Le groupe de Lima se réunit à Gatineau, au Québec : Trudeau consolide sa position de principal allié de Trump

18/02/2020
  • Español
  • English
  • Français
  • Deutsch
  • Português
  • Opinión
justin-trudeau.jpg
-A +A

Le Groupe de Lima se réunit à Gatineau le 20 février 2020, une ville du Québec, qui fait face à la Colline du Parlement d’Ottawa de l’autre côté de la rivière. Le groupe a été créé le 8 août 2017 à Lima, au Pérou. Douze pays ont d’abord signé la Déclaration de Lima, à savoir l’Argentine, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Panama, le Paraguay et le Pérou. Les États-Unis ne sont pas membres. Depuis la mise sur pied initiale du groupe, il y a deux ans et demi, deux autres pays – la Bolivie et Haïti – se sont joints à eux, les deux étant dirigés par des gouvernements fantoches étasuniens/occidentaux. Trudeau a joué un rôle déterminant, avec Trump, dans le coup d’État de l’automne dernier contre le premier président autochtone de Bolivie, Evo Morales, pour installer un nouveau « gouvernement » fasciste. En ce qui concerne Haïti, avec les États-Unis et la France, le Canada est un acteur clé, par l’entremise du Groupe Core, dans le maintien de son pouvoir sur Haïti. Cependant, le Mexique s’est depuis retiré, après que son gouvernement eut fait volte-face vers la gauche avec une politique étrangère indépendante des États-Unis. Le principal objectif du Groupe de Lima est un changement de régime au Venezuela contre le gouvernement Maduro.

 

Dès le début (et même avant Lima), le gouvernement Trudeau ambitionnait d’être la principale force politique contre le Venezuela, la Colombie constituant son agent armé. Depuis le 11 novembre 2016 à ce jour, le site Web du gouvernement canadien consacré à la « Crise au Venezuela » contient 97 déclarations du Canada, du Groupe de Lima et d’organisations multilatérales. Elles constituent une longue liste d’exigences impérialistes et arrogantes, de menaces, d’ultimatums et de sanctions. Cependant, ces 97 énoncés ne sont qu’une partie de la stratégie Trudeau. Il se sert de sa position avantageuse de ne pas être un Trump et de sa capacité de communiquer en anglais et en français pour aider Trump avec succès, non seulement en Amérique latine, mais aussi en Europe.

 

La réunion de Gatineau est la troisième organisée par le Canada après celle du 27 octobre 2017 à Toronto et celle du 4 février 2019 à Ottawa. Avec cette rencontre, c’est le Canada qui aura été l’hôte du plus grand nombre de réunions, même davantage que le Pérou. Pourtant, le Canada est visiblement le pays le plus éloigné des pays d’Amérique latine. Ceci témoigne de l’engouement de Trudeau pour le « leadership » du Canada à l’égard du Venezuela.

 

Pourquoi le Canada est-il si engagé contre le Venezuela? Il existe de nombreuses explications pour lesquelles le présent auteur, comme d’autres, a fourni des preuves documentées dans le cadre de l’actuelle Tournée internationale de conférences à propos de l’Amérique latine. Toutefois, nous n’en aborderons qu’une seule pour le moment. Trudeau se bat pour remporter un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies pour 2021-2022. Il se sert du dossier du Venezuela pour renforcer sa visibilité sur la scène internationale. De plus, le gouvernement Trudeau n’a plus de réserve quant à son objectif concernant le CSNU. Le 11 février, il a annoncé de la façon suivante qu’il se rendrait à la Barbade pour rencontrer les dirigeants de la communauté des Caraïbes :

 

« Alors que le Canada sollicite sa candidature à l’élection au Conseil de sécurité des Nations Unies en 2021-2022, nous continuerons de promouvoir des intérêts communs au profit des personnes et des entreprises au Canada, dans les Caraïbes et dans le monde entier. » (Premier ministre du Canada, communiqué)

 

 

Les autres pays en lice pour le siège sont la Norvège et l’Irlande. L’ONU n’a pas besoin d’un autre allié américain, comme le Canada, qui est aussi dénoncé par l’ONU pour son génocide contre ses Premières Nations, alors qu’il appuie pleinement Trump à l’étranger. Pour l’ONU, n’importe qui, sauf le Canada.

 

La marque de commerce du Groupe de Lima est qu’il ne favorise pas l’intervention militaire, mais opte plutôt pour une « solution pacifique » à la « crise vénézuélienne ». Pourtant, parmi les 97 déclarations canadiennes, nous constatons des sanctions canadiennes qui sont en elles-mêmes considérées comme une forme de guerre, telle une étude indiquant que 40 000 Vénézuéliens ont perdu la vie en 2017-2018 à la suite de ces sanctions américaines. De plus, aucune des 97 déclarations n’interpelle l’administration Trump même pour ses sanctions les plus sévères qui constituent un fait de guerre, comme la saisie de navires transportant de la nourriture au Venezuela, et ce, dans les eaux internationales. Aucune des déclarations ne critique, même modérément, les actions paramilitaires étasuniennes-colombiennes contre le Venezuela. La cyberguerre menée par les États-Unis contre le réseau électrique vénézuélien, qui a laissé des millions de personnes dans la noirceur pendant de plusieurs jours, n’a abouti qu’à des déclarations critiquant le gouvernement vénézuélien comme étant la source des pannes d’électricité. L’hypocrisie de l’option de la « transition pacifique » réside dans le fait que les États-Unis eux-mêmes ne s’opposent pas à cette voie, car ils affirment constamment vouloir éviter la solution militaire et favoriser une « solution pacifique », en prétendant que l’option militaire n’est qu’une « option » alors qu’ils se livrent à une guerre économique.

 

Ce qui est important, c’est la raison qu’avance l’équipe Trump-Trudeau pour éviter une option militaire. S’agit-il des souffrances indicibles, de la misère et des morts qu’une intervention militaire entraînerait ? Non, on craint qu’une telle intervention ne renforce le chavisme en affirmant son imposante raison d’être anti-impérialiste mondialement reconnue.

 

De plus, parmi les « pacifiques » du Groupe de Lima, il y a la Colombie et le Chili, connus pour leurs violations des droits de la personne contre leur propre peuple, y compris par l’assassinat. Alors que le gouvernement Trudeau a publié 97 déclarations sur le Venezuela, il n’a pas ajouté un mot sur les violences perpétrées au Chili et en Colombie ni sur celles de sa marionnette, le gouvernement haïtien.

 

Enfin, la réunion de Gatineau-Lima se déroule dans le contexte d’une crise nationale au Canada. Elle oppose la nation Wet’suwet’en des Premières Nations, et leurs alliés de plus en plus nombreux au Canada pour défendre leurs terres ancestrales, aux pressions du gouvernement Trudeau pour la construction d’un pipeline de gaz naturel légalement imposé dans son pays. Colonialisme au pays, impérialisme à l’étranger.

 

De fait, le 17 février, Trudeau a dû annuler son voyage dans les Caraïbes par suite du mouvement de solidarité croissant avec la nation Wet’suwet’en, non seulement au sein des Premières Nations, mais aussi parmi les organisations syndicales et les groupes sociaux partout au Canada.

 

Le message que les Canadiens peuvent envoyer à Gatineau est une ferme opposition aux sanctions canadiennes et étasuniennes contre le Venezuela. Trump et Trudeau ne devraient pas toucher au Venezuela.

 

Nous sommes en bonne position. Trudeau semble peut-être victorieux dans sa quête insatiable de reconnaissance internationale pour atteindre son objectif de siéger au Conseil de sécurité de l’ONU, en utilisant le Venezuela et Lima comme véhicule. Cependant, Trudeau et Trump sont des « rois nus », car leur marionnette Guaidó a été expulsée de l’aéroport de Caracas par le peuple lors de son atterrissage, après sa tournée internationale qui comprenait les États-Unis et le Canada. Lima‑Gatineau s’avérera une victoire à la Pyrrhus pour Trudeau.

 

17 février, 2020

 

- Arnold August est un journaliste et conférencier Montréalais, auteur de Democracy in Cuba and the 1997–98 ElectionsCuba and Its Neighbours : Democracy in Motion et Cuba–U.S. Relations : Obama and Beyond. Il collabore à de nombreux sites Web, à des émissions de télévision et de radio basées en Amérique latine, en Europe, en Amérique du Nord et au Moyen-Orient.  TwitterFacebook et son site Web trilingue : www.arnoldaugust.com.

 

https://www.alainet.org/fr/articulo/204803?language=en
S'abonner à America Latina en Movimiento - RSS