Sommet des femmes indigènes pour la paix et l’égalité
08/12/2013
- Opinión
Le Ve Sommet continental des peuples indigènes de l’Abya Yala (Amérique du Sud) — qui se tient dans la région de Cauca au sud-ouest de la Colombie à partir du lundi 11 novembre — s’est ouvert avec le IIe Sommet continental des femmes indigènes (les 11 et 12 novembre). Plus de 1 500 femmes y ont défini ensemble des propositions et des accords visant à défendre leurs droits, leurs peuples et la Terre-Mère. Parmi les principaux accords figurent le soutien au processus de paix en Colombie, les solutions face aux violences faites aux femmes, l’exigence de parité dans les mécanismes de gouvernement des communautés et des organisations.
Lors de ce sommet, un grand nombre d’autorités indigènes (en majorité des hommes) étaient présents lors des débats. Les femmes ont considéré cela comme une avancée puisque cela n’avait pas été le cas lors du premier Sommet des femmes qui s’était tenu quatre ans plus tôt à Puno (Pérou). « À Puno nous n’avions travaillé qu’entre femmes et nous n’avions pas obtenu un tel soutien. Lors de ce sommet-ci les autorités étaient présentes et ont soutenu nos propositions », a déclaré à ALAI une des organisatrices du Sommet, Arelis Uriana. « Nous nous sommes affirmées politiquement en tant qu’organisation de femmes indigènes », souligne la responsable de l’Organisation nationale indigène de Colombie (ONIC), qui précise « notre principe de base doit être dès le départ celui de l’unité dans la dualité, un principe de complémentarité entre les hommes et les femmes. »
Lors de l’ouverture du Ve Sommet continental, le mercredi 13 novembre, plusieurs dirigeants ont insisté sur le fait qu’ils soutenaient la démarche des femmes, et ont fait part de leur souhait de participer aux groupes de travail. Gerardo Jumi, coordinateur général de la Coordination andine des organisations indigènes (CAOI), a expressément suggéré que toutes les résolutions du Sommet des femmes soient intégrées aux résolutions du Ve Sommet. Cette proposition a été acclamée.
Droits humains, paix et arrêt de la violence
Les échanges des femmes ont tout particulièrement porté sur l’élaboration de stratégies concernant les droits humains et collectifs des femmes indigènes, ainsi que sur la proposition de moyens pour lutter plus efficacement contre la violence, les discriminations, le racisme et les inégalités. D’autres thèmes ont été abordés, notamment la relation avec la Terre-Mère et le territoire, la cosmovision, les industries extractives dans les territoires indigènes, la militarisation, les frontières entre les peuples et la communication interculturelle.
Des messages de solidarité et de soutien concernant les négociations de paix en cours ont été adressés à la Colombie, l’hôte du Sommet. La proposition de demander au gouvernement du pays d’ouvrir la participation aux négociations aux peuples indigènes, en particulier aux femmes, a notamment été adoptée ; elle pourrait faire l’objet d’un processus d’accompagnement à l’échelle du continent.
Des messages de solidarité et de soutien concernant les négociations de paix en cours ont été adressés à la Colombie, l’hôte du Sommet. La proposition de demander au gouvernement du pays d’ouvrir la participation aux négociations aux peuples indigènes, en particulier aux femmes, a notamment été adoptée ; elle pourrait faire l’objet d’un processus d’accompagnement à l’échelle du continent.
Au sujet des violences faites aux femmes, la situation de la frontière entre le Guatemala et le Mexique a tout particulièrement été examinée. La décision a été prise de soutenir les organisations du Chiapas, qui demandent au ministère de l’Intérieur mexicain de décréter « une alerte pour faire face à la violence de genre » dans l’État du Chiapas. En effet, 92 femmes y ont été assassinées rien que cette année, et 52 de ces crimes sont des fémicides, dont les coupables demeurent en liberté.
Mercedes Osuna, déléguée du Mexique à la table de coordination du IIe Sommet, nous a expliqué que les victimes étaient majoritairement des femmes indigènes qui quittent leurs communautés à cause du manque de travail. On constate que bon nombre d’entre elles sont des migrantes originaires des pays d’Amérique centrale parties chercher du travail aux États-Unis. Elle souligne, « De même qu’à la frontière nord, entre le Mexique et les États-Unis, il y a un mur physique, à la frontière sud, le gouvernement mexicain a créé un mur de violence en cautionnant la présence des « maras salvatruchas » (ndt : gang ultra-violent d’Amérique Centrale) tout au long de la frontière, qu’il autorise à semer la terreur parmi les migrants. Ces femmes, assassinées au profit du trafic d’organes, sont séquestrées et prostituées, même quand elles sont mineures ; il y a beaucoup de cas de pornographie enfantine. C’est pourquoi nous voulons mettre ces gouvernements face à leurs responsabilités. Le manque de terres, la pollution des terres par les produits agrochimiques, le changement climatique, le manque de travail, voilà ce qui pousse ces femmes à émigrer ; on est bien confronté à de la violence structurelle »
Vers une coordination continentale des femmes indigènes
Les accords de la [Déclaration du IIe Sommet des femmes] reprennent la proposition énoncée à Puno — qui n’a toujours pas été concrétisée — de former une Coordination continentale des femmes indigènes de l’Abya Yala, en s’appuyant sur les coordinations sous-régionales existantes. La nécessité d’une rotation entre hommes et femmes aux fonctions d’autorité et d’une participation dans des conditions d’égalité au sein des communautés indigènes a également été mise en avant. En outre, il est instamment demandé aux communautés de mettre en œuvre des mesures qui bloquent l’accès à des postes de responsabilité aux personnes ayant des antécédents de violence envers les femmes et les enfants, ou bien des problèmes d’alcoolisme ou de toxicomanie.
Enfin, les autres propositions incluent notamment une rencontre autoconvoquée de femmes indigènes migrantes et la garantie d’une participation effective, c’est-à-dire avec leurs propres représentantes, des femmes indigènes dans les processus internationaux.
Enfin, les autres propositions incluent notamment une rencontre autoconvoquée de femmes indigènes migrantes et la garantie d’une participation effective, c’est-à-dire avec leurs propres représentantes, des femmes indigènes dans les processus internationaux.
Les premiers accords du Ve Sommet
Le Ve Sommet continental des peuples indigènes, qui se tient dans la réserve de la communauté indigène La María, à Piendamó, dans le Cauca, jusqu’au 15 novembre, a communiqué ses premiers accords politiques [Déclaration politique du Ve Sommet continental]. Il est en particulier fait mention du jugement obtenu en faveur des peuples indigènes d’Amazonie, en Équateur, contre la transnationale Chevron-Texaco. Le jugement, qui vient d’être rendu par la Cour nationale de justice équatorienne, reconnaît l’entreprise coupable de la pollution environnementale et des impacts sociaux, territoriaux et culturels en découlant. Le communiqué du Ve Sommet salue cette victoire et va plus loin : « Nous lançons un appel à tous les peuples indigènes du continent et du monde pour qu’ils s’engagent collectivement dans des actions judiciaires visant à défendre le territoire et la vie, en se référant à la jurisprudence établie par la Cour nationale de justice d’Équateur. »
Il énonce également le rejet des « projets d’intégration néolibérale, tels que l’Alliance du Pacifique et la mise en place de Traités de libre-échange (TLC), qui représentent un attentat contre la souveraineté des États et des peuples, et qui ont des effets néfastes sur la souveraineté alimentaire et sur l’économie communautaire, sur la santé et sur le Sumak Kawsay (Vivre Bien) des peuples indigènes. »
Gerardo Jumi a indiqué à ALAI que le Ve Sommet avait pour objectif de rassembler les peuples indigènes et les organisations de la société civile autour de consensus et d’ainsi fortifier l’unité continentale. Le but est d’« aller vers l’amélioration des conditions des peuples, la démocratisation et de continuer à lutter contre la criminalisation, la persécution et la militarisation des territoires indigènes. » Il s’agit également d’harmoniser les moyens d’influence et le langage employé sur la scène internationale, par exemple concernant les Objectifs de développement pour le millénaire et l’Agenda 2015 de l’ONU. En particulier, les modalités de participation à la Conférence des peuples indigènes organisée par l’ONU à New-York en 2014 — dans le cadre de la Déclaration mondiale sur les droits des peuples indigènes — ont été définies.
La jeunesse indigène a également organisé une rencontre les 11 et 12 novembre, dans la réserve La María, à Piendamó. Le [Mandat de la jeunesse] fait état de l’engagement pris pour renforcer l’organisation des jeunes, afin de renforcer par là même l’organisation des peuples, grâce notamment à la création d’un conseil de coordination de la jeunesse. De plus, il est d’ores et déjà annoncé qu’un Ier Sommet continental de la jeunesse de l’Abya Yala se tiendrait lors du VIe Sommet des peuples. Les jeunes participants aspirent en outre à une éducation politique et à une coordination efficace de la communication. Ils ont également prévu d’organiser une manifestation pour la vie et pour le territoire à l’échelle du continent.
https://www.alainet.org/fr/articulo/81477
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