Les medias contre la « révolution citoyenne »
20/09/2007
- Opinión
Les médias privés de l’Équateur, à l’instar de ceux du Venezuela et de Bolivie, jouent aujourd’hui un rôle d’acteurs politiques d’opposition, même s’ils s’en défendent de manière répétée.
L’expérience vénézuélienne, où les médias privés ont remplacé les partis politiques d’opposition tombés en disgrâce et se sont même impliqués dans le coup d’État d’avril 2002 pour renverser le président démocratiquement élu Hugo Chavez Frias, n’est pas passée inaperçue chez leurs homologues équatoriens. Pour essayer d’établir une stratégie face au gouvernement de Rafael Correa, ils cherchent des conseillers de l’étranger qu’ils interviewent à l’envi.
Ainsi, par exemple, Ricardo Trotti, directeur du département ‘liberté de la presse’ de la Société Interaméricaine de Presse (SIP, Sociedad Interamericana de Prensa), leur donnait le conseil suivant : « De mon point de vue, les médias ne doivent pas rentrer dans le jeu, dans la diatribe, l’antagonisme et finir par faire ce dont on nous accuse, de l’opposition. Cela les enchante et c’est pourquoi ils nous provoquent ». (El Universo, 3 juin 2007)
Mais les directeurs des médias ne font pas grand cas de Trotti. Ils jurent et rejurent qu’ils ne cèderont pas à la tentation de remplacer les partis politiques et que leur rôle n’est pas d’intervenir dans la joute politique mais d’« informer avec rigueur et objectivité quand il faut », mais les méthodes qu’ils utilisent et les agendas qu’ils essaient d’imposer au pays les trahissent et sont tout le contraire de ce qu’ils prêchent.
Dans une longue lettre au quotidien El Universo (un des plus grands tirages, édité à Guayaquil), le ministre de l’Éducation, Raul Vallejo, lui rappelait que « personne ne parle impartialement » et que le journal avait tout à fait le droit d’être « un espace militant de critique et d’opposition au projet politique du gouvernement de Rafael Correa », mais qu’il avait « l’obligation morale de le communiquer à ses lecteurs ». En outre, il ajoutait que ce qui « manque d’éthique, c’est qu’en ayant défini une ligne d’opposition, on prétende tenir un discours neutre » (El Universo, 29 juillet 2007)
Qu’il se taise
Les médias n’aiment pas le discours de confrontation de Correa. Le président a certainement critiqué durement les grands médias tout comme les banquiers et les élites – qu’il appelle les « pelucones » [1] - qui ont dominé le pays durant toute la vie politique républicaine. Le discours de confrontation est en concordance avec les objectifs du projet politique de la « révolution citoyenne » et permet que le message reste gravé dans l’esprit des gens. Correa dénonce fréquemment qu’il y a non seulement des mafias dans les médias mais aussi qu’ils sont en plus incompétents, médiocres, racistes et corrompus. Les médias ne sont pas habitués à la critique : ils sont le pouvoir qui est au-dessus du bien et du mal, qui jouit d’impunité, toute critique est interprétée comme un « attentat à la liberté d’expression ». Par conséquent, les éditorialistes comme les politiciens d’opposition ont demandé à de nombreuses reprises à Correa de se taire, de garder le silence, de ne pas chercher la confrontation, d’être tolérant et « incluant » avec les classes fortunées qui « font aussi partie du pays ».
Ils ne sont pas d’accord non plus avec le fait qu’on dévoile la « relation incestueuse » entre le pouvoir économique, financier et le pouvoir médiatique. A plusieurs occasions, Correa a indiqué que les principales chaînes de télévision sont dans les mains des banquiers et a cité des cas concrets : Fidel Egas, en plus d’être le principal actionnaire de la Banque du Pichincha, une des plus grosses et puissantes du pays, est actionnaire majoritaire de Canal 4 (Teleamazonas) qui a une couverture nationale. Son groupe est en outre propriétaire des revues Gestión et Diners. Le groupe Isaías est propriétaire des chaînes Telecentro, Gamavisión et Cablevisión et des radios Universal, K 800 et Carrousel. Le groupe économique El Juri, un des plus puissants du pays, détient la chaîne Telerama, de couverture nationale également. Evidemment, les médias n’approfondissent pas ou ne donnent pas suite à ces dénonciations mais ils utilisent beaucoup d’encre, de papier et d’espace pour commenter et informer sur certains faits et expressions erronées du président Correa comme celles de paraphraser Tony Blair qui a qualifié les médias de « bêtes sauvages » ou a traité une journaliste de « petite grosse horrible ». Il faut signaler que cette claire mise en question de Correa du pouvoir médiatique s’est brouillée quand il a choisi de prendre plusieurs journalistes pour cibles et non leurs patrons, provoquant ainsi la critique des syndicats de journalistes qui, dans certains cas, se sont alliés avec les chefs d’entreprises de l’information.
Cette relation entre secteur bancaire et médias a été mise en évidence quand le président Correa envoya un projet de loi au Congrès pour réguler les très hauts taux d’intérêts que prennent les banques et qui leur ont permis d’accumuler d’abondants profits. A cette occasion, les banques, coalisées avec les médias, ont lancé une campagne millionnaire et agressive pour s’opposer au projet, et sont arrivées finalement à ce que les députés écartent la proposition de Correa et approuvent une loi favorisant les banques. Il est apparu évident qu’il y a un conflit d’intérêts dans les médias et qu’il leur est impossible, dans cette mesure, de remplir leur fonction sociale en démocratie, puisque l’information qu’ils donnent et les opinions qu’ils émettent sont leur propre information et leurs propres opinions, incompatibles avec l’intérêt général.
Préserver le monopole
Une autre crainte des grands médias est de perdre le monopole de l’information, car le gouvernement a fait part de la nécessité de disposer de ses propres médias. Pour le moment, le gouvernement de Correa dispose, comme mécanisme d’information, d’une « cadena » [2] de radio transmise tous les samedis. Il dispose en plus d’un site Web (www.presidencia.gov.ec), pense reprendre les transmissions de la Radio nationale de l’Équateur et installer une chaîne publique, qui a rencontré des difficultés puisque l’État, malgré le fait qu’il possède les fréquences radioélectriques, n’en a pas (en VHF) pour pouvoir émettre. De même, le gouvernement a récupéré, des mains des groupes économiques de Guayaquil, le journal El Telégrafo, qui a appartenu à des banquiers, en le transformant en média d’État.
Les médias ont poussé les hauts cris devant l’annonce du gouvernement de contrôler la programmation qui incite fréquemment à la violence et au racisme, et de veiller à la qualité artistique, culturelle et morale comme le permet la Loi de radiodiffusion et de télévision, réformée en 1995 et qui n’a jamais été appliquée. C’est que pour les médias dominants, il n’y a qu’un seul modèle possible de communication : le modèle commercial inspiré de la matrice états-unienne, « motivé par les profits et qui s’appuie sur la vente d’espaces publicitaires ». Tout est permis dans ce schéma. Certains médias n’hésitent pas à utiliser les trois S (sensationnalisme, sexe et sang) pour avoir le plus gros tirage ou l’audimat le plus élevé. Faire appel aux instincts les plus primaires de l’être humain pour atteindre leurs objectifs mercantiles ne les gène pas. Dans ce modèle, les médias n’admettent aucun type de contrôle, ni étatique, ni citoyen.
Ils se délégitimisent
Les grands médias agissent avec un esprit de corps et se montrent en opposition au projet de « socialisme du XXIe siècle » annoncé par Correa. Malgré le fait que son programme corresponde à une tendance de centre-gauche qui cherche à récupérer la souveraineté et à impulser des politiques sociales de redistribution dans le cadre du capitalisme, les médias, coalisés avec la droite, n’ont pas laissé à Correa le temps de respirer et l’ont attaqué systématiquement et impitoyablement pour essayer de faire échouer son projet, en utilisant toutes les armes. Toutefois, l’offensive médiatique ne semble pas donner les résultats escomptés par ses instigateurs. Il est bon de rappeler qu’au cours de la consultation populaire pour l’assemblée constituante, le 15 avril 2007, la majorité des médias s’y sont opposés. Les titres comme le gros des éditorialistes disaient que c’était n’importe quoi, que le peuple était mal informé, qu’il ne sait ni ne comprend de quoi il s’agit. Le peuple se prononça pourtant à 82% en faveur de la convocation d’une assemblée constituante, prouvant ainsi que les médias ont non seulement perdu de l’influence mais qu’ils ont cessé d’être sur la même longueur d’onde que les citoyens qui exigent des changements. Les médias conservent leur pouvoir. Ils n’ont pas été affectés. Mais le résultat non attendu de l’affrontement avec Correa est qu’ils sont en train de perdre de la crédibilité. De différents secteurs, on entend non seulement des voix appelant à cesser d’acheter les journaux ou à éteindre la télévision, mais aussi à rechercher urgemment d’autres formes de communication, comme cela eut déjà lieu durant le renversement de Lucio Gutierrez en avril 2004.
Une affaire citoyenne
Dans ce contexte, un des points faibles du gouvernement de Rafael Correa est celui de la communication pour non seulement faire face aux élites qui entendent conserver le statu quo mais aussi pour faire connaître son propre projet. Au cours de la campagne électorale et dans les premiers mois de gouvernement, le régime a mis l’accent sur la propagande qui, certainement, a été créative et à succès mais il n’a pas veillé à se doter d’une stratégie de communication et à impulser des politiques publiques sur ce terrain.
Les politiques publiques de communication impliqueraient de réviser la répartition des fréquences radioélectriques qui ont été attribuées comme butin politique et de procéder à leur démocratisation ; renforcer les médias alternatifs et communautaires ; encourager la diversité linguistique et culturelle ; promouvoir et renforcer le contrôle citoyen sur la programmation des médias commerciaux.
Une stratégie de communication, entre autres points, implique d’ouvrir un débat sur le thème, une appropriation et une participation décisive de toutes les classes sociales pour que la communication cesse d’être une affaire qui concerne seulement les médias, les journalistes ou les fonctionnaires.
Il existe une clameur dans plusieurs secteurs pour que dans la nouvelle Constitution, on établisse une séparation claire entre les groupes de pouvoir économique et les médias, en évitant la concentration des biens communicationnels et symboliques dans quelques mains. Ce serait la meilleure voie pour affecter le pouvoir médiatique commercial. De la même manière, il sera vital de consacrer « la communication comme un droit humain fondamental inhérent à tous les citoyens et citoyennes qui habitent sur le territoire national et qui serve de base à l’exercice de tous les autres droits (humains, sociaux, culturels, politiques et économiques) », comme l’indique une proposition de la faculté de Communication sociale de l’Université centrale de Quito.
NOTES:
[1] Pelucones est un terme faisant référence aux pelucas, perruques, portées par l’aristocratie.
[2] [NDLR] Une « cadena » est une retransmission simultanéé sur toutes les fréquences : http://www.presidencia.gov.ec/modul....
Article publié en espagnol dans la revue América Latina en Movimiento, No. 423, août 2007.
Traduction : Frédéric Lévêque, pour le RISAL (http://risal.collectifs.net).
L’expérience vénézuélienne, où les médias privés ont remplacé les partis politiques d’opposition tombés en disgrâce et se sont même impliqués dans le coup d’État d’avril 2002 pour renverser le président démocratiquement élu Hugo Chavez Frias, n’est pas passée inaperçue chez leurs homologues équatoriens. Pour essayer d’établir une stratégie face au gouvernement de Rafael Correa, ils cherchent des conseillers de l’étranger qu’ils interviewent à l’envi.
Ainsi, par exemple, Ricardo Trotti, directeur du département ‘liberté de la presse’ de la Société Interaméricaine de Presse (SIP, Sociedad Interamericana de Prensa), leur donnait le conseil suivant : « De mon point de vue, les médias ne doivent pas rentrer dans le jeu, dans la diatribe, l’antagonisme et finir par faire ce dont on nous accuse, de l’opposition. Cela les enchante et c’est pourquoi ils nous provoquent ». (El Universo, 3 juin 2007)
Mais les directeurs des médias ne font pas grand cas de Trotti. Ils jurent et rejurent qu’ils ne cèderont pas à la tentation de remplacer les partis politiques et que leur rôle n’est pas d’intervenir dans la joute politique mais d’« informer avec rigueur et objectivité quand il faut », mais les méthodes qu’ils utilisent et les agendas qu’ils essaient d’imposer au pays les trahissent et sont tout le contraire de ce qu’ils prêchent.
Dans une longue lettre au quotidien El Universo (un des plus grands tirages, édité à Guayaquil), le ministre de l’Éducation, Raul Vallejo, lui rappelait que « personne ne parle impartialement » et que le journal avait tout à fait le droit d’être « un espace militant de critique et d’opposition au projet politique du gouvernement de Rafael Correa », mais qu’il avait « l’obligation morale de le communiquer à ses lecteurs ». En outre, il ajoutait que ce qui « manque d’éthique, c’est qu’en ayant défini une ligne d’opposition, on prétende tenir un discours neutre » (El Universo, 29 juillet 2007)
Qu’il se taise
Les médias n’aiment pas le discours de confrontation de Correa. Le président a certainement critiqué durement les grands médias tout comme les banquiers et les élites – qu’il appelle les « pelucones » [1] - qui ont dominé le pays durant toute la vie politique républicaine. Le discours de confrontation est en concordance avec les objectifs du projet politique de la « révolution citoyenne » et permet que le message reste gravé dans l’esprit des gens. Correa dénonce fréquemment qu’il y a non seulement des mafias dans les médias mais aussi qu’ils sont en plus incompétents, médiocres, racistes et corrompus. Les médias ne sont pas habitués à la critique : ils sont le pouvoir qui est au-dessus du bien et du mal, qui jouit d’impunité, toute critique est interprétée comme un « attentat à la liberté d’expression ». Par conséquent, les éditorialistes comme les politiciens d’opposition ont demandé à de nombreuses reprises à Correa de se taire, de garder le silence, de ne pas chercher la confrontation, d’être tolérant et « incluant » avec les classes fortunées qui « font aussi partie du pays ».
Ils ne sont pas d’accord non plus avec le fait qu’on dévoile la « relation incestueuse » entre le pouvoir économique, financier et le pouvoir médiatique. A plusieurs occasions, Correa a indiqué que les principales chaînes de télévision sont dans les mains des banquiers et a cité des cas concrets : Fidel Egas, en plus d’être le principal actionnaire de la Banque du Pichincha, une des plus grosses et puissantes du pays, est actionnaire majoritaire de Canal 4 (Teleamazonas) qui a une couverture nationale. Son groupe est en outre propriétaire des revues Gestión et Diners. Le groupe Isaías est propriétaire des chaînes Telecentro, Gamavisión et Cablevisión et des radios Universal, K 800 et Carrousel. Le groupe économique El Juri, un des plus puissants du pays, détient la chaîne Telerama, de couverture nationale également. Evidemment, les médias n’approfondissent pas ou ne donnent pas suite à ces dénonciations mais ils utilisent beaucoup d’encre, de papier et d’espace pour commenter et informer sur certains faits et expressions erronées du président Correa comme celles de paraphraser Tony Blair qui a qualifié les médias de « bêtes sauvages » ou a traité une journaliste de « petite grosse horrible ». Il faut signaler que cette claire mise en question de Correa du pouvoir médiatique s’est brouillée quand il a choisi de prendre plusieurs journalistes pour cibles et non leurs patrons, provoquant ainsi la critique des syndicats de journalistes qui, dans certains cas, se sont alliés avec les chefs d’entreprises de l’information.
Cette relation entre secteur bancaire et médias a été mise en évidence quand le président Correa envoya un projet de loi au Congrès pour réguler les très hauts taux d’intérêts que prennent les banques et qui leur ont permis d’accumuler d’abondants profits. A cette occasion, les banques, coalisées avec les médias, ont lancé une campagne millionnaire et agressive pour s’opposer au projet, et sont arrivées finalement à ce que les députés écartent la proposition de Correa et approuvent une loi favorisant les banques. Il est apparu évident qu’il y a un conflit d’intérêts dans les médias et qu’il leur est impossible, dans cette mesure, de remplir leur fonction sociale en démocratie, puisque l’information qu’ils donnent et les opinions qu’ils émettent sont leur propre information et leurs propres opinions, incompatibles avec l’intérêt général.
Préserver le monopole
Une autre crainte des grands médias est de perdre le monopole de l’information, car le gouvernement a fait part de la nécessité de disposer de ses propres médias. Pour le moment, le gouvernement de Correa dispose, comme mécanisme d’information, d’une « cadena » [2] de radio transmise tous les samedis. Il dispose en plus d’un site Web (www.presidencia.gov.ec), pense reprendre les transmissions de la Radio nationale de l’Équateur et installer une chaîne publique, qui a rencontré des difficultés puisque l’État, malgré le fait qu’il possède les fréquences radioélectriques, n’en a pas (en VHF) pour pouvoir émettre. De même, le gouvernement a récupéré, des mains des groupes économiques de Guayaquil, le journal El Telégrafo, qui a appartenu à des banquiers, en le transformant en média d’État.
Les médias ont poussé les hauts cris devant l’annonce du gouvernement de contrôler la programmation qui incite fréquemment à la violence et au racisme, et de veiller à la qualité artistique, culturelle et morale comme le permet la Loi de radiodiffusion et de télévision, réformée en 1995 et qui n’a jamais été appliquée. C’est que pour les médias dominants, il n’y a qu’un seul modèle possible de communication : le modèle commercial inspiré de la matrice états-unienne, « motivé par les profits et qui s’appuie sur la vente d’espaces publicitaires ». Tout est permis dans ce schéma. Certains médias n’hésitent pas à utiliser les trois S (sensationnalisme, sexe et sang) pour avoir le plus gros tirage ou l’audimat le plus élevé. Faire appel aux instincts les plus primaires de l’être humain pour atteindre leurs objectifs mercantiles ne les gène pas. Dans ce modèle, les médias n’admettent aucun type de contrôle, ni étatique, ni citoyen.
Ils se délégitimisent
Les grands médias agissent avec un esprit de corps et se montrent en opposition au projet de « socialisme du XXIe siècle » annoncé par Correa. Malgré le fait que son programme corresponde à une tendance de centre-gauche qui cherche à récupérer la souveraineté et à impulser des politiques sociales de redistribution dans le cadre du capitalisme, les médias, coalisés avec la droite, n’ont pas laissé à Correa le temps de respirer et l’ont attaqué systématiquement et impitoyablement pour essayer de faire échouer son projet, en utilisant toutes les armes. Toutefois, l’offensive médiatique ne semble pas donner les résultats escomptés par ses instigateurs. Il est bon de rappeler qu’au cours de la consultation populaire pour l’assemblée constituante, le 15 avril 2007, la majorité des médias s’y sont opposés. Les titres comme le gros des éditorialistes disaient que c’était n’importe quoi, que le peuple était mal informé, qu’il ne sait ni ne comprend de quoi il s’agit. Le peuple se prononça pourtant à 82% en faveur de la convocation d’une assemblée constituante, prouvant ainsi que les médias ont non seulement perdu de l’influence mais qu’ils ont cessé d’être sur la même longueur d’onde que les citoyens qui exigent des changements. Les médias conservent leur pouvoir. Ils n’ont pas été affectés. Mais le résultat non attendu de l’affrontement avec Correa est qu’ils sont en train de perdre de la crédibilité. De différents secteurs, on entend non seulement des voix appelant à cesser d’acheter les journaux ou à éteindre la télévision, mais aussi à rechercher urgemment d’autres formes de communication, comme cela eut déjà lieu durant le renversement de Lucio Gutierrez en avril 2004.
Une affaire citoyenne
Dans ce contexte, un des points faibles du gouvernement de Rafael Correa est celui de la communication pour non seulement faire face aux élites qui entendent conserver le statu quo mais aussi pour faire connaître son propre projet. Au cours de la campagne électorale et dans les premiers mois de gouvernement, le régime a mis l’accent sur la propagande qui, certainement, a été créative et à succès mais il n’a pas veillé à se doter d’une stratégie de communication et à impulser des politiques publiques sur ce terrain.
Les politiques publiques de communication impliqueraient de réviser la répartition des fréquences radioélectriques qui ont été attribuées comme butin politique et de procéder à leur démocratisation ; renforcer les médias alternatifs et communautaires ; encourager la diversité linguistique et culturelle ; promouvoir et renforcer le contrôle citoyen sur la programmation des médias commerciaux.
Une stratégie de communication, entre autres points, implique d’ouvrir un débat sur le thème, une appropriation et une participation décisive de toutes les classes sociales pour que la communication cesse d’être une affaire qui concerne seulement les médias, les journalistes ou les fonctionnaires.
Il existe une clameur dans plusieurs secteurs pour que dans la nouvelle Constitution, on établisse une séparation claire entre les groupes de pouvoir économique et les médias, en évitant la concentration des biens communicationnels et symboliques dans quelques mains. Ce serait la meilleure voie pour affecter le pouvoir médiatique commercial. De la même manière, il sera vital de consacrer « la communication comme un droit humain fondamental inhérent à tous les citoyens et citoyennes qui habitent sur le territoire national et qui serve de base à l’exercice de tous les autres droits (humains, sociaux, culturels, politiques et économiques) », comme l’indique une proposition de la faculté de Communication sociale de l’Université centrale de Quito.
NOTES:
[1] Pelucones est un terme faisant référence aux pelucas, perruques, portées par l’aristocratie.
[2] [NDLR] Une « cadena » est une retransmission simultanéé sur toutes les fréquences : http://www.presidencia.gov.ec/modul....
Article publié en espagnol dans la revue América Latina en Movimiento, No. 423, août 2007.
Traduction : Frédéric Lévêque, pour le RISAL (http://risal.collectifs.net).
https://www.alainet.org/fr/articulo/123358
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