Les « couacs » qui font du buzz
13/11/2012
- Opinión
Certains journalistes, surtout les commentateurs-journalistes, selon l'appellation de Nicolas Sarkozy, ont du mal à s’adapter à la normalité politique et à ses contradictions. Ces dernières années, les médias fonctionnaient dans la frénésie, ils n’avaient pas besoin d’aller chercher les informations… C’est le gouvernement qui imposait l’agenda médiatique politique. M. Sarkozy gouvernait en obligeant les médias à répercuter son action. Il y avait des faits divers alimentés à flots continus par la cellule de communication de Nicolas Sarkozy. Sans compter que la presse « people » a eu un statut privilégié, elle a été mise sur le même pied d’égalité que la presse considérée plus sérieuse. Il y a eu un mélange des genres, les ragots, les scandales, les annonces de réformes on été mis au même niveau. Les humoristes s’en régalaient... Il y avait des nouveautés tous les jours et pour tout le monde.
Et voilà qu’arrive François Hollande en se présentant comme un président normal ! La république rentre dans la normalité du fonctionnement du pouvoir.
Au début, le monde médiatique a salué l’initiative, enfin les journalistes allaient avoir du temps pour réfléchir, pour écrire, pour traiter l’information sans précipitation. Il était temps de passer aux analyses plus sérieuses et de respecter le temps de l’action gouvernementale.
Il serait logique, dans la mesure où le gouvernement arrive à mettre en place ses premières initiatives, même si elles peuvent paraître insuffisantes, ou symboliques, de les analyser et de voir leur pertinence : cela permettrait à nos concitoyens d’être suffisamment et efficacement informés sur le déroulement du programme gouvernemental. De plus, il ne manque pas de sujets politiquement intéressants à analyser. La France depuis 10 ans de droite a un nouveau gouvernement, de nouveaux élus(es). Avec un sénat qui est passé à gauche pour la première fois…, mais la nouveauté est que pour la première fois le Parti communiste fait parti d’un Front de Gauche et n’intègre pas la nouvelle majorité. La majorité est complétée par les Verts et le Parti Radical. La gauche est donc diverse dans sa représentation. Comment va-t-elle se comporter face à un gouvernement qui a toujours affirmé qu’il allait mettre en place les 60 promesses du Président François Hollande ? Avec un gouvernement qui se revendique de la social-démocratie ?
Un autre sujet politique à analyser est la présence plus importante d’une nouvelle génération d’hommes et de femmes qui découvrent les pratiques du pouvoir, quelques un et quelques une issus de l’immigration. Une France métissée commence peu à peu à émerger dans le pouvoir exécutif et législatif. De combien de temps ces jeunes politiques auront besoin pour connaître le fonctionnement des rouages du pouvoir législatif et exécutif ?
Il existe pas mal de sujets importants à traiter…Les lecteurs, les téléspectateurs, les internautes n’attendent que cela !
Le gouvernement a mis en place une méthode de négociation et d'écoute valable et légitime dans un pays démocratique. Le peuple français a élu la gauche pour mettre en place son programme. Il y a peine six mois qu’ils sont aux manettes du pouvoir…
Mais le temps commençait à devenir trop long pour certains journalistes qui sont devenus accros au système sarkozyste et il semblerait qu’ils ne savent plus s’en passer… Pris par la nostalgie ils commencent à dénigrer la normalité républicaine. Ils partent à la chasse aux informations pour dénoncer l’impossibilité d’agir d’un président « normal » et d’un Premier Ministre trop sérieux, avec son air de prof provincial. Les sondages sont commandés avec des questions presque saugrenues, comme celle sur leur souhait d’un retour de Nicolas Sarkozy…
Sans tarder, ils vont reprendre le langage formaté (des éléments du langage) et vont dénoncer les « couacs » du gouvernement. Chaque jour il faut ausculter les nouveaux ministres dans le but d’extraire une opinion discordante du gouvernement, baptisée aussitôt comme « un couac de plus» pour nourrir et faire du buzz médiatique ! Ill faut chercher à tout prix les divergences au sein du gouvernement, provoquer un lapsus. C’est devenu comique de voir les commentateurs-journalistes à la tête des radios et des chaines de télévision essayer d’interviewer les ministres pour les piéger. On peut logiquement critiquer ce gouvernement, mais transformer la moindre petite phrase en « couac », devient ridicule.
Les citoyens ne sont pas dupes et ils savent que les « couacs » en politique ont toujours existé. C’est fini le temps où les ministres et les politiques de la majorité défilaient sur les plateaux de télé et de radio où ils répétaient tous les mêmes phrases, le même mot tels des perroquets…au point de se ridiculiser devant l’opinion publique. Il faut remarquer que pendant longtemps certains journalistes par peur d’être virés n’osaient pas contredire les ministres ni Nicolas Sarkozy !
La France, la terre des débats politiques enflammés a besoin d’un journalisme plus combatif, plus réflexif, capable d'analyser en profondeur, de diagnostiquer la situation d'hier et d’aujourd’hui pour faire des analyses comparatives. Des journalistes prêts à aller sur le terrain pour vérifier les informations et faire des enquêtes, détecter les mensonges dits par les différents camps politiques et même au plus haut sommet de l’Etat. C’est cela le rôle du journalisme.
Rien aujourd’hui ne les empêche de faire de vraies analyses politiques, économiques, sociales de la France! Peut-être existe-t-il une nouvelle école du journalisme qui pense que les français n’ont plus le même niveau culturel, qu’ils ne s’intéressent plus à la vraie politique…Ils se trompent carrément car il suffit de voir la réussite de certaines revues et journaux en ligne. Ces médias politiques et d’investigation, donnent aux citoyens la possibilité de réfléchir et d’écrire sur des différents sujets et voilà que cela marche ! Mais attention il ne faut pas mélanger la fonction des journalistes avec celle des collaborateurs et bloggeurs. Ils sont complémentaires dans le renforcement de la citoyenneté politique ; cela est fondamental car la démocratie se construit tous les jours.
Il est tout à fait possible de rêver d'une information politique qui rapporte des faits plutôt que des interprétations et surtout qui nous aide à comprendre les débats en profondeur, tout en évitant la « politique spectacle » où les citoyens ne seraient que des spectateurs. Pour quoi s’attacher au superficiel en délaissant des sujets plus sérieux ?
La France fait face à de multiples défis et les médias ne peuvent plus se contenter de commenter les « couacs » du gouvernement et de répéter en bloc les messages que veut faire passer l’opposition. Même si la crise économique mondiale semble se stabiliser, le bout du tunnel est encore loin. Il faut se préparer car la reprise demeure incertaine avec un système financier toujours défaillant, il faudra plusieurs années pour regagner le terrain perdu en termes de production et d’emploi. Cette crise touche de plein fouet la France Car nous sommes confrontés à une crise économique et financière d’ordre mondial sans précédent. Cette crise marque la fin d’un modèle néolibéral basé sur une spéculation financière déconnectée de la réalité et des contraintes socio-écologiques. Elle est aussi l’expression de la crise de la gouvernance que nous vivons. Cette gouvernance mondiale qui à réduit les prérogatives de l’état et augmenté celles des acteurs privés, à but lucratif.
Laissons du temps aux nouveaux élus de la majorité pour connaître le fonctionnement de la « maison du peuple », acceptons que la pluralité des opinions s’exprime. Il est normal d’avoir des critiques constructives pour faire avancer les reformes sociétales aussi importante pour la France.
Les « couacs » font partie de l’apprentissage et les contradictions ont toujours alimentés les bons débats politiques. Comme écrivait Carl Jung « ce qui est sans ambiguïté et sans contradiction ne saisit qu’un côté des choses...»
https://www.alainet.org/fr/articulo/162572
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