Lula – Début ou fin d’un processus historique?
14/11/2005
- Opinión
Je me souviens encore très bien de la phrase centrale de Lula, lors de sa reprise officielle de la présidence du Brésil: je ne suis pas le produit victorieux d’une campagne électorale, mais le résultat d’un processus historique.
Effectivement, Lula est enfant d’une famille du Nordeste du Brésil, qui a été attirée par le courant aimanté de l’exode rural vers les métropoles de plus en plus industrialisées (axe Rio de Janeiro - Sao Paolo). Lui-même a été mécanicien sur machines et trouva du travail dans la partie industrielle de la métropole de São Paulo, croissant de manière explosive, appelée ABC (Saint André, São Bernard et São Caetano).
Nous nous situons encore au milieu de la dictature militaire (1964-1985). Lula ne resta pas longtemps ouvrier, mais commença rapidement à travailler à la reconstruction d’un mouvement syndical, longtemps interdit. Fin des années septante, surgissent les premières grèves historiques de l’industrie automobile dans l’ABC. Et à la tête du mouvement syndical naissant était Lula. Pour lui, c’était clair que la théorie de la dictature militaire – croître d’abord économiquement et se répartir les parts du gâteau ensuite – était une dissimulation absolue de la réelle dynamique du processus d’industrialisation. L’économie se portait à merveille mais le peuple brésilien allait de mal en pis. Par le mouvement syndical, qui s’étendait de l’ABC dans tout le Brésil, resurgit à nouveau l’exigence des droits sociaux.
Réunion du mouvement syndical de l’ABC avec Lula
Cette éclosion printanière ne fut possible que grâce à la préparation du terreau depuis des années: les communautés de base ecclésiastiques. D’un œil, ils lisent la Bible et de l’autre, ils tentent d’interpréter la réalité sociale du peuple brésilien. Leur conséquence était claire: une identité chrétienne dépend fortement de l’engagement social. Sans partage des biens, la communauté eucharistique n’est pas possible.
L’Eglise est devenue un espace privilégié pour le rassemblement. Comme le droit de réunion a été interdit par la dictature militaire, d’innombrables personnes - conscientes de la réalité vécue – ont choisi clairement l’Eglise comme lieu possible de la rencontre, de la réflexion et de la planification d’actions réalisables. Par ce mouvement massif d’en-bas, l’Eglise fit également une option importante pour les pauvres. Les pauvres entraient en courant dans l’Eglise. L’Eglise représentait de façon institutionnelle la situation des pauvres et des exclus, et encouragea vigoureusement l’expansion de la communauté de base comme nouvelle forme d’Eglise.
L’apport décisif fut dans l’idéologie de la pédagogie des opprimés de Paulo Freire et la théologie de la libération de Leonardo Boff, Frei Betto et de beaucoup d’autres, de théologiens organiquement intégrés dans le mouvement social. La réalité brésilienne, dans le contexte de la dictature militaire, a vraiment était identifiée avec le paradigme des opprimés. La naissance d’un mouvement social largement enraciné se voit dans la perspective de la libération. Le lancement d’un mouvement social de libération est le cadre du processus historique dont parle Lula.
Après la résistance avec succès du mouvement syndical, Lula fit un pas de plus. Il recherchait un nouvel instrument important pour qualifier la recherche de la libération, le chemin vers le changement social: un parti politique. De la relation entre représentants du mouvement de base ecclésiastique, intellectuels rentrant d’exil, regroupements de gauchistes actifs à la base, ainsi qu’avec des représentants du nouveau mouvement syndical, naquit le Parti des Travailleurs – Partido dos trabalhadores, PT: une composition qui fit éclater toute idée orthodoxe d’un parti orienté vers la gauche. Et le PT est réellement né (1980) pour être différent: ni idéologiquement endurci, ni pragmatiquement dilué.
Mais Lula n’en est pas resté à la fondation du (de son) parti. Bientôt, il a argumenté l’organisation de l’ANAMPOS – Articulação Nacional dos Movimentos Populares e Sindicais (articulation nationale des mouvements syndicaux et populaires) (1980). Pour lui c’était clair que le parti serait un instrument important. Mais lui seul n’était pas en mesure de tracer le chemin vers ladite voie de la libération. De l’ANAMPOS naît la CUT –Central Ùnica dos Trabalhadores (Centrale unique des syndicats) (1983), qui a largement répandu dans tout le Brésil, à partir de l’ABC de São Paulo, la semence d’un nouveau mouvement syndical.
ANAMPOS est devenu ANAMPO, puisque par la CUT, fut résolu le "S" (syndical) pour mouvements syndicaux. Un nouveau sujet autonome était né. Se présentait alors le prochain défi, la liaison entre les mouvements populaires (Movimentos Populares), éparpillés dans tout le Brésil. En 1993 enfin, la Central dos Movimentos Populares - CMP (Centrale des mouvements populaires) voit le jour. Ce long processus montre combien il est difficile de ramener à un dénominateur commun tous ces mouvements spécifiques très hétérogènes, des droits de l’enfant, des femmes, contre toute forme de discrimination, pour le droit à l’éducation, la santé, des sans-toits etc. Chaque mouvement spécifique a à peine une voix pour soi. C’est seulement en unissant leur petite force spécifique qu’ils gagnent en importance, deviennent l’expression réelle des besoins de la majorité des exclus sociaux du Brésil, et obtiennent un rôle stratégique dans le jeu des intérêts de la société.
Fondation du Parti des Travailleurs
Les mouvements populaires urbains mirent beaucoup de temps à relier en réseau les objectifs communs des nombreuses initiatives locales et régionales. Pendant ce temps s’est développé en campagne ce qui est aujourd’hui sans conteste le mouvement populaire le plus important d’Amérique Latine: le Mouvement des Sans Terre du Brésil – Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra – MST. Ils organisent les familles d’agriculteurs chassés de la campagne qui sont aujourd’hui des groupes socialement exclus, même en ville. Ensemble ils luttent pour un changement social et pour la réalisation de la réforme agraire, depuis longtemps ancrée dans la Constitution, et dont ne se sont réalisées jusqu’à aujourd’hui que de petites parties. Quand le Mexique a interdit l’esclavage, une réforme agraire s’est réalisée. Alors que le Brésil, comme dernier pays en Amérique latine, interdisait finalement officiellement l’esclavage, un nouveau droit pénal avait alors rapidement été mis en vigueur. Mais pas de traces d’une réforme agraire. Réuni avec d’autres mouvements par la Via Campesina (MMC – Movimento de Mulheres Camponesas: Mouvement des Paysannes; MAB – Movimento dos Atingidos por Barragens: Mouvement des Déplacés par les Barrages; MPA – Movimento dos Pequenos Agricultores: Mouvement des petits agriculteurs etc.), le Mouvement des Sans Terre est l’expression forte d’un mouvement social autonome.
A présent, en gros l’équipe des infatigables combattants pour des changements et la libération aux niveaux social, politique et économique est réunie: le Parti des Ouvriers (PT), le mouvement syndical (CUT), le mouvement populaire de la ville et de la campagne (CMP et MST) et le réseau désarticulé bien que étendu, des communautés de base et du travail social pastoral des Eglises. Théoriquement, personne ne devrait être capitaine dans cette équipe. Chaque sujet spécifique assurait de collaborer au changement social, partant de l’identité propre d’alors.
Jusqu’à la fin des années 80, la courbe du renforcement, de l’expansion et de la mobilisation de ces sujets sociopolitiques était nettement grimpante. L’expression de cette force croissante est la participation de la société civile à l’élaboration de la nouvelle Constitution brésilienne. En 1988, ladite Constitution des droits du citoyen (Constitução cidadã) entre en vigueur. Sur cette base naît dans les années suivantes la nouvelle mise en oeuvre légale des Droits de l’Enfant et de l’Adolescent (Estatuto da Criança e do Adolescente – ECA), du Droit à l’Aide Sociale (Lei Orgânica da Assistência Social – LOAS) et de l’Education (Lei de Diretrizes Básicas da Educação – LDB). Seule la réforme agraire n’a pas pu être étendue comme ce fut rêvé dans la Constitution. La nouvelle Constitution garantit la réforme agraire au niveau des propriétés de grands terrains improductifs, et non – comme revendiqué par le Mouvement des Sans Terre – au niveau de toutes les propriétés de grands terrains que ne justifient pas justice leur fonction sociale. Une propriété d’un grand terrain de l’ordre du canton de Zurich, sur laquelle broutent deux douzaines de vaches, peut donc être déclarée comme étant productive. Et malgré tout, la réforme agraire est ancrée dans la Constitution et la bataille pour l’accaparement du sol est juridiquement en recul.
Lula dans les archives de la dictature militaire
En 1989 ont lieu les premières élections directes pour la présidence. Lula est le candidat naturel et se présente contre Fernando Collor de Mello, représentant les oligarchies du Nordeste du Brésil. Ce fut bien la campagne électorale la plus impressionnante. Les gens des mouvements populaires, des communautés de base, des syndicats et bien sûr le Parti des Travailleurs participaient à la campagne électorale. Chacun achetait des autocollants "Lula Président!" et décora avec fierté la maison avec les propagandes électorales de Lula. Chacun était en soi un comité d’élection mobile. Durant d’innombrables nuits, on peignait à la chaux blanche et, teinte en rouge, l’étoile du Parti des Travailleurs et le numéro 13 de Lula sur les murs, on collait des affiches des candidats du Parti des Travailleurs sur les murs et les poteaux. Malgré tout, Lula a perdu de très peu. En 1992, Fernando Collor fut écroué pour corruption. En 1994, Lula a perdu contre Fernando Henrique Cardoso, de même qu’en 1998.
Le bilan des années nonante est profondément pervers. A l’époque de la démocratie recouvrée, les contrastes sociaux d’un Brésil depuis longtemps inégal, se sont accentués encore davantage. Le monde compte environ deux-cent nations. Le Brésil figure parmi les quinze plus riches. Cependant, il figure imbattable en tête de la liste des inégalités sociales. Selon les données du Fonds Monétaire International, le 10% des riches de la population brésilienne concentrent 44 % du revenu national. Les 10% plus pauvres doivent lutter pour la survie avec juste 1% du revenu national.
Afin de comprendre la conjoncture actuelle du Brésil, les tendances et options des années nonante sont essentielles.
Le retrait de la hiérarchie de l’Eglise catholique est une première tendance. Celle-ci ferme les portes aux mouvements populaires et adopte des méthodes qui sont très proches de l’Eglise Pentecôtiste fondamentaliste. A São Paulo, l’Eglise de base érigée par le cardinal Paulo Evaristo Arns est remplacée par le modèle d’Eglise de la popstar Père Marcelo. Celui-ci offre par son "aérobic de Jésus" (aeróbica de Jesus) et ses "messes-shows" des émotions instantanées et réconforte par un salut raccourci, individualiste. L’Eglise de la libération perd de sa force et de son influence. Sa capacité de préparer des nouveaux militants pour la lutte des mouvements sociaux, par la conscientisation dans les communes et les paroisses, se voit toujours plus limitée.
Une deuxième tendance change la droite ligne du mouvement syndical de la CUT – Central Ùnica dos Trabalhadores. Elle perd son horizon utopique et reprend, dans le contexte du néolibéralisme et du chômage croissant, des positions toujours plus fortes, pragmatiques et même corporatives. En même temps, ce parti syndical gagne pourtant une grande influence au sein du Parti des Travailleurs: très certainement influencé et propulsé par les structures financières puissantes des syndicaux spécifiques. Ainsi ce n’est pas par hasard que le caissier Delùbio Soares du Parti des Travailleurs, qui a été écroué il y a quelques jours, ait été justement auparavant le caissier de la CUT.
Campagne électorale de Lula, 1989
La troisième tendance est la grande difficulté de canaliser dans une même direction le large réseau des mouvements populaires. Comme déjà dit, la Centrale des Mouvements Populaires (Central dos Movimentos Populares – CMP) n’est fondée qu’en 1993. Sa fondation a suivi relativement tard les processus historiques décrits. Et jusqu’à aujourd’hui, la CMP manque toujours des moyens pour pouvoir se structurer en tant que référence nationale. Ce sont les Sans-Toits eux-mêmes qui organisent des mouvements d’habitation. Ceux qui sont exclus de l’école se battent eux-mêmes pour la qualité dans l’éducation. Bien que les mouvements populaires comptent toujours sur le soutien et l’accompagnement de beaucoup d’ONGs. Mais précisément dans le contexte de la mise sur pied d’une union des mouvements populaires, les ONGs s’éloignent de plus en plus de la mission consultative des mouvements sociaux et du sujet autonome avec son identité propre. Ce n’est pas par hasard que naisse justement à ce moment l’Association brésilienne des ONGs (Associação Brasileira de ONGs [organisações não-governamentais] – ABONG).
En même temps, le Brésil perd de l’importance dans les stratégies des œuvres d’entraide internationales. A cela s’ajoute le fait que les ONGs professionnelles qualifiées – en comparaison aux mouvements populaires – trouvent plus facilement l’accès aux œuvres d’entraide, dont les moyens sont toujours plus fortement réduits. De plus, les ONGs correspondent beaucoup plus facilement aux attentes croissantes des œuvres d’entraide, en matière de planification stratégique et d’attestation des résultats obtenus, comme produit des investissements consentis. Ce qui, du point de vue du contenu, est tout à fait correct, a eu des conséquences stratégiques dévastatrices. Le renforcement fondamental des mouvements sociaux de base en faveur de changements de société ne trouva pas le soutien nécessaire pour leur affirmation en tant qu’expression propre et indépendante de la majorité exclue du peuple brésilien. L’association nationale des mouvements populaires (CMP) compte aujourd’hui sur le soutien de peu d’organisations et œuvres d’entraide, et possède un budget modeste qui est certainement inférieur aux dépenses annuelles d’une ONG moyenne, active localement. Bien que, jusqu’à aujourd’hui, l’indépendance et l’autonomie par rapport aux partis politiques et mouvements syndicaux soit très importante, la réalité du manque de moyens poussa cependant les mouvements populaires à une dépendance indirecte dans sa relation au Parti des Travailleurs. Des représentants de mouvements populaires furent engagés de plus en plus par des parlementaires du PT (au niveau des communes [Câmara Municipal], des Etats fédéraux [Assembléia Legislativa] et du parlement national [Câmara dos Deputados] et Sénat. Au fond, les mouvements populaires assuraient leur survie provisoire, mais une grande partie de l’indépendance effective était perdue. Et avec également, la possibilité de se renforcer en tant que référence stratégique des mouvements de base.
Seul le Mouvement des Sans Terre réussit à se renforcer, malgré la pression toujours plus forte du gouvernement de Fernando Henrique Cardoso (1995-2002) et la conséquente criminalisation des Sans Terre. Sans aucun doute, le large réseau des amis des Sans Terre (Grupos de amigos do MST) en Europe et en Amérique du Nord fut décisif dans ce processus. De même que le soutien vigoureux de Sebastião Salgado (photographe international renommé) et de Chico Buarque (musicien et écrivain) y a contribué de manière importante. Les limites du Mouvement des Sans Terre ne sont donc pas conditionnées au niveau structurel mais bien à celui de son contenu. Le groupe cible du MST ce sont les agriculteurs sans terres, c’est-à-dire environ 15 millions de Brésiliens. Cela représente moins de 10% de la population brésilienne. La majorité du peuple brésilien exclu vit cependant dans les ghettos et les favelas des grandes métropoles. Et là ce sont justement les mouvements populaires urbains de la CMP qui tentent, malgré toutes les difficultés, de rompre le cercle vicieux de la pauvreté et de la misère.
Lula reprend la présidence de Fernando Henrique
Les trois tendances décrites (retrait des Eglises des mouvements sociaux, « pragmatisation » du mouvement syndical et manque de référence stratégique des mouvements populaires) mènent à une stagnation nette de la force de mobilisation des mouvements sociaux. La quatrième tendance, clairement décisive, est la conséquence de cette stagnation. Le Parti des Travailleurs, en tant qu’expression politique des mouvements sociaux du Brésil, se transforme toujours plus fortement et plus clairement en une vraie machine électorale. Le PT opte clairement pour la fuite en avant. Dans ce sens, le message de Lula depuis la campagne de l’élection de 1998 est clair: "Nous n’avons pas la force nécessaire à nous tous seuls pour rendre possible mon élection comme Président: nous n’avons pas d’alternative, nous devons nous relier à d’autres partis."
Dès lors, la démarche du Parti des Travailleurs se concentre absolument sur le but de gagner les élections: coûte que coûte. Tout d’abord s’établit une alliance électorale qui ne se centre pas sur une entente pour un chemin commun quant à l’avenir du Brésil, mais s’affaire exclusivement pour gagner les élections 2002. Et Lula a gagné les élections. Il reprit le gouvernement mais cependant pas forcément le pouvoir. Dans l’univers de plus de cinq-cents conseillers nationaux, le Parti des Travailleurs a atteint tout juste 60 sièges. Afin d’assurer la capacité de gouverner, Lula a dû continuer à ouvrir son alliance à d’autres partis. Le Parti Social-démocrate de Fernando Henrique Cardoso (malgré une proximité théorique avec le Parti des Travailleurs, à partir de racines historiques communes dans la résistance contre la dictature militaire) est devenu une opposition radicale. Le reste c’étaient les traditionnels « partis de location » qui se lient à un quelconque parti gouvernemental pour des intérêts personnels. Et le Parti des Travailleurs les a loués.
Fête populaire lors de l’entrée en fonction de Lula
Le prix pour garantir de cette façon la capacité de gouverner (nous le savons aujourd’hui) était trop cher. Malgré des initiatives importantes et intéressantes, le gouvernement de Lula est devenu une fédération d’intérêts opposés, même contradictoires: d’une part la continuité de la politique économique néolibérale, d’autre part l’approche de changements structurels; d’une part le renforcement de l’agro-business et de l’autre, la réforme agraire comme objectif historique. La réalité est que dans les quasi trois ans du gouvernement Lula, "la révolution des priorités sociales" n’a pas eu lieu.
Encore plus grave est le bilan des moyens utilisés pour réaliser non pas le souhaité mais le possible. Aux dépens du mandat historique de l’éthique en politique, le Parti des Travailleurs fit toujours plus usage de la vieille politique, conventionnelle et traditionnelle des élites brésiliennes. Un scandale après l’autre ont ridiculisé le gouvernement de Lula. L’opposition hypocrite passe moralement par-dessus Lula et l’accuse d’un poison qu’elle a elle-même brassé durant des décennies.
Le gouvernement de Lula et le Parti des Travailleurs se trouvent dans une crise profonde. Malgré tout, selon mon point de vue, Lula n’a pas changé maintenant comme président. Il n´est ni un corrompu, ni un dénonciateur, cependant lui et le Parti des Travailleurs paient le prix absurde de leur propre décision de gagner à tout prix les élections: très clairement une erreur stratégique.
Les modifications structurelles du Brésil ne dépendent pas en premier lieu de la victoire dans des élections spécifiques. Elles demandent une rupture dans le déséquilibre de la défense des intérêts dans la société brésilienne. La force d’un parti politique est insuffisante. La mobilisation de la société civile brésilienne et le dépassement de la stagnation des mouvements sociaux en sont des conditions essentielles.
En langue française, "je suis" a aussi bien le sens "d’être" que de "suivre". Mon identité se précise ainsi au long du chemin que je choisis et mène au but que je poursuis. Le Parti des Travailleurs a perdu de vue l’objectif d’un autre Brésil et a mis en jeu sa propre identité. Les mots de Frei Betto désignent clairement le dilemme du Parti des Travailleurs: "Le Parti des Travailleurs vit le dilemme de Hamlet: être ou ne pas être, être un parti qui veut gagner les élections, ou être un outil dans l’élaboration d’un projet historique pour un autre Brésil".
Le président Lula
Des gouvernements vont et viennent, cependant la société civile et les mouvements sociaux restent. Ils continuent de travailler au "processus historique" que Lula a lancé comme président. Ce "processus historique" nécessite aujourd’hui un dialogue à l’échelle nationale, qui doit promouvoir les lignes d’un nouveau Brésil: un autre Brésil, élaboré du bas vers le haut, de l’intérieur vers l’extérieur; un développement qui permette une justice sociale et qui assure l’équilibre avec la nature; une économie qui garantisse un travail et un revenu pour tous et réduise l’inégalité perverse; une politique construite sur la base de l’éthique et de la participation, et qui puisse être le lieu pour la structuration des intérêts collectifs du peuple brésilien. Ainsi, Lula n’est ni le début ni la fin du "processus historique". Pour que Lula et le Parti des Travailleurs puissent à nouveau coopérer à ce "processus historique", ils doivent retrouver de manière résolue le chemin de leur plus grand capital politique propre: les mouvements sociaux.
*Beat « Tuto » Wehrle, Co-directeur du Centre des Droits de l’Enfant de Interlagos (www.novo-movimento.com ) et Coordinateur du Programme brésilien de E-CHANGER (www.e-changer.ch).
São Paulo, septembre 2005
Traduction Franciska Oggier
SERVICE DE PRESSE E-CHANGER
https://www.alainet.org/es/node/113522
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