Vides et vains, ni G8 ni G20
27/06/2010
- Opinión
A l’instar des réunions précédentes, le sommet du G20, club privé où les pays les plus riches de la planète ont convié les chefs d’Etat des principales puissances émergentes, s’est révélé à nouveau riche en effets d’annonce et vide de décisions. Comme en 2008 à Londres puis en 2009 à Pittsburgh, les discussions du G20 réuni à Toronto ont tourné autour de la sortie de crise. Mais d’une sortie capitaliste de la crise, favorable aux créanciers et aux grandes puissances.
Véritable serpent de mer depuis deux ans, le thème de la réglementation financière mondiale n’a, sans surprise, mené à rien de tangible. Devant les opinions publiques, qui paient très cher les effets de cette crise dans le déclenchement de laquelle elles n’ont aucune responsabilité, les gouvernements font comme s’ils souhaitaient s’inviter dans une redéfinition des règles du jeu mondial alors que depuis des décennies, ils œuvrent en fait pour l’abandon de toute règle protégeant les peuples.
Réglementation du marché des produits dérivés qui sont des innovations financières de pure spéculation sans utilité sociale, normes de fonds propres imposés aux banques, encadrement des bonus des dirigeants des grandes banques qui sont repartis de plus belle, taxation des grandes banques ou des transactions financières, autant de sujets qui ont montré de fortes divergences au sein du G20, ce qui est bien commode pour ne rien décider : le sujet a été reporté au prochain sommet du G20 à Séoul en novembre. Un moyen comme un autre de ne pas avancer sur ce sujet pourtant essentiel.
A chaque show médiatique, la même rengaine contre le protectionnisme est également entonnée. Partout dans le monde, l’Organisation mondiale du commerce (OMC), appuyée par le Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), s’est donnée comme mission d’abattre les protections nationales décrétées comme entraves au libre commerce. Ce faisant, les droits fondamentaux des peuples, comme le droit à la souveraineté alimentaire, sont sacrifiés sur l’autel de la croissance et du profit des sociétés transnationales.
Pourtant, les différentes crises qui ont secoué le monde ces dernières décennies puisent leurs racines dans cette libéralisation du commerce et des flux de capitaux essentiellement spéculatifs. La grande déréglementation financière des années 1990, la déstructuration de pans entiers des économies nationales et le désagrégement de l’Etat ont préparé le terrain de la brusque offensive des détenteurs de capitaux contre les populations du monde entier, au Sud d’abord mais au Nord aussi.
La crise actuelle et les plans de sauvetage des banques ont démultiplié les dettes publiques des pays du Nord. L’ouragan d’austérité qui s’abat sur les pays européens organise de drastiques réductions des dépenses publiques tout en préservant les revenus du capital. Le G20 a ainsi pris l’engagement de « réduire de moitié les déficits d'ici à 2013 et faire diminuer la dette publique rapportée au PIB avant 2016 ». Ces coupes se font à l’encontre des intérêts des classes populaires et à l’avantage des classes sociales favorisées. Les remèdes frelatés appliqués à partie des années 1980 sont de retour : réduction ou gel des salaires, hausse de la TVA, libéralisation du marché du travail, privatisations des entreprises publiques, réforme du système des pensions et des retraites sont autant de mesures d’austérité dont les premières victimes sont les populations les plus précaires. Depuis 2008, le FMI a ouvert des lignes de crédits à une dizaine de pays européens. En Islande, la population a clairement fait comprendre qu’elle ne paierait pas pour les errements et les outrances du secteur bancaire et financier. En Roumanie, la réduction de 15% des retraites a été jugée anticonstitutionnelle malgré les pressions du FMI. En Ukraine, les relations entre le FMI et le gouvernement étaient bloquées depuis la décision unilatérale de ce dernier d’augmenter de 20% le salaire minimum. De nombreuses manifestations populaires ont lieu dans les différents pays victimes de ces politiques, ainsi qu’à Toronto où les manifestations anti-G20 ont été brutalement réprimées.
Ce sommet du G20 ne fut donc qu’une pierre de plus apportée à l’édifice d’une sortie capitaliste de la crise. Pour tous ceux qui luttent pour la justice sociale, ce G20 est plutôt… un G vain, qui répète inlassablement les mêmes exigences que rien ne justifie et qui ressort les anciennes « solutions » qui en fait n’en sont pas. Alors, ni G8, ni G20, mais il faut s’attaquer à la racine du problème en expropriant les banques pour les transférer au secteur public sous contrôle citoyen, en réalisant un audit citoyen de la dette publique afin d'annuler la dette illégitime, en instaurant une véritable justice fiscale et une redistribution plus juste de la richesse, en luttant contre la fraude fiscale massive, en remettant au pas les marchés financiers par la création d'un registre des propriétaires de titres et par l'interdiction des ventes à découvert, en réduisant radicalement le temps de travail pour créer des emplois tout en maintenant les salaires et les retraites. Pour cela, il est urgent de créer une vaste mobilisation populaire pour faire converger les luttes locales sur le plan international et venir à bout des politiques de régression sociale.
- Damien Millet, Sophie Perchellet, Eric Toussaint, respectivement porte-parole, vice-présidente du CADTM France et président du CADTM Belgique (www.cadtm.org)
https://www.alainet.org/fr/articulo/142417
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