Renaissance du multilatéralisme et avancées du processus d’intégration en Amérique du Sud

23/12/2013
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L’intégration économique régionale est, semble-t-il, à l’ordre du jour. En effet, Luiz Inácio Lula da Silva, ex-président du Brésil, et Ricardo Lagos, ex-président du Chili, réunis lors du Séminaire international du développement et de l’intégration en Amérique du Sud du 28 novembre 2013 à Santiago, ont appelé à réaliser des progrès qualitatifs en matière d’intégration de la région.
 
Selon Lula, l’Amérique du Sud est aujourd’hui en mesure d’ « accomplir tout ce qui est resté en suspens ces dix dernières années » [1]. Et il dénonce à juste titre la politique comme un des principaux points de friction qui ont entravé le processus d’intégration régionale. Selon lui, tant que les gouvernements ne seront pas mus par une conviction politique, il sera vain de vouloir construire l’intégration.
 
Lagos, quant à lui, s’est interrogé sur le découpage géographique rattaché à certaines de ces initiatives d’intégration. Il a notamment pointé du doigt l’Alliance du Pacifique, qui vient non seulement bouleverser les relations politiques à l’intérieur de la région, mais qui cherche aussi à intégrer des pays de la côte atlantique, comme l’Uruguay.
 
Le fait que le taux de croissance du commerce intra-régional reste positif malgré l’appréciation des monnaies est un bon indicateur de l’évolution réelle de l’intégration en Amérique du Sud. En effet, on remarque que le commerce intra-régional augmente, alors que depuis mi-2011 — les prix des marchandises ayant baissé d’en moyenne 14 % — le commerce extrarégional n’a fait que stagner. On se souviendra de la grande différence entre le commerce extrarégional et le commerce intra-régional : en général le premier concerne les matières premières et le second les biens industriels. Notons tout de même que les échanges énergétiques intra-régionaux sont de plus en plus importants.
 
Paradoxalement, la dynamique commerciale est moins bonne entre les pays membres de l’Alliance du Pacifique qu’entre ceux-ci et les pays du Mercosur, malgré les mesures prises l’an dernier pour faciliter les échanges. Ce phénomène est dû à la taille et à la spécialisation des marchés. Il est encore plus flagrant dans le cas des flux de capitaux à court terme. En effet, ceux-ci circulent principalement depuis le Chili et l’Alliance du Pacifique en direction du Brésil — le plus grand marché de valeurs du continent après New-York — plutôt qu’entre les pays de l’Alliance du Pacifique. Ces deux éléments témoignent de la nature plus politique que pragmatique de cette alliance, ce que corrobore le discours dont elle s’accompagne : l’intégration dans l’UNASUR serait « chaviste » et donc « anti-impérialiste », ce que ne veulent surtout pas être les gouvernements des pays de la côte Pacifique.
 
D’un autre côté, lors de la Réunion de haut niveau de son IIe Sommet, qui s’est tenu à La Havane du 30 novembre au 1er décembre, la CELAC (Communauté d’états latino-américains et caribéens) a bénéficié d’un soutien quasi unanime en Amérique du Sud, face à l’affaiblissement et à la perte croissante de prestige de l’OEA (Organisation des états américains). Les élections en Honduras n’ont rien arrangé.
 
Bien que membre de l’OEA, la Cour interaméricaine, institution régionale de protection des droits humains, a néanmoins réussi à obtenir des consensus et une jurisprudence, dont, selon le président sortant, Diego García Sayán, tous les pays qui ont ratifié l’accord pourront bénéficier. [2] Cependant, certains gouvernements, comme ceux des États-Unis, du Canada, de Belize et de certaines îles des Caraïbes, ne l’ont pas ratifié. Cet accord pourrait certainement devenir un instrument utile pour la CELAC.
 
Par ailleurs, l’adoption tant attendue du Traité Trans-Pacifique semble suspendue [3] en raison de désaccords entre le Japon et les États-Unis. Par contre, lors de la 9e conférence ministérielle de l’OMC, à Bali, « un accord de "facilitation commerciale" a été conclu, presque vingt ans après la fondation de l’OMC par les 159 pays membres. Cet accord vise à établir des normes de douane communes et à alléger le flux des biens dans le monde entier. Il inclut également des décisions liées à de nombreux thèmes : quelles réponses devrait apporter l’OMC face aux programmes de sécurité alimentaire ? Comment garantir le meilleur accès possible au marché des pays riches pour les pays dont les économies sont moins développées ? etc. [4] ». Ce déblocage de l’OMC, désormais mené par le représentant brésilien, pourrait bien mettre fin aux aventures du TTP et du TTIP et rétablir le multilatéralisme, qui serait régi par de nouveaux leaders moins puissants.
 
Enfin, « le scoop » de ce mois de décembre a été la décision prise par le Sénat du Paraguay de ratifier l’entrée du Vénézuela dans le Mercosur [5]. Cela permettra de donner un nouveau souffle à cet ensemble économique, et d’ouvrir de nouvelles perspectives. De son côté, l’UE a repoussé à janvier la signature de l’accord avec le Mercosur, en espérant peut-être que d’ici là l’Argentine se soit prononcée pour. L’intégration du Vénézuela comme membre à part entière du Mercosur change favorablement la donne au niveau régional. Il semble bien que Washington soit le perdant de cette dernière manche. Si le Japon venait à lui faire faux bond et que le TPP n’était pas ratifié, on serait face à un nouvel équilibre, avec des régions plus nettement dessinées, chacune ayant son propre centre hégémonique.
 
- Oscar Ugarteche, économiste péruvien, est le coordinateur de l’Observatoire économique de l’Amérique Latine (OBELA), au sein de l’Institut de recherches économiques de l’UNAM, au Mexique. www.obela.org. Il est également membre du SNI/Conacyt. et président d’ALAI. www.alainet.org
- Francisco J. Martínez Cervantes fait partie du projet OBELA, IIEC-UNAM.
 
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Jessica Pagazani
https://www.alainet.org/fr/articulo/81914?language=es
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