Le drame du barrage de Brumadinho secoue la Suisse
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Plusieurs dizaines de personnes se sont mobilisées, le mercredi 30 janvier, à Saint-Prex, dans le canton de Vaud (Suisse), devant le siège de Vale International S.A. La protestation contre cette multinationale minière, d’origine brésilienne, se voulait un témoignage de solidarité avec la centaine de morts et les nombreux-ses disparu-e-s, victimes de la rupture du barrage de Brumadinho, dans l’Etat de Minas Gerais (Brésil), survenue vendredi 25 janvier.
Les manifestant-e-s portaient une grande banderole où figurait une consigne ironique adressée à Vale : « Thank you for choosing Switzerland » (Merci d’avoir choisi la Suisse). Certains d’entre eux portaient des masques représentant les visages des membres du gouvernement cantonal vaudois ayant octroyé à la multinationale, au moment de son installation, de succulentes exonérations fiscales.
La tragédie de Brumadinho – une localité située à quelque 62 km au sud de Belo Horizonte – est le second événement aux conséquences dramatiques, impliquant l’entreprise au cours des 38 derniers mois. Elle a provoqué à nouveau les réactions d’organisations de défense de l’environnement et de solidarité, ainsi que des partis de la gauche suisse et des Verts.
Quant aux Nations Unies, elles ont exprimé leur solidarité avec les victimes, le lendemain de la tragédie (le samedi 26 janvier), par l’entremise d’António Guterres, secrétaire général de l’ONU. Celui-ci – bien que n’ayant pas critiqué expressément la multinationale – a mis à disposition du gouvernement brésilien des ressources d’urgence et de recherche des disparus.
Certains enquêteurs indépendants de l’ONU furent plus précis et tranchants. Selon swissinfo.ch, ils ont estimé que « cette tragédie jette le doute sur les mesures préventives adoptées après le désastre minier de Samarco (près de Mariana), il y a un peu plus de trois ans… ».
Ils ont incité le gouvernement brésilien à « agir résolument, conformément à ses engagements, et à faire tout ce qui est en son pouvoir pour éviter d’autres tragédies de ce type, ainsi qu’à traduire en justice les responsables de ce désastre ».
Vale contre-attaque
Fortement critiqués à l’échelle internationale, les principaux porte-parole de la firme se sont exprimés pour annoncer une série de mesures : suspension du versement de dividendes aux actionnaires et de primes/bonus aux cadres ; création d’un fonds pour les victimes de la tragédie. Ils se sont aussi engagés, de surcroît, à créer deux comités de crise pour venir en aide aux victimes et pour enquêter sur les causes de l’effritement du barrage.
Derrière cette contre-offensive de la multinationale, se trouve une tentative pour la dissocier de la tragédie antérieure, à Mariana (novembre 2015), située à une centaine de km de Brumadinho. Cette tragédie avait causé une vingtaine de morts et déclenché une gigantesque pollution du Rio Dolce, l’un des plus importants fleuves du pays, sur 650 km de son cours.
Ces drames répétés contredisent la rhétorique de l’entreprise, exprimée sur son site web. Elle y définit sa mission : « transformer les ressources naturelles en prospérité et en développement durable ». Elle décrit sa vision d’ « être la compagnie globale n° 1 dans la création de valeur à long terme, grâce à l’excellence et à la passion pour les personnes et la planète ». Elle insiste sur ses « valeurs » : « La vie est le plus important ; valoriser nos gens ; soigner notre planète ; faire ce qui est correct ; améliorer ensemble… ».
Vale est le principal producteur mondial de fer, matière première dont les recettes de 20 milliards de dollars représentent 17 % des exportations brésiliennes. Lors de son installation en Suisse, elle a déclaré un « bénéfice prévisible » pour 2006 d’à peine 35 millions de dollars. Néanmoins, a posteriori, la déclaration de bénéfices de Vale pour cette même année dépasserait, en réalité, 5 milliards de dollars.
Lors de l’installation de son siège international à Saint Prex, sur les rives du lac Léman, Vale a négocié une exonération fiscale de 80 % pour les impôts fédéraux et de 100 % pour les impôts communaux et cantonaux, ceci pour une période de 10 ans.
En 2012, lors du « Davos alternatif », Vale avait reçu le prix « Public Eye », décerné à l’entreprise la plus irresponsable de la planète pour ses violations historiques des droits environnementaux, sociaux (conditions de travail et droits syndicaux) et humains.
La « condamnation » médiatique
Dès le jour de l’événement, la rupture du barrage est devenue une nouvelle de premier plan dans les médias internationaux écrits et les réseaux sociaux. En Suisse, à maintes reprises, cette couverture médiatique fut liée à un intense débat politique national relatif à une initiative populaire qui devrait faire l’objet d’un vote dans les prochains mois.
Cette initiative « Pour des multinationales responsables », lancée il y a déjà plusieurs années par une centaine d’organisations de développement, écologiques et syndicales, préconise la mise en œuvre de mesures assurant que les multinationales basées en Suisse assument leur responsabilité globale : à savoir respecter, là où elles opèrent – elles ou leurs filiales – les mêmes normes concernant les droits humains et environnementaux auxquelles elles doivent se conformer en Suisse.
Dans son édition du 1er février, le quotidien indépendant suisse Le Courrier titrait l’éditorial critiquant les événements du Minas Gerais : « Vale : le mauvais filon ». Et d’estimer que le drame de Brumadinho, tout comme d’autres violations des droits humains et écologiques dans tant d’autres parties du monde – particulièrement en Afrique, en Asie et en Amérique latine – témoigne d’une coresponsabilité certaine de la part des pays du Nord en général et de la Suisse en particulier.
Auteure de cet éditorial, la journaliste Laura Drompt s’interroge : « Comment parvenir à rappeler ces entreprises à leurs responsabilités sociales quand les gouvernements [aux niveaux municipal, cantonal et fédéral] semblent leur manger dans la main ? Vale a fait couler beaucoup d’encre pour l’arrangement passé avec le gouvernement vaudois qui l’a exonérée de tout impôt durant plusieurs années et ce malgré des bénéfices faramineux ». Et de conclure catégoriquement : « La Suisse se rend donc coupable de la participation à la chaîne d’événements qui ont abouti à des morts et des pollutions irréversibles ».
Traduction de l’espagnol : Hans-Peter Renk
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