des populations à participer au processus de décision et à définir leurs propres systèmes d’alimentation, leurs pratiques agricoles, d’élevage et de pêche. Elle défend les intérêts des générations futures et suppose des relations sociales égalitaires, libres d’oppression, entre les hommes et les femmes, les peuples, les groupes raciaux et les classes sociales. Elle encourage une véritable réforme agraire et défend l’accès et le partage des terres productives, loin de la menace de privatisation et d’expulsion.

La souveraineté alimentaire défend les intérêts, le droit à l’alimentation et celui de produire des populations et communautés, incluant celles sous occupation, dans des zones de conflits, celles qui font face ou qui reconstruisent après des désastres naturels, aussi bien que celles socialement et économiquement marginalisées, comme les dalits, les peuples indigènes et les travailleurs migrants. La souveraineté alimentaire donne un cadre politique permettant des pratiques de production, de cultures, d’élevage, de pêche, de pastoralisme et des systèmes d’alimentation définies par les communautés locales.

A/ A Nyéléni 2007, nous avons approfondi notre compréhension mutuelle de la souveraineté alimentaire et retenu comme essentiel:

  1. La priorité donnée à l’alimentation des populations

La souveraineté alimentaire place au centre des politiques alimentaires, agricoles, d’élevage et de pêche le droit à une alimentation suffisante, saine, respectueuse des cultures, pour l’ensemble des individus, des populations et des communautés, englobant celles souffrant de la faim, sous occupation, dans des zones de conflits ou marginalisées; elle rejette l’assertion selon laquelle l’alimentation est un produit comme un autre, géré par le secteur agro-alimentaire.

  1. La valorisation des producteurs d’aliments

La souveraineté alimentaire valorise et soutient les pratiques, de même qu’elle respecte le droit, des hommes et des femmes, des paysans et des petits agriculteurs familiaux, des pasteurs, des pêcheurs artisanaux, des habitants de la forêt, des peuples indigènes et des travailleurs agricoles, des travailleurs de la mer, dont les migrants, qui cultivent, font pousser, récoltent et transforment les aliments ; elle rejette les politiques, actions et programmes qui les dévalorisent, menacent leurs moyens de subsistance et contribuent à les faire disparaître.

  1. L’établissement de systèmes locaux de production

La souveraineté alimentaire rapproche producteurs et consommateurs, les place au centre du processus de décision sur les questions alimentaires. Sur les marchés locaux, elle protège les producteurs du dumping des importations et de l’aide alimentaire, elle protège les consommateurs d’une nourriture nutritionnellement pauvre et malsaine, d’une aide alimentaire inappropriée et d’aliments contaminés par des organismes génétiquement modifiés. Elle permet de résister aux institutions, aux accords et aux pratiques qui dépendent de et qui promeuvent un commerce mondial non durable et inéquitable et qui donnent un pouvoir considérable et injustifiable aux transnationales.

  1. Le renforcement du contrôle local

La souveraineté alimentaire place la gestion des territoires, des terres, des pâturages, de l’eau, des semences, du bétail et des ressources halieutiques dans les mains des producteurs locaux et respectent leurs droits. Ceux-ci peuvent en faire usage et les partager selon des systèmes socialement et écologiquement durables, qui permettent le maintien de la diversité. La souveraineté alimentaire reconnaît que les territoires locaux ne respectent parfois pas les frontières géopolitiques et permet aux communautés locales d’habiter et d’utiliser leurs territoires. Elle promeut la concertation et l’action collective entre les producteurs de différentes régions et territoires, de différents secteurs d’activités, contribuant à la résolution de conflits internes ou de conflits avec les autorités locales ou nationales. Elle refuse la privatisation des ressources naturelles, qu’elle soit permise par des lois, des contrats commerciaux ou des régimes de propriété intellectuelle.

  1. La construction des savoirs et savoir-faire

La souveraineté alimentaire se construit sur les savoirs et savoir-faire locaux des producteurs et sur leurs organisations locales qui préservent, développent et gèrent les systèmes de production et de cultures locaux. Pour cela, elle permet le développement de programmes de recherche appropriés et qui ne menacent pas les générations futures. Elle rejette donc les technologies qui les soumettent, les menacent ou les contaminent, comme par exemple l’ingénierie génétique.

  1. Le travail avec la nature

La souveraineté alimentaire utilise les apports de l’environnement selon des pratiques de cultures et de production agro-écologiques diversifiées et faibles consommatrices d’intrants, qui optimisent les apports des écosystèmes, améliore la résilience et l’adaptation, particulièrement face au changement climatique. Elle cherche à guérir la planète pour que la planète puisse nous guérir. Elle refuse les pratiques qui mettent à mal les écosystèmes, les monocultures et les élevages intensifs fortement consommateurs d’énergie, les pratiques de pêche destructrices et les autres modes de production industriels, qui détruisent l’environnement et contribuent au réchauffement mondial.

B/ Discussions thématiques sur la souveraineté alimentaire

A Nyéléni 2007, nous avons renforcé le dialogue à l’intérieur des secteurs et des groupes d’intérêt et entre ceux-ci. Ceci a été le travail principal du forum grâce à l’organisation de groupes d’échanges autour de sept thèmes touchant à la souveraineté alimentaire : marchés locaux et commerce international ; savoirs locaux et technologies ; accès et contrôle des ressources naturelles ; partage des territoires ; conflits, occupation et catastrophes ; conditions sociales et migrations forcées ; et enfin, modèles de production. Pour chacune de ces thématiques et pour guider les discussions, un document préparatoire était disponible, intitulé « Vers un programme d’action pour la souveraineté alimentaire », présenté dans le programme de Nyéléni et consultable sur le site web Nyéléni 2007 (http://www.nyeleni2007.org/IMG/pdf/VERS_UN_PROGRAMME_D_ACTION_POUR_LA_SOUVERAINETE_ALIMENTAIRE20fev2007-fr.pdf) e qui suit est une synthèse des discussions pour chacun des groupes de travail thématique. Le rapport se termine par un programme d’action pour la souveraineté alimentaire, établi grâce aux apports des discussions en groupes sectoriels, en groupes d’intérêts et en groupes régionaux. Le programme d’action récapitule les actions conjointes qui seront menées par les organisations paysannes, de pasteurs, de pêcheurs, de peuples indigènes, de travailleurs migrants, les mouvements de consommateurs et les mouvements urbains, les groupes de femmes, les environnementalistes et les jeunes représentés à Nyéléni 2007. Des exemples d’actions spécifiques à des secteurs ou des régions sont également présentés.

Une version plus exhaustive du bilan des discussions sera disponible dans un prochain rapport.

  1. Marchés locaux et commerce international

L’alimentation est la base de la santé et de la nutrition des peuples – elle ne doit pas être réduite à un simple produit commercialisable. Afin de garantir le droit à l’alimentation pour tous et le droit pour les paysans, les pasteurs, les pêcheurs de produire, en suivant des pratiques de durabilité, une alimentation saine, nous devons construire de nouveaux mécanismes défendant l’équité des pratiques commerciales, des prix justes, définis communément par les producteurs et les consommateurs, et transparents tout au long de la chaîne alimentaire. Ces nouveaux mécanismes doivent donner la priorité aux productions locales pour les marchés locaux. Nous devons nous battre pour un changement radical des politiques alimentaires, agricoles et de pêche pour qu’elles soient basées sur la souveraineté alimentaire et non sur le libre-échange et ses instruments néo-libéraux – gouvernements, entreprises multinationales et institutions internationales, comme la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce.

Nous continuerons à refuser l’ensemble des accords bi- et multilatéraux qui ne répondent pas aux besoins des producteurs et consommateurs locaux. La souveraineté alimentaire n’interdit pas le commerce national, régional ou international mais donne la primauté aux productions locales pour des marchés locaux afin de garantir la souveraineté alimentaire. Elle valorise les productions culturellement adaptées sans imposer la consommation d’aliments dont les gens ne veulent pas, en particulier les organismes génétiquement modifiés. Mettre l’accent sur les marchés locaux conduit également à soutenir l’utilisation des terres au bénéfice de la production alimentaire plutôt que de la production pour les agro-carburants ou d’autres monocultures ; à privilégier l’accès aux ressources halieutiques côtières aux pêcheurs locaux plutôt que des pratiques de pêche destructive ; à maintenir les territoires d’élevage pastoral au bénéfice de pratiques d’élevage durables, etc. Nous continuerons à nous battre contre les mécanismes de marché et de libre-échange qui conduisent à la surproduction, au dumping de produits « bon marché » et à l’importation d’une aide alimentaire inefficace, qui ne bénéficient qu’à quelques gros producteurs et nuisent à la souveraineté alimentaire. Au contraire, nous encourageons les lois et politiques qui promeuvent l’autonomie locale en matière de production alimentaire et de consommation afin que les peuples indigènes, les paysans, les pêcheurs, les pasteurs, les habitants de la forêt et les autres fournisseurs d’alimentation locale puissent produire pour eux-mêmes, pour les communautés locales et plus largement pour leurs sociétés.

  1. Savoirs locaux et technologies

La majeure partie de l’alimentation mondiale est toujours produite ou récoltée sur de relativement petites surfaces par les communautés locales, selon des savoirs locaux, utilisant les savoir-faire et les ressources disponibles. Notre connaissance et notre expérience sont ce dont le monde a besoin pour permettre la souveraineté alimentaire. Nous sommes les hommes et les femmes, les paysans, les pasteurs, les pêcheurs, les peuples indigènes, les habitants des forêts qui depuis des millénaires avons créé, maintenu et développé les bases, non de notre seule survie, mais de celle de l’ensemble de la société. Il s’agit des connaissances et savoir-faire pour produire l’alimentation, l’habillement, les médicaments, les semences, le bétail, etc. selon des pratiques qui préservent la biodiversité et respectent l’environnement et les écosystèmes.

Notre connaissance est vivante, se décline de différentes façons et est essentielle à la souveraineté alimentaire. Elle est locale, collective et diverse, toujours en mouvement et dynamique – et non statique – et rassemble les forces grâce aux échanges et à la solidarité. Défendre la souveraineté alimentaire suppose de reconnaître l’expérience et les contributions des femmes, de faire des savoirs et des systèmes de production indigènes un élément central dans le renforcement des systèmes alimentaires locaux gérés par les communautés locales. Les technologies utilisées pour les monocultures intensives, notamment celles pour la production d’agro-carburants, l’aquaculture industrielle et les pratiques de pêche destructives, qui sont imposées via les révolutions verte (cultures), bleue (aquaculture) et blanche (lait), et aujourd’hui imposées en Afrique, ont des conséquences désastreuses sur les systèmes et les savoirs locaux et sur l’environnement. Elles contribuent activement au renforcement du pouvoir des entreprises transnationales et leur mainmise sur l’ensemble de la chaîne alimentaire, de la production à la distribution.

Cette mainmise et cette domination des entreprises, soutenue par les élites locales, conduit à la concentration des terres, à l’érosion des sols, à la contamination des eaux par les nitrates et les pesticides, à la destruction des écosystèmes productifs et culmine avec la disparition des paysans, des pasteurs et des pêcheurs. Cette polarisation du pouvoir permet le développement et la diffusion des organismes génétiquement modifiés, des nanotechnologies et des techniques de stérilisation des semences, technologies protégées par des brevets et autres droits de propriété intellectuelle. De plus, la privatisation de la recherche agricole déplace les savoirs sur les variétés de semences et sur l’alimentation du bétail, du domaine public vers les mains des entreprises ; ceci empêche également le développement de la transformation locale. Sous couvert de lutte contre la faim, contre la grippe aviaire, contre le réchauffement climatique et la fin de l’ère pétrolière, ces technologies non durables et inadaptées sont imposées sur nos territoires, contaminent nos eaux et, en raison de l’impact des pêches industrielles et de l’aquaculture, asphyxient nos océans.

3. Accès et contrôle des ressources

L’accès, le contrôle et la gestion des ressources naturelles dont dépendent les paysans, les éleveurs nomades, les pêcheurs artisanaux et les communautés indigènes pour se nourrir et vivre – par exemple, la terre, les forêts, l’eau, les semences, le bétail, les poissons et autres espèces aquatiques – sont essentiels à la souveraineté alimentaire. Pendant des générations, les communautés locales ont conservé la richesse et la diversité de ces ressources par le contrôle de leur accès pour la pratique de l’agro-écologie, une agriculture écologiquement soutenable, l’élevage de bétail, le pastoralisme et la pêche artisanale, sauvant et protégeant leurs terres, territoires, forêts et milieux aquatiques de la surexploitation, l’extinction et la contamination. Nous devons garantir l’accès des femmes à la terre, en abolissant les lois discriminatrices d’héritage et de répartition dans le cas d’un divorce ; transformant des coutumes qui empêchent aux femmes d’accéder à la terre ; et l’égalité entre les hommes et les femmes dans les processus de réforme agraire.

Une véritable réforme agraire est nécessaire qui nous offre des droits d’accès et de contrôle sur nos territoires, y compris pour les peuples indigènes et les éleveurs nomades, qui peut ensuite être utilisée exclusivement pour une production écologiquement et socialement soutenable. Nous exigeons des droits similaires pour des espaces aquatiques et côtiers pour les pêcheurs artisanaux, empêchant l’imposition de l’aquaculture industrielle ou des pratiques piscicoles destructrices, en garantissant également l’accès aux ressources des plages et des zones fluviales. Nous devons développer un plan commun d’action pour combattre la privatisation de l’eau, la marchandisation de l’eau et l’exploitation des ressources aquatiques par des multinationales. L’accès et le contrôle sur nos semences, races animales et espèces de poissons qui forment la base de la souveraineté alimentaire ne doivent pas être compromise par des droits de propriété intellectuelle et ne doivent pas être contaminés par des organismes génétiquement modifiés.

Nous devons nous prémunir contre toute assistance humanitaire et de développement qui réduise notre accès et notre contrôle sur les ressources naturelles, comme cela s’est produit, par exemple, après le tsunami de décembre 2004 dans l’Océan Indien. Nous devons obliger les gouvernements à appliquer les lois et les accords internationaux, ou à développer une législation nationale, capables de garantir le droit d’accéder aux ressources auxquelles les peuples ont droit et empêcher la privatisation des ressources communes et les actions des multinationales qui limitent notre accès aux ressources naturelles dont nous avons besoin pour réaliser notre souveraineté alimentaire.

4. Partage des territoires

Nous devons définir les territoires au-delà des limites géopolitiques en y incluant les territoires des peuples indigènes, les communautés nomades et pastorales ainsi que les pêcheurs vivant sur les plages. Nous devons également considérer la nature comme une richesse matérielle et spirituelle, et non pas comme une simple ‘ressource’ à exploiter. Nous comprenons la nature holistique des territoires en tant qu’ils incluent la terre, l’eau, les semences, les races de bétail et les organismes aquatiques. Les communautés locales ainsi que les populations qui partagent les territoires doivent y avoir accès de manière équitable mais contrôlée. L’un des plus grands obstacles à l’accès équitable aux territoires est la privatisation de la terre, de l’eau et des êtres vivants. Nous devons combattre toutes formes d’expulsions de personnes de leurs territoires ainsi que les mécanismes qui favorisent un contrôle centralisé ou par les multinationales des territoires.

Nous devons garantir l’existence pacifique des diverses communautés qui vivent sur les territoires en renforçant nos organisations et nos alliances multisectorielles afin de pouvoir négocier de manière démocratique et partager les territoires. Une société civile forte, mobilisée et organisée sera seule capable de réaffirmer les droits des jeunes et des femmes à avoir accès à ces territoires. Nous pouvons résoudre des conflits concernant les territoires partagés entre différents secteurs en améliorant nos méthodes traditionnelles de gestion des territoires. L’une des sources majeures de conflit est la surexploitation de la nature et la gestion non durable des territoires par un secteur au détriment d’un autre, par une génération au détriment des générations futures. Nous devons nous battre pour une réforme agraire véritable qui prenne en compte les différents besoins des populations et pour que les gouvernements protègent les droits de ceux qui habitent ces territoires.

Ancrés dans les savoir-faire traditionnels, nous devons créer nos propres activités de recherche pour imaginer et rassembler des solutions alternatives aux obstacles liés au partage des territoires entre différentes communautés. Une solution serait la création d’un système d’échanges alternatif entre producteurs locaux qui résistent à la domination des marchés mondiaux.

5. Conflits, occupations et catastrophes naturelles

La souveraineté alimentaire est menacée par les conflits, les occupations et les catastrophes, ainsi que par des efforts pour améliorer la situation tels que les projets d’aide alimentaire ou de développement/reconstruction totalement inadaptés, qui génèrent encore plus de conflits. La dégradation de l’environnement qui résulte des guerres et des catastrophes compromet également la souveraineté alimentaire, puisqu’elle affecte la production locale. En même temps, nous voyons que là où la souveraineté alimentaire est présente, les communautés et leurs systèmes de production sont mieux capables de survivre et de se remettre sur pied. Des exemples ont été rapportés concernant la perte de souveraineté alimentaire à cause de l’occupation en Palestine et au Liban ; en tant que résultat direct des conflits pour de nouvelles ressources naturelles au Cameroun et en Colombie ; et à cause des conditions de vie précaires liées aux catastrophes naturelles et humaines au Sri Lanka et aux Philippines. Ces exemples-ci, parmi de nombreux autres, ont articulé l’importance de la souveraineté alimentaire dans des zones occupées, de conflit ou affectées par des catastrophes.

Nous parlons régulièrement de l’accès aux marchés pour les producteurs locaux et les personnes qui veulent consommer des produits locaux. Mais pour les communautés vivant dans des zones de conflits, sous occupation ou au lendemain d’une catastrophe, l’accès aux marchés est une question essentielle. C’est par exemple le cas lorsqu’il y a un mur entre le producteur et le marché, ou lorsque les infrastructures de transport disparaissent suite à une inondation. De même, suite à un conflit ou une catastrophe, les populations sont souvent expulsées de leurs terres qui sont utilisées à d’autre fins, telles que le tourisme, ou l’occupation par d’autres groupes de population.

La souveraineté alimentaire est attaquée par la répression ou le terrorisme d’Etat, en particulier parce que des conflits affectent le contrôle des territoires par les communautés. Ceci limite l’accès à la terre, à l’eau, à l’alimentation et empêche toute participation à la prise de décision. Pour les populations vivant sous occupation, l’autodétermination et l’autonomie locale deviennent cruciales pour atteindre la souveraineté alimentaire. L’autodétermination peut également prémunir contre les impacts des catastrophes naturelles ou humaines en garantissant une gestion écologique et communautaire qui s’appuie sur des savoir-faire traditionnels et des modes de vies qui augmentent la résistance des écosystèmes aux catastrophes. Afin d’atteindre la souveraineté alimentaire, nous devons nous assurer que les victimes et les survivants des confits et des catastrophes naturelles puissent déterminer et gérer eux-mêmes leur sortie de la crise et leurs efforts de reconstruction.

Nous soutenons que la souveraineté alimentaire est essentielle pour que les peuples puissent se protéger et faire face aux catastrophes. Dans ce contexte, nous avons discuté: de comment s’assurer que les cadres légaux maintiennent la biodiversité et offrent des compensations lorsque les moyens de subsistance des communautés ont été détruits intentionnellement ; ainsi que d’une convention internationale sur la souveraineté alimentaire, notamment pour les communautés vivant dans des situations de conflit, sous occupation ou victimes de catastrophes naturelles.

6. Conditions sociales et migrations forcées

Nous devons intégrer la lutte pour la souveraineté alimentaire dans la lutte pour les droits des migrants. Les causes des migrations forcées, souvent pour travailler dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche, sont notamment liées aux politiques internationales financières et de développement, à la guerre, et à la destruction des habitats et des cultures à cause d’injustices sociales et environnementales. Les migrations forcées se caractérisent notamment par le racisme et l’exploitation sexuelle, le trafic d’êtres humains, l’utilisation de migrants comme main d’œuvre bon marché ou main d’œuvre esclave, et le traitement des migrants comme « citoyens de deuxième zone ».

Nous constatons qu’il existe une prise de conscience des conditions des travailleurs migrants, notamment lors des mobilisations aux Etats-Unis et en France en 2006, et lorsque l’on évalue le montant des fonds transférés par les migrants vers leurs familles dans leurs pays d’origine. Néanmoins, aucune politique n’est mise en place pour défendre le droit des personnes déplacées à rentrer auprès de leurs communautés d’origine, particulièrement celles qui ont été déplacées dans le cadre d’une occupation, d’une catastrophe naturelle ou d’un conflit. Afin de confronter les problèmes générés par les migrations forcées, les propositions suivantes sont faites en tant que stratégies pour contenir ce phénomène :

1) La défense des territoires et des cultures, la souveraineté alimentaire et l’autosuffisance ainsi que la défense des organisations rurales, paysannes, agraires et urbaines qui sont les essentielles à la garantie de la dignité dans les campagnes et dans les villes

2) Articuler la valeur de la production paysanne avec la création de rapports économiques durables en dehors des valeurs capitalistes de marché.

Nous devons renforcer et promouvoir les organisations et les mouvements indépendants de migrants, du local à l’international. Ceci inclut le renforcement des alliances entre les organisations et les mouvements sociaux dans les pays d’origine et les pays où travaillent et vivent les migrants. Nous devons augmenter la prise de conscience concernant les migrations forcées et les conditions de vies des migrants, notamment dans les domaines de l’alimentation, de la pêche et de l’agriculture. De surcroît, nous devons rester solidaires des organisations de migrants qui représentent des alliés essentiels dans notre combat pour la souveraineté alimentaire.

7. Modèles de production La souveraineté alimentaire et la stabilité environnementale sous-entendent une production agro-écologique des aliments et une utilisation de techniques de pêche artisanales qui respectent l’environnement. Mais cette forme de production ne peut exister que si la société valorise et soutient ce genre d’agriculture et de pêche et achète des produits locaux tout en supprimant les privilèges et les subventions aux systèmes de production industriels qui profitent aux multinationales. Les modèles de production industriels sont en train de s’approprier et de détruire les marchés locaux, les vies des petits producteurs et les écosystèmes dont dépendent les petites exploitations. Ces modèles encouragent les monocultures ainsi que l’utilisation de terres et de récoltes pour répondre aux besoins en énergie plutôt que pour nourrir les populations. Ils polluent également les eaux des rivières, ce qui a également des conséquences très négatives sur nos mers et sur ceux qui en vivent. Le modèle productiviste a un impact très négatif sur l’environnement, détruisant la capacité de la nature à s’adapter et contribuant ainsi au dérèglement climatique.

Les modèles de production et les manières à travers lesquelles l’alimentation est vendue et distribuée sont plus importants que la taille des exploitations (petite dans un pays peut paraître grand dans un autre) ou le lieu de production : la souveraineté alimentaire est applicable au Nord comme au Sud.

Nous devons renforcer les liens entre producteurs et consommateurs et les convaincre de se convertir à une « économie solidaire » qui soutient les paysans locaux, les éleveurs nomades, les pêcheurs artisanaux et leurs systèmes agro-écologiques de production et de récolte. Nous devons également persuader les autorités (à tous les niveaux) d’acheter les produits locaux pour les écoles, les hôpitaux et autres institutions publiques. Cela constitue des stratégies importantes. Le défi pour la génération actuelle n’est pas seulement de changer les politiques en faveur d’une production écologiquement durable mais également de maintenir sur pieds les valeurs et les ressources nécessaires aux systèmes de production pour qu’ils puissent servir aux générations futures.

C- PROGRAMME D’ACTION OUR LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE

QU’ALLONS-NOUS FAIRE?

a Nyéléni 2007, pour arriver à la souveraineté alimentaire, nous avons élaboré des stratégies conjointes et un programme d’action afin de PROMOUVOIR notre programme, RÉSISTER aux politiques et aux pratiques qui le sapent et RENFORCER NOTRE MOUVEMENT.

PROMOUVOIR

Nous allons PROMOUVOIR des stratégies, des politiques et des styles de vie visant à renforcer le contrôle communautaire, la durabilité écologique, les savoirs locaux et l’autonomie ainsi que les connaissances traditionnelles en vue de revendiquer la souveraineté alimentaire dans toutes ses dimensions ainsi que nos droits associés. Nous allons identifier et renforcer les pratiques autonomes existantes qui fournissent une souveraineté alimentaire et presser nos gouvernements de respecter et protéger nos droits à la souveraineté alimentaire.

    1. MARCHÉS LOCAUX

Nous allons revendiquer le droit des producteurs et des consommateurs d’aliments d’exercer un contrôle autonome sur les marchés locaux comme étant un espace crucial pour la souveraineté alimentaire. Nous renforcerons les marchés locaux formels et informels et les liens directs entre les consommateurs et les producteurs d’aliments en développant l’agriculture et la pêche ayant le soutien de la communauté, ce qui permet de construire la confiance nécessaire. Nous allons promouvoir les coopératives alimentaires, la transformation locale, les forums de consommateurs et les économies de solidarité qui favorisent les marchés locaux et des prix justes pour les petits producteurs. Nous soutiendrons l’équité dans le commerce et le “commerce équitable ” là où il participe à la souveraineté alimentaire. Nous allons créer des opportunités pour un marché alternatif par le biais d’initiatives telles que les fonds communautaires et les échanges de produits, en organisant par exemple le troc, des foires de semences, etc., qui devraient renforcer les liens et la solidarité entre les petits fournisseurs. Nous allons proposer à nos gouvernements des politiques visant à protéger la production locale et les marchés.

SAVOIRS LOCAUX

Nous allons revendiquer que les savoirs locaux et les valeurs culturelles constituent les voies permettant d’arriver à une souveraineté alimentaire. Nous identifierons les diverses expériences et pratiques, locales et collectives, comme exemples, tout en reconnaissant qu’elles sont dynamiques - non statiques- et qu’elles évoluent, pour rassembler nos forces grâce aux échanges et à la solidarité. Nous respecterons, reconnaîtrons et renforcerons les connaissances locales en préservant les semences, en créant des réseaux locaux de semences, en développant l’agriculture naturelle et traditionnelle ainsi que les marchés alternatifs. Mais surtout, nous conserverons les savoirs locaux en encourageant leur utilisation et en aidant les gens qui les maintiennent vivants dans leur vie quotidienne, en particulier les femmes et les communautés autochtones. Nous lutterons contre toutes les formes de propriété intellectuelle sur la vie et les savoirs, y compris la privatisation et le brevetage des connaissances traditionnelles associées à la production alimentaire. Nous encouragerons l’enseignement de ces savoirs locaux dans les écoles. Nous organiserons des activités de recherche afin d’inventorier et de développer des solutions alternatives aux problèmes qui se posent aux différentes communautés sur leurs territoires, en mettant l’accent et en promouvant les savoirs et connaissances traditionnelles. Nous soutiendrons la recherche menée par les gens eux-mêmes et leurs organisations locales, celle-ci renforce la souveraineté alimentaire et aide à préserver les terres productives, l’eau, les semences et le bétail.

PRODUCTION ET RECOLTES AGRO- ÉCOLOGIQUES

Nous allons promouvoir les systèmes de production respectueux de l’environnement naturel et social qui peuvent être contrôlés par les producteurs locaux d’aliments. A savoir : la production agro- écologique des aliments par les paysans et les exploitations familiales; le pastoralisme ou l’élevage par les éleveurs nomades ayant des traditions nomades et transfrontalières qui permet de conserver les territoires de pâturage où ils y produisent la viande, le lait et autres aliments mais aussi les fibres, le combustible et autres matières premières; la pêche artisanale par les peuples de pêcheurs qui limite la quantité de poissons et d’autres organismes aquatiques pêchés afin de conserver les réserves de poisson, les fonds marins, les récifs de corail, les mangroves et les autres zones et habitats de poissons essentiels pour la régénération ; la production forestière par les habitants des forêts qui connaissent et vivent de la diversité des produits de la forêt.

UTILISATION DES INSTRUMENTS ET PROGRAMMES INTERNATIONAUX

Nous allons garantir la souveraineté alimentaire et les droits associés en utilisant les instruments internationaux légaux tels que la Déclaration universelle des Droits humains de l’ONU, la Déclaration des Droits des Peuples autochtones de l’ONU et les protocoles, décisions, directives et programmes développés par, entre autres, la FAO, la Convention sur la Diversité biologique et le Fonds international pour le Développement de l’Agriculture, tels que : les Directives volontaires sur la mise en application progressive du droit à une alimentation appropriée ; les instruments pouvant limiter les importations d’OGMs et la concession de droits de propriété intellectuelle sur les organismes vivants; les politiques et programmes qui stimulent la production à petite échelle. Nous ferons pression sur les gouvernements pour qu’ils mettent en œuvre les accords internationaux qui exigent l’application de politiques en faveur de la souveraineté alimentaire et, dans le cadre de ces accords, de promulguer des lois visant à éliminer les politiques et les pratiques qui sapent la souveraineté alimentaire. Par le biais de ces instruments et le truchement de forums internationaux de négociation à cet effet, nous agirons en faveur des droits des paysans, des éleveurs, des éleveurs nomades, des nomades, des artisans pêcheurs, des peuples autochtones et autres collectifs.

RÉFORME AGRAIRE ET CONTRÔLE DES TERRITOIRES PAR LES COMMUNAUTÉS

Nous allons lutter pour une réforme agraire complète et authentique qui respecte les droits des femmes, des peuples autochtones, des paysans, des artisans pêcheurs, des travailleurs, des éleveurs nomades, des migrants et des générations futures et qui permette la cœxistence des différentes communautés sur leurs territoires. Les droits coutumiers du territoire doivent être reconnus mais doivent être adaptés s’ils entraînent une discrimination envers les femmes ou autres communautés marginalisées. La réforme agraire doit garantir la priorité de l’utilisation de la terre, de l’eau, des semences et des races de bétail, etc. pour la production alimentaire et les autres besoins locaux, sur la production destinée à l’exportation. Nous favoriserons la gestion communautaire des territoires qui reconnaît les besoins des divers utilisateurs et qui protège les territoires des menaces environnementales telles que la destruction des mangroves et la fragilité des écosystèmes littoraux et marins. Nous protègerons nos territoires en développant les mécanismes de production traditionnels ayant un faible impact et en luttant contre l’aquaculture industrielle et l’industrie agroalimentaire. Nous encouragerons le partage équitable et la gestion des eaux territoriales en présentant, parmi d’autres stratégies, une alternative commune au Sommet sur l’Eau d’Istanbul 2009.

RÉSISTER

Nous allons RÉSISTER et nous opposer au modèle capitaliste mondial dirigé par les multinationales ainsi qu’à ses institutions et politiques qui empêchent les communautés de pouvoir garantir et mener à bien la souveraineté alimentaire. Cela comprend la contestation des politiques gouvernementales qui facilitent le contrôle des multinationales sur notre production et notre distribution alimentaires ainsi que des actions directes contre les pratiques desdites multinationales.

COMMERCE INTERNATIONAL

Nous allons coordonner les luttes contre la libéralisation du commerce avec les luttes pour promouvoir la production et les marchés locaux en vue de construire la souveraineté alimentaire. Nous continuerons à prendre pour cible l’OMC, les accords de commerce régionaux et bilatéraux, le dumping, la politisation et la manipulation de l’aide alimentaire, et nous regagnerons le droit de chaque pays à protéger sa production nationale et ses marchés. Nous lutterons pour des politiques alternatives dans les pays grands producteurs et exportateurs d’aliments qui comprennent la gestion des réserves et le soutien des prix afin d’éviter le dumping, y compris un projet de loi sur l’Agriculture (Farm Bill) alternative aux Etats-Unis et une Politique agricole commune (PAC) alternative en Europe qui favorise l’exploitation agricole familiale plutôt que le secteur agroalimentaire. Nous prendrons des mesures contre les importations massives d’aliments “bon marché” qui menacent la production locale durable. Nous lutterons contres les règles du commerce et les politiques financières internationales qui sapent la souveraineté alimentaire. Nous continuerons à nous opposer à tous les accords bilatéraux et multilatéraux qui menacent les besoins des producteurs et consommateurs locaux et menacent la souveraineté alimentaire.

ENTREPRISES TRANSNATIONALES

Nous allons lutter contre le contrôle des grandes entreprises sur la chaîne alimentaire en réclamant le contrôle sur nos territoires, notre production, nos marchés et nos manières d’utiliser les aliments. Nous allons exiger de nos gouvernements qu’ils promulguent des lois visant à éliminer le contrôle des grandes entreprises et, par contre facilitent le contrôle des communautés sur la production et la distribution alimentaire. Nous soutiendrons l’essor de la production biologique (agroécologie, élevage nomade, pêche artisanale. etc.) comme étant une stratégie directe contre les multinationales. Nous nous associerons aux boycotts et campagnes internationales visant à démanteler le pouvoir de certaines grandes entreprises dans le système alimentaire. Nous renforcerons nos stratégies conjointes en partageant les informations sur l’impact desdites entreprises sur la souveraineté alimentaire.

CONFLITS ET OCCUPATION

Nous allons nous associer aux luttes contre l’occupation et combattre contre l’édification de murs et la militarisation des frontières qui déchirent les peuples et les empêchent d’avoir accès aux aliments locaux et aux territoires productifs. Nous reconnaissons que les conflits et les occupations présentent une menace sérieuse à la souveraineté alimentaire et que garantir cette souveraineté alimentaire est crucial pour les peuples et communautés pour pouvoir survivre et se nourrir dans des conditions adverses. Pour ce faire, nous devons être en permanence solidaires de tous les peuples qui vivent sous l’occupation, ceux dont les territoires sont divisés par des murs ainsi que ceux qui connaissent des conflits ou des catastrophes. Nous intensifierons nos lutes et nos résistances et nous répondrons aux conflits, occupations et catastrophes en tirant les leçons des expériences et des stratégies vécues par d’autres communautés ou mouvements.

TECHNOLOGIES TOXIQUES

Nous allons continuer à lutter contre les plantes, animaux et arbres génétiquement modifiés; contre l’aquaculture industrielle; contre le bétail cloné; et contre l’irradiation des aliments. Nous lutterons contre l’Alliance pour la Révolution verte en Afrique et l’introduction des cultures génétiquement modifiées par le biais de l’aide alimentaire. Nous organiserons des campagnes nationales pour interdire la technologie « Terminator » et autres technologies qui entraînent la stérilisation des semences et des animaux et nous soutiendrons également le moratoire international. Nous travaillerons pour obtenir un moratoire immédiat sur les nouvelles technologies telles que la nanotechnologie, qui a déjà été introduite dans l’alimentation et l’agriculture et qui présente aujourd’hui de nouvelles menaces pour la santé, l’environnement et les économies des paysans et des pêcheurs.

MONOCULTURES & AGROCARBURANTS

Nous allons nous mobiliser et nous engager dans des campagnes internationales contre la production industrielle d’agrocarburants; ces agrocarburants sont souvent sous le contrôle des multinationales et ont des impacts négatifs sur les populations et sur l’environnement. Nous soulignerons les impacts destructeurs du modèle de production qui pousse à la conversion de terres productives en monocultures pour les agrocarburants, la pâte à papier, les arbres génétiquement modifiés et autres types de cultures industrielles (comme à travers la Campagne internationale contre les déserts verts).

CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Nous allons dénoncer l’agriculture industrielle comme étant l’un des facteurs contribuant aux changements climatiques et dénoncer l’efficacité des « marchés du carbone » pour réduire les émissions et garantir la justice climatique. Nous évaluerons l’impact au niveau local et régional des changements climatiques sur la souveraineté alimentaire, en particulier pour déterminer comment ceux-ci affectent la biodiversité, ainsi que nos semences, animaux, poissons, etc… Nous étudierons également les changements climatiques comme étant les déclencheurs de catastrophes naturelles et aiderons les communautés affectées à développer des mécanismes pour pouvoir s’adapter et survivre. Nous développerons des stratégies fondées sur la solidarité et les échanges entre les régions, tout en garantissant à chaque fois le contrôle local. Finalement, nous encouragerons la souveraineté alimentaire comme étant une réponse efficace à l’impact des changements climatiques.

RENFORCER LE MOUVEMENT

Nous allons RENFORCER LE MOUVEMENT pour la souveraineté alimentaire à travers nos mobilisations, la construction d’alliances, la communication et les actions communes entre mouvements à travers le monde ; et nous vaincrons.

MOBILISATION

Nous nous mobiliserons à travers tous les secteurs dans nos luttes communes contre les politiques gouvernementales, les multinationales et les institutions qui nous empêchent de réaliser la souveraineté alimentaire. Nous les éleveurs nomades, les pêcheurs artisanaux, les paysans, les femmes, les peuples indigènes, et autres communautés de partout dans le monde, nous nous unirons pour pratiquer et développer la souveraineté alimentaire. En forgeant un programme commun et en développant des politiques communes nous serons capables de construire un front uni qui sera assez fort pour gagner la lutte pour la souveraineté alimentaire.

CONSTRUCTION D’ALLIANCES ET RENFORCEMENT DE NOS MOUVEMENTS

Nous construirons un mouvement pour la souveraineté alimentaire en renforçant les organisations, les coopératives, les associations et les réseaux, et en construisant des alliances stratégiques entre divers groupes d’intérêt tels que les consommateurs, les étudiants, les chercheurs, la communauté médicale, les communautés religieuses, les mouvements écologistes, les mouvements contre la privatisation des ressources aquatiques et les personnes directement affectés par les constructions de barrages, les industries extractives, les guerres, les occupations et les désastres en tous genres. Nous encouragerons les rapports constructifs entre communautés rurales et urbaines, entre producteurs et consommateurs et entre paysans, pêcheurs, éleveurs nomades, et populations indigènes. Nous travaillerons avec les organisations de migrants à construire la solidarité entre eux et augmenter notre compréhension de leurs priorités. Nous renforcerons les réseaux et alliances entre mouvements sociaux et organisations de migrants, à la fois dans leurs pays d’origine et dans les lieux où ils vivent et travaillent, et nous ferons la promotion d’un code de droits basés sur leurs revendications. Nous irons à l’encontre des personnes et communautés qui ne sont pas présentes à ce forum et qui sont essentielles pour notre lutte collective pour la souveraineté alimentaire.

EDUCATION

Nous appuyons l’éducation politique pour promouvoir la souveraineté alimentaire. Nous favoriserons la prise de conscience politique au sein de nos organisations et mouvements, en apprenant les uns des autres, et nous communiquerons à l’égard du reste de la société, y compris les consommateurs urbains et les écologistes au Nord et au Sud. Certains outils : des journées d’information ; des ateliers thématiques axés sur les savoir-faire locaux ; des campagnes d’éducation populaire dans les systèmes scolaires. Nous dépendrons de nos savoir-faire et de nos expériences de terrain afin de faire vivre la souveraineté alimentaire. Nous mettrons en place des stratégies éducatives sur, par exemple : la migration, les conditions de vie des migrants et les liens avec l’alimentation ; comment nos droits coutumiers et les lois de propriété sur les terres affectent notre souveraineté alimentaire, l’importance de consommer des produits de qualité produits localement ; et les impacts liés à l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés.

COMMUNICATION

Nous renforcerons nos moyens de communication basés sur nos cultures et nos conditions locales, afin de contrer la propagande des multinationales, de s’opposer au système alimentaire mondialisé et de souligner les expériences et savoir-faire locaux réussis. Nous utiliserons divers médias, tel que Radio Mundo Real, des sites internet et des radios communautaires, travaillant à rompre le fossé technologique. Nous maintiendrons le site internet Nyeleni2007.

JOURNEES D’ACTION

Nous allons coordonner et participer à des journées d’action qui sont organisées et promues par des organisations amies, focalisant sur la souveraineté alimentaire et encourageant la participation de tous, notamment les femmes.

Par exemple : 8 mars : Journée mondiale des femmes 14 mars : Journée internationale contre les grands barrages 12 octobre : Journée de la résistance indigène 16 octobre : Journée internationale pour la souveraineté alimentaire 21 novembre : Journée des petits pêcheurs 10 décembre : Journée des Droits humains 18 décembre : Journée internationale des migrants

Les stratégies communes et l’agenda d’action décrits ci-dessus sont des résumés des rapports des Groupes de Travail Thématiques et des discussions Régionales. Elles sont le résumé des propositions qui ont été faites. Les pages qui suivent offrent des exemples de certaines actions spécifiques qui ont été proposées par les Secteurs et Régions.

EXEMPLES D’ACTIONS SPECIFIQUES PROPOSEES PAR LES REGIONS

Afrique

  • Appel pour sortir l’agriculture de l’Organisation Mondiale du Commerce ; et rejet des Accords de Partenariat Economique qui sont actuellement en train d’être imposés sur nos populations et appel à un moratoire sur ce processus

  • Rejet de toutes les actions des Multinationales et de leurs appuis institutionnels internationaux qui cherchent à contrôler nos semences, et revendication d’un un moratoire sur l’introduction d’organismes génétiquement modifiés (et particulièrement des semences Terminator) sur le continent africain.

  • L’Afrique peut se nourrir mais les trois mondialisations successives nous en ont empêché : nos paysans – et particulièrement les femmes qui aujourd’hui font la plupart du travail à la ferme et dont les droits doivent être reconnus, appuyés et réalisés – sont les premiers utilisateurs de méthodes agro-écologiques.

Asie de l’ouest et du centre

  • Initier des campagnes de solidarité avec les paysans affectés par les occupations et les guerres, particulièrement ceux à qui on empêche d’accéder aux terres à cause des confiscations, des bombes à fragmentations et des murs ; y compris des actions médiatiques, des boycotts de produits des forces occupantes et un renforcement des opportunités de marchés des paysans concernés.

  • Développer et gérer des marchés « éco-friendly » et combattre les politiques gouvernementales qui transfèrent les aides aux grosses exploitations plutôt qu’aux petits paysans

  • Planifier des actions et des campagnes conjointes à l’échelle régionale pour se réapproprier et protéger la biodiversité dans la région, en commençant par le blé.

Asie du sud

  • Mener campagne en tant que région contre l’éviction des paysans de leurs terres, des pêcheurs de la mer ; et mobiliser les sans-terre pour qu’ils puissent acquérir des terres.

  • Organiser une campagne régionale contre la privatisation des ressources en eau, des terres et des semences ; entreprendre des actions directes contre les organismes génétiquement modifiés et le coton Bt ; déclarer des villages « sans OGM »

  • Organiser un forum similaire à celui de Nyéléni 2007 en Asie du Sud pour développer une plateforme régionale et former un large groupe de personnes de différents milieux sur les questions de la souveraineté alimentaire.

Asie du sud-est et de l’est

  • Mener campagne contre les Accords de Libre Echange (ALE), le commerce international des poissons et les multinationales

  • Soutenir les luttes des paysans, des pêcheurs et des peuples indigènes pour qu’il y ait une réforme agraire véritable et adaptée à la région

  • Développer et approfondir le concept de Souveraineté alimentaire et renforcer les alliances et la communication entre les différents secteurs et pays à travers la région.

Amérique latine et Caraïbes

  • Campagnes contre les monocultures, les « déserts verts », les organismes génétiquement modifiés et les agrocarburants (pas les biocarburants).

  • Campagnes contre la Zone de Libre Echange des Amériques, les Accords de Libre Echange, l’Organisation Mondiale du Commerce et le Plan Colombia.

  • Campagne pour la défense et la restauration des ressources marines et côtières, la défense de l’accès à l’eau et contre sa privatisation ainsi que la construction de grands barrages.

Amérique du Nord et Mexique

  • Entreprendre des campagnes d’éducation populaire à très grande échelle autour de la question de la souveraineté alimentaire, avec le soutien international, pour changer le Farm Bill

  • Exiger que les Accords de Libre Echange soient renégociés et que l’agriculture en soit retirée ; manifestations avec les Canadiens le long de la frontière avec les Etats-Unis, à Washington et avec les Mexicains le long de la frontière mexicaine. Les pêcheurs seront associés à notre lutte ; les peuples indigènes soutenus ; les femmes, les jeunes et les ouvriers inclus.

  • Continuer les campagnes contre les OGM et contre Terminator, en s’associant à des luttes menées à travers le monde, et en visant certaines multinationales.

Europe

  • Campagne contre les Accord de Libre Echange / Accords de Partenariat Economique avec des blocs régionaux et en lien avec des activistes de différentes régions ; se rejoindre à la Semaine Mondiale d’Action contre les Accords de Partenariat Economique ; changer la Politique Agricole Commune en la remplaçant par une politique qui soit basé sur l’idée de souveraineté alimentaire

  • Bâtir à partir de campagnes existantes – telles que celles contre les OGM, la technologie Terminator (notamment lors de la Convention sur la Diversité Biologique / 9 Conférence des Partis CBD/COP9 à Bonn, Allemagne), les agrocarburants et le contrôle des multinationales – en identifiant et en promouvant la souveraineté alimentaire dans ces campagnes et en y incorporant de nouveaux acteurs qui soutiennent la Déclaration de Nyéléni.

  • Promouvoir les systèmes d’agriculture communautaire (Community Supported Agriculture) y compris dans des pays où ils n’existent pas encore ; renforcer les marchés locaux ; faire des campagnes de boycott des supermarchés.

EXEMPLES D’ACTIONS SPECIFIQUES PROPOSEES PAR LES SECTEURS

Paysans/fermiers

  • Entreprendre une campagne mondiale d’information sur la souveraineté alimentaire

  • Combattre les multinationales et leur mainmise sur la chaîne alimentaire – des semences aux supermarchés

  • Combattre les monocultures transgéniques qui sont en train de détruire la biodiversité et promouvoir une agriculture agro-écologique en tant qu’outil contre les multinationales

Pêcheurs

  • Augmenter la lutte pour la protection des écosystèmes côtiers et marins, tels que les mangroves, à travers une gestion communautaire de ces écosystèmes et en réaffirmant le rôle central des femmes

  • Continuer la lutte contre la pisciculture et la pêche industrielles et pour les droits des pêcheurs artisanaux.

  • S’associer à d’autres contre la privatisation et la libéralisation des zones côtières et des mers et pour l’accès et le contrôle sur ces zones par des pêcheurs et des aquaculteurs artisanaux.

Éleveurs nomades

  • Augmenter la reconnaissance du pastoralisme en tant que pratique essentielle à la souveraineté alimentaire. Reconnaissance du fait que les éleveurs nomades ont besoin d’être mobiles pour survivre. Construire des alliances avec d’autres secteurs qui soutiennent le pastoralisme. Nous organiserons une journée internationale de soutien au pastoralisme. Nous travaillerons avec d’autres secteurs pour garantir leurs Droits humains et les Droits des Peuples Indigènes.

  • Renforcer le mouvement pastoral à tous les niveaux et axer notre mouvement sur des organisations sociales traditionnelles et des structures tribales et trouver des moyens de partager nos territoires avec d’autres communautés. Améliorer la communication à l’intérieur de nos communautés et apprendre plus sur nos droits.

  • Avec le soutien du mouvement pour la souveraineté alimentaire nous mettrons la pression sur les gouvernements locaux et les Etats pour qu’ils légifèrent en faveur des migrations transfrontalières.

Peuples indigènes

  • Protéger les territoires des peuples indigènes. Continuer à produire notre alimentation de manière traditionnelle, comme nous l’avons toujours fait. Communiquer, à travers les médias alternatifs, sur les luttes des peuples indigènes pour atteindre la souveraineté alimentaire.

  • Renforcer les réseaux locaux et nationaux de peuples indigènes ainsi que les espaces nationaux et internationaux de coordination. Rechercher l’appui international pour des mobilisations nationales et locales : par exemple en se joignant le 17 avril à travers le monde avec le mouvement paysan et en demandant au mouvement paysan de se joindre aux peuples indigènes le 12 octobre (Journée de Résistance Indigène).

  • Adopter la déclaration des Peuples Indigènes d’Atitlan (Guatemala) sur la souveraineté alimentaire et d’autres déclarations internationales similaires.

Migrants

  • Participer à et, solidairement, soutenir les luttes contre les murs (par exemple : Palestine, Ceuta-Melilla, frontière US-Mexique) ; la militarisation des frontières ; les centres de détention ; la criminalisation des migrants et de leurs familles ; les déportations.

  • Travailler pour la légalisation des migrants et de leurs familles afin qu’ils puissent bénéficier des mêmes droits que tous ; promouvoir un cadre légal pour les droits des migrants.

  • S’opposer aux politiques et aux modèles des multinationales et des Etats qui les servent. S’opposer aux accords, aux guerres et à la violence qui provoquent des déplacements et qui empirent la situation des migrants.

Consommateurs

  • Promouvoir les marchés locaux ainsi que la vente de produits aux écoles, hôpitaux, administrations publiques et obtenir des prix rémunérateurs pour les producteurs.

  • Diffuser l’information et partager les expériences liées à l’agriculture communautaire (Community Supported Agriculture) et les systèmes alimentaires locaux, des pays où ces systèmes fonctionnent déjà, envers les pays qui ne les ont pas encore : lier les initiatives locales au mouvement global.

  • Informer les consommateurs urbain en faisant appel aux paysans (pour qu’ils soient des éducateurs et non pas des « bêtes de foire » pour touristes), en gardant à l’esprit que les attitudes des consommateurs sont principalement formées par les élites et les médias ; dans ce contexte, l’éducation sur le terrain joue un rôle essentiel.

Le rapport final du Forum Nyéléni 2007 pour la Souveraineté Alimentaire – la Déclaration de Nyéléni – est disponible sur www.nyeleni2007.org. Le site internet contient également les déclarations des organisations de paysans Maliens, de la société civile africaine, la déclaration des femmes, ainsi que les documents préparatoires du forum, des dossiers de presse, des photos, vidéos etc.

Comité de Pilotage International, Mars 2007

https://www.alainet.org/fr/articulo/120744?language=en
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