Notes sur les élections catalans. Artur Mas, le « Messie sans peuple »

28/11/2012
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Artur Mas se présentait à ces élections comme le « Messie », le « Sauveur » du peuple catalan. Son slogan de campagne sur sa photo était on ne peut plus clair : « La volonté d’un peuple ». Mais il semble qu’il n’ait pas bien écouté le peuple. Le peuple ne veut pas de coupes, ni d’expulsions de logement, ni manipulation médiatique, ni politiciens corrompus… La boussole d’Artur Mas, le grand « chef d’Etat », est tombée en panne. Il a n’a eu que 30,61% des votes et 50 sièges. Très loin des 68 députés nécessaires pour obtenir la tant désirée majorité absolue.
 
Le masque de son déguisement d’indépendantiste est tombé. Il apparaît ainsi aux yeux de beaucoup pour ce qu’il est : la figure d’un parti conservateur, fidèle au patronat et qui a toujours défendu le cadre constitutionnel actuel. Bien peu croient encore en ses mensonges. Le résultat de ces élections ne laisse aucun doute, le maigre résultat de la CiU, malgré la mise en route de toute la machinerie politico-médiatique à son service, et le bon résultat de forces comme ERC, ICV-EUiA et la CUP-AE, le mettent en évidence. Une partie très significative du peuple catalan veut décider de son avenir, mais il veut aussi un avenir sans coupes, sans expulsions de logement, sans licenciements et sans corruption. Il reste à voir si l’ERC sera à la hauteur des circonstances et placera au même niveau la défense des droits nationaux et celle des droits sociaux ou s’il poursuivra le chemin de la subordination à la CiU, qu’il a docilement suivi à la fin de cette dernière législature.
 
Pendant ce temps, le PSC poursuit sa chute libre. Pas aussi vite qu’on l’attendait, mais la chute est brutale. Si en 1999 il obtenait encore 38,2% des voix, il n’en compte aujourd’hui que 14,46%, devenant la troisième force parlementaire catalane. Bye bye PSC, comme on a dit adieu au PASOK en Grèce et au PSOE dans l’Etat espagnol ; tel est l’autre message de la journée électorale. Cela fait plusieurs années que la social-démocratie s’est convertie au social-libéralisme et qu’elle applique sans sourciller la politique dictée par le pouvoir financier, laissant ses bases sociales désemparées. Un Parti Socialiste Catalan qui coupe comme Mas et qui ne reconnaît que du bout des lèvres le droit à décider du peuple de Catalogne.
 
Face à un scénario politico-électoral centré, de manière intéressée par la CiU, sur la question nationale et dans un contexte de montée des forces souverainistes, l’autre plateau de la balance se voit également renforcé. De là découle le succès de « Ciutadans », qui triple sa représentation parlementaire et qui tout en exaltant d’un côté la « Mère Patrie » comme « Une, grande et libre », dénonce de l’autre de manière opportuniste et démagogique les mauvaises pratiques politiques, le rôle des banques et les coupes économiques et sociales, parvenant ainsi à toucher de larges couches sociales orphelines d’une référence de gauche. Son succès vient de l’échec à lier la lutte pour le droit de décider avec la lutte pour les droits sociaux, contre la crise et la précarité. C’est là une tâche stratégique pour la gauche catalane, hier, comme aujourd’hui et demain.
 
La participation massive aux urnes a été l’autre fait notable de la journée électorale. Près de 70% de participation, le taux le plus élevé dans des élections parlementaires catalanes. Et qui démontre l’intérêt social et citoyen renouvelé pour intervenir dans les questions politiques. Au moment où les slogans du 15-M se polarisent, comme « ceci n’est pas une crise, c’est une escroquerie » et où le nombre de personnes qui souhaitent une autre sortie de crise s’accroît, l’indignation commence à se traduire, d’une manière ou d’une autre, dans les urnes.
 
La CUP-AE a démontré que « oui, on peut ». Qu’à partir d’un travail municipaliste consolidé, avec un programme de rupture avec le système, des candidats liés aux luttes sociales et en faisant écho au malaise social indigné qui occupe les places, les logements vides, les banques et les supermarchés, il est possible de rompre le mur parlementaire et de remplir un espace réel, mais resté vide jusqu’à présent. L’entrée de la CUP-AE au Parlement est due au fait qu’elle a suscité des soutiens qui vont au-delà de la gauche indépendantiste et qui incluent la gauche anticapitaliste et de nombreux activistes sociaux. Son succès met en évidence l’importance de construire des alternatives quotidiennes et de manifester dans les rues, mais aussi la nécessité de faire le pari de choix politiques qui disputent l’hégémonie à ceux de toujours.
 
Aujourd’hui, nous qui nous rebellons, indignons et désobéissons, nous pouvons nous réjouir. Artur Mas n’ajoute pas, mais retranche. Mas, c’est moins (jeux de mots : « mas » en espagnol signifie « plus », NdT). Son nouveau gouvernement ne durera pas longtemps. Et une nouvelle voix s’ouvre un espace dans le théâtre de la realpolitik. Que le spectacle commence !
 
 
*Source : http://esthervivas.com/2012/11/27/artur-mas-el-mesias-sin-pueblo/
**Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera
 
 
https://www.alainet.org/fr/articulo/162960
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