L’État guatémaltèque mis à nu

22/06/2018
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Au-delà du désastre des derniers gouvernements, se dévoile un État incapable de garantir le bien commun. Comment expliquer cela ?

 

Des recherches historiques et récentes, y compris de caractère criminel, ont montré comment l’État guatémaltèque est contrôlé par un ensemble d’élites dont l’origine principale correspond à la classe sociale dominante. Malgré ses contradictions et ses mésententes internes qui émergent au moment des élections et de disputes commerciales dans, avec et depuis l’appareil de l’État, cette classe sociale -expression infime et soumise au capital global et au pouvoir impérial qui nous correspond géopolitiquement- a eu la capacité de configurer les bases et le cours économique, idéologique et politique de l’État.

 

Sa gestion continue de l’État se réalise au moyen de structures para-entreprises où le CACIF (entité patronale) est son principal parti politique, et contrôle les chambres industrielles, les fondations et les moyens de diffusion massifs ; elle a des représentants permanents dans les organismes de l’État et des opérateurs politiques dans les partis, les médias ou les organismes de l’État tels que la Cour Constitutionnelle, la Cour Suprême de Justice, le Congrès et le gouvernement national. Un exemple de cela est le contrôle que ce secteur exerce sur le système des partis politiques à travers divers mécanismes légaux (être le propriétaire de partis ou/et les financer légalement) et illégaux (tels que le financement électoral illicite), idéologiques (la majorité adopte les idées dominantes, parmi lesquelles celles favorables aux intérêts de la classe dominante) et économiques au moyen de commissions juteuses pour l’approbation de lois, de politiques et de travaux publics octroyés.

 

Voilà l’environnement, les mécanismes et les dispositifs par lesquels ce secteur influence l’orientation fondamentale des appareils de l’État. Cela signifie que les institutions, les lois et les politiques leur garantissent des niveaux d’accumulation de capital soutenus, à travers l’institution de bas salaires, des impôts aux entreprises au minimum, des taxes favorables aux affaires, la poursuite de politiques monétaires, de taux de change et de crédit qui leur conviennent, l’ouverture de nouvelles sources de richesse, telles que des concessions minières et l’utilisation des ressources en eau à bas coût, la concession de travaux et de services publics, pour ne citer que quelques exemples.

 

Tout cela explique l’ordre principal des forces qui font partie du bloc au pouvoir, en dehors et dans les appareils de l’État. Un bloc au pouvoir qui articule des intérêts complémentaires, tels par exemple, les tentatives pour légiférer en faveur d’une réduction de peine ou pour suspendre des procédures judiciaires contre des hommes d’affaire et des opérateurs politiques ou militaires du régime, ou en faveur de transfuge vers d’autres partis politiques, etc. Cela et d’autres faits, faisant passer au second plan les demandes de justice, démocratie et inclusion sociale qui bénéficieraient aux segments majoritaires de la société tels que les paysans, les communautés rurales, les travailleurs des villes, la jeunesse…

 

C’est ainsi que la classe dominante s’est construit un État qui privilégie ses intérêts économiques, exclut le social, capture la politique et s’oppose à tout changement qui signifierait un minimum de démocratisation. C’est-à-dire, un État complètement éloigné du bien commun, contesté historiquement et sujet à des crises récurrentes.

 

Cette incapacité et la politique conservatrice de la gestion gouvernementale, le caractère de l’État guatémaltèque expliquent les faits récents, tels que 1) l’assassinat de 41 adolescentes d’un « foyer sûr » qui, en vertu de leur situation de vulnérabilité devaient être protégées, mais au contraire, l’état de l’institution fut la condition pour ce crime ait pu avoir lieu ; 2) l’incapacité officielle, bureaucratique et budgétaire pour évacuer à temps les communautés affectées par l’éruption du volcan Fuego ; 3) l’assassinat de lutteurs sociaux et de défenseurs des droits humains, résultat immédiat des discours de haine des présidents de la République et du Congrès, l’inaction officieuse des organismes de sécurité et d’enquêtes criminelles, la politique de criminalisation de la protestation sociale et la permissivité octroyée aux appareils de répression organisés par le patronat ou l’État lui-même, et 4) l’existence d’un pacte de corruption qui opère au Congrès de la République et qui agit pour légiférer en faveur de l’impunité en matière de crimes contre l’humanité, de corruption ou de criminalité politique.

 

Si l’on analyse ces signes d’un État mis à nu, un changement de gouvernement ne résout pas le problème fondamental. La solution principale se trouve dans une transformation profonde de l’État guatémaltèque.

 

le 18 juin 2018

 

Publié par www.plazapublica.com.gt et diffusé par ALAI.

 

(Traduit par Jac Forton)

 

 

 

 

https://www.alainet.org/fr/articulo/193665?language=en
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